DISCOURS PRONUNCÉ PARA LE COMMANDANT FIDEL CASTRO À LA CÉRÉMONIE DE CLÔTURE DE LA RENCONTRE INTERNATIONALE ECONOMÍA'98. Palais des congrès, La Havane. 3 juillet 1998.

 

N’ayez pas peur (Rires). Je voulais tout simplement vous saluer et vous dire combien nous apprécions votre présence dans notre pays, notamment ceux qui ont parcouru beaucoup de kilomètres pour arriver à Cuba, au prix parfois de sacrifices personnels, et qui n’ont pas beaucoup de ressources.

Des milliers d’instituteurs latino-américains, ainsi que des médecins, pédagogues et d’autres professionnels, se sont parfois réunis ici, engageant souvent le salaire de plusieurs mois, voire d’un an.

Cuba a accueilli de nombreuses réunions internationales. Récemment, plus de 10 000, entre 10 000 et 15 000 jeunes du monde entier, ont participé à un festival tenu dans notre pays.

Nous sommes conscients des sacrifices qu’il faut parfois consentir pour voyager à Cuba ; en outre, il ne faut pas non plus oublier le geste courageux, car certains n’aiment pas que d’autres se rendent à Cuba.

Nous avons écouté des interventions magnifiques et avons appris beaucoup, aussi bien de ceux qui ont présenté leurs exposés que de ceux qui ont exprimé leurs idées au sujet des thèmes débattus. A mon avis, la réunion a été très utile.

Nous avons tous écouté, avec reconnaissance, avec respect et avec gratitude, l’allocution prononcée par notre illustre ami Moneta, secrétaire permanent du SELA. Son discours franc et courageux fait l’admiration de tous.

Lorsque l’ami bolivien lui a posé une question, je me suis alarmé, car si tous lui posent des questions... Moi, j’aurais aimé lui poser certaines questions ; mais on le fera à un autre moment, pour parler plus discrètement. Néanmoins, il a donné des explications, il a exprimé certaines choses en toute honnêteté, et il l’a dit d’ailleurs avec art, en tant qu’expert en relations internationales, non pas parce qu’il ait été présenté à ce titre lorsqu’on lui a décerné un diplôme, mais par la façon dont il s’est manifesté et par ce qu’il a dit, avec le tact et le soin dont doit faire preuve une personne qui dirige une organisation qui entretient des relations avec les gouvernements de notre région.

Bien que je puisse parler avec un peu plus de liberté depuis une tribune politique, il est aussi de mon devoir d’être discret, de respecter le mieux possible les principes et les normes de la diplomatie et, en particulier, les principes de la stratégie et de la tactique politique. Personne ne pourra dire jamais que j’ai dit un mensonge, ou quelque chose dont je ne suis pas convaincu ; or, on ne peut dire toutes les vérités, tous les jours, toutes les heures. Si quelqu’un agit de la sorte, il ne pourra alors assumer certaines responsabilités.

Aux questions posées parfois par les journalistes, je réponds : «En toute franchise, tu ne te rends pas compte que je ne suis pas entièrement libre pour dire tout ce que je voudrais dire» ? Nous avons certaines responsabilités, et il faut parfois s’abstenir de dire des choses qu’on aimerait dire. C’est un devoir.

Mieux, si l’on me dit que je dois m’en aller chez moi, ce qui me permettrait de disposer de davantage de temps, je ne serais pas libre de dire ce que je voudrais dire, ou de ce que j’aimerais dire, ou de ce que je pourrais dire, car, même dans ce cas-là, compte tenu du fait d’avoir participé aux côtés de notre peuple pendant de longues années, dans une lutte si longue, si dure, si difficile, qui dure encore, il y a certaines choses dont nous n’avons pas encore le droit de parler. C’est comme si l’histoire de tout ce qu’on a fait ensemble était une propriété personnel de l’un d’entre nous.

Quelques journalistes qui m’attendaient toujours ici - hier, par exemple, ‘vous étiez déjà partis déjeuner’, j’ai commencé a parler avec eux et j’ai perdu la notion du temps ; un compañero arrive et me dit qu’il fallait partir car la séance allait commencer ; sans m’en apercevoir, j’avait parlé avec eux pendant une heure et demie ou deux heures - ils m’ont poussé à parler de certains sujets ; ils m’ont posé des questions sur le Che, et alors j’ai commencé a parler du Che. J’ai leur dit même qu’avais envie d’écrire quelque chose sur le Che, de faire une sorte de biographie du Che, ou du moins faire connaître mes impressions depuis les jours où je l’ai rencontré pour la première fois jusqu’à présent, car je le rencontre tous les jours ; hier comme combattant, avec son fusil à l’épaule, entre les montagnes, en train d’accomplir des missions très difficiles ; aujourd’hui comme combattant présent, avec ses idées, avec son exemple, comme un symbole : le symbole de notre Amérique, fils de notre Amérique, symbole de nos aspirations, symbole de notre Révolution, frère intime que j’ai pu connaître très bien.

J’ai exprimé ces sentiments par une phrase lorsqu’on m’a posé des questions sur les livres écrits sur lui, surtout à l'étranger, parfois par des gens qui ignorent tout, par des personnes qui, évidemment, n’oseraient pas dire du mal de lui et de ses idées, sauf dans le cas de quelques misérables ; elles n’oseraient même pas essayer d’amoindrir son image. On essaye parfois de l’utiliser pour attaquer la Révolution, pour attaquer Cuba, même ses compagnons et frères intimes de lutte. Voilà ce que j’ai répondu à la question sur les livres : «Le Che est beaucoup plus que tout ce qu’on a écrit sur lui».

Aujourd’hui même, dans une nouvelle embuscade, ils me demandaient quelques minutes pour parler de certains de ces sujets. Je leur ai dit : «Oui, et je vous recommande de lire ceci et cela» - autrement dit, certains de ses écrits afin qu’ils puissent mieux se préparer, c’étaient des gens de la télévision -, «et moi, je peux alors parler avec vous, même si je ne pourrai pas vous dire tout, vous raconter toute l’histoire», car, même après trente et quelques années de sa mort, on ne peut pas encore, même pas aujourd’hui, révéler tous les détails, toutes les idées, toutes les tactiques, car nous sommes en train de livrer la même bataille, face au même ennemi, et il y a des choses qu’on ne peut pas encore divulguer. Cependant, on peut déjà raconter beaucoup de choses, car plus le temps passe, plus on en pourra parler.

S’il n’y a pas de temps pour écrire des mémoires, il faudra au moins laisser la plus grande quantité de témoignages, ou récits, ou quelque chose qui puisse servir de base pour le faire. Nous ne pourrons peut-être nous payer ce luxe.

A cours des séances, je vous ai expliqué, à grands traits, avec un peu plus de liberté, ce que je pense, mes sentiments, mes convictions les plus profondes, certaines idées essentielles, notre opinion sur ce qui se passe actuellement dans le monde et ce qui se passera dans l’avenir, à partir non pas d’utopies ni de magie, ni pour passer pour devin, mais à partir seulement de l’expérience, des analyses et des réflexions sur les faits et les événements.

J’ai mes idées les plus fermes sur le développement qui s’opère actuellement dans le monde, sur cette mondialisation dont on a parlé et à laquelle nous avons donné un nom, et ce pour donner seulement une idée et pour synthétiser en une phrase ce que nous appelons mondialisation néolibérale, ce qui ne nie pas le processus de mondialisation, car celui-ci est inévitable, inexorable, et doit être l’objet d’une analyse approfondie.

Je vous exhortait à réfléchir sur ce sujet, à rechercher, à approfondir, à aider, à conseiller, à divulguer, à partir de la vérité, non pas à partir d’un critère dogmatique. Je répète : sans aucun type de dogmes et à partir d’un esprit large, très large et en écoutant les avis de tous, sans prétendre posséder des vérités absolues. Bien au contraire, nous sommes intéressés à avaliser et à enrichir nos conceptions ; nous sommes intéressés à approfondir davantage dans cette conviction, même à rectifier toute idée, à la corriger, à la perfectionner. Or, pour y parvenir, il faut faire preuve d’un esprit très large, et prenant en considération et en synthétisant les idées, les connaissances et les informations.

Au cas où nos croyances et nos sentiments seraient partagés par d’autres personnes ; autrement dit, au cas où il s'agirait d'un fait certain, seulement les efforts et l’intelligence de beaucoup de personnes seraient capables de le vérifier, de tirer des conclusions irréfutables et de déterminer le rôle que l’homme peut jouer dans les événements historiques.

Il n’y aura donc un seul penseur, car des centaines de milliers, des millions de penseurs peuvent devenir alors le penseur dont a besoin notre époque. Peu importe les noms. A certaines époques, l’humanité ne représentait que le dixième de celle d’aujourd’hui, et il y a eu cependant des hommes qui ont écrit pour quelques millions de personnes qui ne savaient ni lire ni écrire, dont un quart seulement a pu connaître leur pensée.

Actuellement, la population de la planète s’élève à 6 milliards d’habitants, dont des millions et des millions savent lire et écrire comme je vous ai expliqué ce matin ; en plus, les moyens pour divulguer ces idées sont nombreux. On n’a pas souvent accès, au milieu de cette lutte d’idées qui a lieu à l’échelle mondiale, aux médias contrôlés par les grandes sociétés transnationales, ou aux grandes chaînes de télévision ou d’information ; or, il y a toujours la possibilité de faire parvenir le message au monde, toujours, et la tâche sera plus réalisable dans la mesure où les communications se développent.

Hé bien, un petit équipement peu volumineux et relativement bon marché - lorsque je dis relativement bon marché je pense à quelqu’un qui dispose de faibles moyens-, un ordinateur relié au réseau d’Internet, constitue déjà un moyen de faire parvenir un message, une pensée, à des millions de personnes dans le monde.

Comme on le dit, et c’est d’ailleurs vrai, on estime qu’environ 100 millions de personnes sont déjà reliées ou en train de l’être au réseau d’Internet, et ce processus ne s’arrête pas ; il faut parler aux peuples, au monde, en particulier à ceux qui peuvent influer sur les autres ; donc, si ce n’est pas une mais 100 personnes pouvant se communiquer par cette voie, et si ce ne sont pas 100 mais 1 000, et si ce ne sont pas 1 000 mais un million, alors, si les idées sont justes et solides, même les économistes ou les scientifiques les plus modestes auront toujours la possibilité de transmettre leur message, ce message qui doit être le fruit de l’intelligence de beaucoup de personnes. C’est une condition indispensable si l’on veut compter sur le plus grand nombre d’avis.

Dans le cadre d’échanges de vues, on a fait allusion ici à Christ. J’ai dit qu’il avait cherché 12 pêcheurs qui ne savaient ni lire ni écrire auxquels il avait inculqué ses idées afin de les divulguer à travers le monde ; ces idées ont été par la suite publiées d’une façon très cohérente. Je me suis parfois posée cette question : Comment, compte tenu du fait que ces pêcheurs ne savaient ni lire ni écrire, a-t-on pu écrire tout ce qu’on raconte dans les Evangiles ? Tout simplement, parce que d’autres les ont suivis et ont écrit les Evangiles, et aussi parce que d’autres ont assimilé ces idées. De par leur contenu humain, et compte tenu du fait qu’il s’agissait d’un empire dominant qui avait ses classes d’oppression et d’exploitation, ils sont bientôt devenus la religion des esclaves, des opprimés et des pauvres de cette société. Christ lui-même, à coups de fouet, avait expulsé des temples les riches marchands de l’époque.

Ce n’est pas le christianisme, évidemment, la seule religion qui s’est répandue à travers le monde, où l’homme cherche des explications à leur existence et des consolations aux souffrances qui lui ont imposé, plutôt que la nature, les systèmes sociaux qui régnent aujourd’hui.

Il y a les juifs, les musulmans, les hindous, les bouddhistes, les animistes, entre autres religions. J’y ai fait allusion dans mon discours à la suite de la visite du pape, où je vantais l’esprit oecuménique de ses prédications présentées lors du fameux second concile du Vatican, convoqué par Jean XXIII, qui a entraîné des changements même en matière de liturgies, une pensée nouvelle, ainsi que la préoccupation pour les problèmes des pauvres et exploités qui ont été oubliés par la haute hiérarchie des siècles durant au cours de l’histoire.

Je respecte beaucoup toutes les religions. J’ai surtout connu la religion chrétienne, car j’ai été mis, pendant 12 ans, comme interne - comme c’est aussi votre cas, certainement -, en collèges religieux catholiques ; c’était une sorte d’apartheid, comme je dis, de séparation, car l’éducation collective n’existait pas. Nous y vivions en reclus, nous ne quittions même pas l’établissement ; les jeunes filles, elles aussi, étaient recluses dans d’autres écoles similaires destinées à notre classe privilégiée, sans quitter jamais non plus l’institution.

En fait, ces écoles ressemblaient, de par la vie que nous y menions, à un couvent plutôt qu’à une école ; aujourd’hui, je m’en réjouis, car c’est là que j’ai acquis la discipline, le stoïcisme, l’esprit de sacrifice, bien de choses positives dont j’ai tiré profit au cours de ma vie.

Notre culture, insérée dans le cadre du dit monde occidental, renferme, sans conteste, des éléments des valeurs chrétiennes ; à mon avis, ces valeurs comprennent des principes éthiques et humains applicables à toute époque.

Au cas où Christ serait né à cette époque, au lieu de celle où il est né et où il a conçu ses idées, je peux vous assurer  - moi, j’en suis convaincu - que ses prédications ressembleraient beaucoup aux idées ou aux prédications que les révolutionnaires d’aujourd’hui essaient de faire parvenir au monde. Compte tenu des possibilités de communication que nous offre la science, il ne faudrait pas trois siècles pour que même les empereurs soient capables de saisir la fausseté de leurs conceptions intenables. Ce ne sera pas évidemment par la persuasion que les empereurs d’aujourd’hui vont accepter les bras ouverts nos revendications et nos aspirations de justice et d’équité en ce monde, monde qui ne pourra non plus attendre 300 ans. Il faudra moins de temps pour assister aux changements qui vont certainement s’opérer.

Comme je vous ai déjà dit, les idées sont nécessaires pour préparer les peuples pour l’avenir, mais il faut lutter dès maintenant. Dès à présent, il faut former les consciences, je dirais plutôt les nouvelles consciences. Je ne veux dire par là que le monde n’a pas de conscience ; mais une époque si nouvelle et si complexe comme celle-ci exige plus que jamais des principes et d’une conscience plus vaste, et cette conscience sera forgée à partir de la conscience de ce qui se passe actuellement et de ce qui va se passer dans l’avenir. Pour forger cette conscience, il faudra tenir compte de plus d’une pensée révolutionnaire et des meilleures idées éthiques et humaines de plusieurs religions, je peux même dire de toutes les religions authentiques - je ne pense pas aux sectes qui existent, évidemment, créées à des fins politiques et afin de semer la confusion et la division parmi les rangs de ceux qui n’hésitent pas à se servir même de la religion pour atteindre certains objectifs politiques - ; des prédications de nombre de penseurs politiques, d’écoles et de religions.

Ici, on a aussi fait allusion aux éminents théoriciens de ce siècle qui ont joué un rôle et dont les idées peuvent avoir une certaine actualité ; or, il faut conjuguer le sens éthique et humain d’un grand nombre d’idées, dont certaines remontent à des époques très lointaines dans l’histoire de l’homme : conjuguer les idées de Christ avec les idées socialistes, scientifiquement fondées, si justes et si humaines, celles de Charles Marx, d’Engels (Applaudissements), de Lénine, de Martí, des encyclopédistes européens qui ont précédé la Révolution française et des héros de l’indépendance de cet hémisphère, dont le symbole le plus significatif est celui de Simón Bolívar qui a été capable, il y a deux siècles, de rêver même d’une Amérique latine unie, alors que le cheval était le moyen de transport terrestre le plus rapide, raison pour laquelle il fallait même trois mois pour qu’un messager puisse se déplacer depuis Caracas jusqu’à Lime, ou jusqu’à Ayacucho, ou jusqu’en Bolivie. Voilà les moyens dont ils disposaient pour lutter ! Sans téléphone, sans communications, sans radio, ils ont eu la décision et la force de parcourir un continent et de rêver d’une Amérique latine unie. Certes, ces sentiments, cette aspiration, ces idées doivent nourrir nos idées d’aujourd’hui.

A l’époque où Bolívar parlait de l’unité du continent, les Etats-Unis d’aujourd’hui étaient un pays situé près des côtes de l’Atlantique, très à l’est du Mississippi, qui s’est étendu plus tard à l’ouest au détriment des terres des indigènes et des terres des descendants d’Indiens et d’Espagnols qui y habitaient - cette histoire est bien connue - ; voilà pourquoi il parlait de l’hémisphère. Il n’excluait pas du tout les Etats-Unis, mais ce pays n’était pas alors le pays que nous connaissons aujourd’hui ; c’étaient en réalité les 13 colonies qui venaient de se libérer du colonialisme anglais.

Une partie importante de cette Amérique dont parlait Bolívar n’existe plus. Presque personne n’habitait au Canada dont la population actuelle est, je ne m’en souviens pas exactement, de vingt et quelque millions d’habitants, dont la moitié sont des immigrants d’autres pays.

A cette époque-là, il rêvait de l’union de cette Amérique ; or, il a été suivi d’autres qui rêvaient d’un monde uni, et nous aussi, nous devons rêver d’un monde uni, car l’humanité marche inexorablement dans ce sens-là. La mondialisation crée graduellement les conditions pour parvenir à ce monde uni.

C’était une idée, une forte prémonition de Bolívar; mais, lorsqu’on analyse les conditions, on constate toute de suite que l’Amérique unie dont il rêvait était impossible. Les conditions matérielles et culturelles minimales n’étaient pas réunies permettant cette union qu’il a forgée en partie ; à sa mort, il n’avait vu que les fragments de cette grande Colombie. Mais, il a pensé à cela, car il était un homme lucide, tout comme Miranda, lui aussi, avant l’indépendance.

Je vous disais que le monde marche aujourd’hui vers l’unité. On peut d’ores et déjà la concevoir, non pas comme un rêve, mais comme une réalité objective toujours plus évidente et qui se présente comme une nécessité de survie de l’espèce humaine.

Je suis allé même plus loin ce matin - j’en suis conscient -, car j’ai eu la hardiesse de dire une chose plus audacieuse sur les ressources naturelles de cette planète que certaines puissances, faisant preuve d’égoïsme, veulent préserver pour soutenir leurs dénommées sociétés de bien-être.

Dans un monde mondialisé, ces ressources doivent être mises au service de l’humanité. Nombre de peuples du tiers monde ont été obligés d’édifier leurs économies sur la base de ressources qui s’épuisent pour favoriser exclusivement les sociétés développées. Que restera-t-il pour eux dans l’avenir ?

Les Etats-Unis, par exemple, dépensent chaque année 5 milliards de dollars rien que pour perfectionner et mettre au point des armes nucléaires ; ils dépensent 27 milliards de dollars chaque année pour réaliser des activités d’espionnage et de renseignement et dans la fabrication d’armes nouvelles et modernes - dites intelligentes - et d’avions invisibles aux radars ; ils ont des millions d’hommes en armes, des centaines de navires de guerre les plus modernes et une énorme quantité de porte-avions et de sous-marins et de bases éparpillées partout dans le monde. Alors, on se pose cette question : pourquoi ? et pour quoi ? Cela doit certainement répondre à une pensée spécialement conçue pour cela, à une culture de la domination et à un instinct d’appropriation.

Ils n’accordent pas beaucoup d’attention à la question de l’environnement, d’essayer par exemple de réduire les émanations de gaz de leurs industries ; ils n’acceptent aucun accord international visant à préserver la nature depuis une approche universelle, en tant que patrimoine commun de l’humanité ; ils opposent toute sorte d’objections, car ils ne veulent pas s’engager à tout ce qui puisse entraver leurs désirs de domination et la jouissance des ressources naturelles du monde.

On pourrait se poser une autre question : Que feront-ils avec ses armes-là, lorsque les peuples beaucoup plus cultivés et conscients connaîtront les réalités ? Que feront-ils avec ses armes-là, lorsqu’ils seront l’objet d’une profonde crise économique ? Cette crise surviendra inévitablement lorsque ce ballon gigantesque des bourses qui ont multiplié jusqu’à l’absurde leurs valeurs réelles, se dégonflera. Ce sont des valeurs imaginaires, sans aucun fondement matériel, créées artificiellement à partir des conditions privilégiées dont jouit un Etat qui, compte tenu des circonstances historiques particulières, est devenu l’émetteur de la principale monnaie de réserve acceptée et qui circule dans le monde, transformant de la sorte le papier en or, ce dont rêvaient déjà les alchimistes du moyen âge.

Ils achètent tout ce qui est à leur portée dans le monde : les principales industries et services, voire des terres prometteuses et fertiles de l’Amérique latine ; car nous savons qu’il y a des pays comme l’Argentine où tout a été privatisé, même des rues et des routes importantes - car les privatisations concernent non seulement l’électricité, le pétrole, le gaz, les aéroports, les lignes aériennes, les chemins de fer, mais aussi les rues - ; une forte propagande est réalisée pour que les grandes sociétés transnationales des Etats-Unis et de l’Europe acquièrent d’immenses extensions de terre dans les fertiles plaines argentines.

Là, il y a certains investisseurs étrangers qui possèdent 200 000, 300 000 ou 400 000 hectares de terre. On met entre les mains du capital étranger non seulement les industries et les services, mais aussi les ressources comme les terres, les terres de nos peuples qui devront produire pour les peuples, en échange d’un plat de lentilles ; car ce ne sont que des papiers imprimés et des valeurs gonflées. Voilà pourquoi nous affirmons, à partir de faits mathématiques, que cette mondialisation néolibérale est intenable ; que la crise est inévitable. Et ces crises, compte tenu du caractère toujours plus mondialisé de l’économie mondiale, seront aussi mondiales, universelles.

J’essai d’imaginer ce qui se passerait aux Etats-Unis avec les dizaines de millions de titulaires d’actions qui ont une valeur gonflée, avec ces familles qui ont déposé leurs économies dans ces actions, si les bourses s’effondrent.

Ils ne peuvent éviter ce phénomène, car c’est quelque chose de congénitale, quelque chose qui est dans les gènes du système qui lui a donné naissance, dans les lois régissant son développement. Ils ne pourraient jamais l’éviter, à moins qu’ils fassent ce qu’ils ne feront jamais, autrement dit renoncer à ce système. Ils auront beau prôner, divulguer leur idéologie, leurs mensonges et les tromperies, ils ne peuvent l’éviter. C’est sur cette base que nous pouvons affirmer tout cela, dont nous n’avons pas le moindre doute. Les facteurs de changement sont objectifs et se présenteront comme des faits objectifs ; ce sont les facteurs subjectifs ceux qu’il faut préparer. C’est à cela, précisément, que je vous invitais le premier jour.

En fait, je ne suis pas venu ici élaborer un plan ou à confier des tâches à qui que ce soit ; je participe à cette réunion en qualité d’invité comme vous, comme j’ai participé à bien d’autres activités et congrès auxquels j’ai été invité, à caractère national et international ; de sorte que je ne peux participer qu’à quelques congrès, à certaines activités ou à certains congrès, car je ne pourrais être partout et, en plus, je dois accomplir d’autres tâches, et surtout réfléchir et étudier. Les jours où je n’ai pas des activités intenses, je consacre beaucoup d’heures à l’étude et à m’informer. C’est notre obligation, à un moment comme celui-ci ; il faut étudier jusqu’au dernier jour, jusqu’à la dernière minute, jusqu’à la dernière seconde, mais pour cela le travail doit être partagé entre beaucoup de compañeros.

Les impérialistes, dans leur propagande contre Cuba, ne cessent pas de parler de Castro : «Castro a fait et défait, une chose ou une autre». Ils individualisent la politique, les processus : «La Révolution de Castro, le communisme de Castro». C’est toujours l’oeuvre de Castro, l’action de Castro, lorsqu’en réalité ce sont des millions de citoyens de ce pays ceux qui, en premier lieu, réalisent les travaux les plus durs.

Ce soir, alors que nous parlons ici, les personnels des hôpitaux sont en train de prêter assistance aux patients, les médecins de garde et les médecins de la communauté, seulement à quelques mètres des personnes qui pourraient en avoir besoin, fruit de notre politique de médecine familiale ; en ce moment, nombre de compatriotes sont peut-être aussi en train de travailler, de labourer les terres en vue des semailles de canne à sucre, ou se préparant pour aller travailler à 2 h ou à 3 h du matin aux campagnes, et qui seront ensuite exposés au soleil des tropiques, un soleil toujours plus fort, dans un climat qui change constamment.

Nous ne travaillons pas dans des locaux climatisés comme l’on travaille dans les climats tempérés privilégiés, là où il n y a même pas de moustiques ; la plupart des habitants de cette planète travaillent dans cette frange du monde, où il y a plus de champignons, plus de bactéries, plus de vecteurs, plus d’insectes, plus de moustiques, plus d’humidité, plus de catastrophes naturelles comme les cyclones, les inondations ou les sécheresses prolongées, phénomènes qui s’aggravent toujours plus ; c’est dans ces conditions où travaillent nos peuples et où travaille aujourd’hui notre peuple.

Si nous sommes devant un micro et s’il y a des lampes allumées, c’est parce que, tout au long du pays, à cette même heure, des milliers d’homes travaillent avec les lignes électriques et les chaudières des centrales thermiques produisent de l’électricité pour que ces lampes soient allumées. D’autres, par exemple, travaillent dans les chemins de fer ; d’autres sont en train d’assurer les transports ; d’autres chargent et déchargent des marchandises aux ports ; d’autres réalisent des travaux de construction ou sont dans les bateaux marchands. Ce sont des millions de personnes qui travaillent ou se reposent pour reprendre les travaux demain qui ; or, aujourd’hui, c’est samedi, autrement dit un jour de congé, mais pas pour tous, car pour qu’un groupe de travailleurs puissent bénéficier de ce jour de congé, des centaines de milliers d’ouvriers travaillent et s’occupent des services dont ont besoin les autres travailleurs, les familles, les enfants et le reste de la force de travail.

Cette Révolution n’est donc pas celle de Castro, mais la Révolution d’un peuple, la Révolution de millions de travailleurs. Ce n’est pas une révolution de bourgeois, ni d’oligarques, ni de sociétés transnationales ; c’est une Révolution de travailleurs et d’un peuple de travailleurs qui a été capable de rester uni, de faire face au géant, au colosse. Et si un Cubain le dit, il ne doit jamais le dire par vanité, et nos compañeros révolutionnaires ne le diront jamais par vanité, ou par chauvinisme, ou par orgueil.

Evidemment, lorsque nous le disons, nous le disons certes avec satisfaction ; mais c’est une satisfaction qui découle du sens de la responsabilité et du devoir, tout en sachant que notre résistance contribue à aider les peuples frères, ici dans cet hémisphère et partout ailleurs. En résistant, même dans les conditions les plus difficiles, nous prouvons ce dont sont capables les hommes, ce dont sont capables les valeurs et ce dont sont capables les idées.

Nos ennemis tentent de contrecarrer nos vérités et de calomnier par tous les moyens l’oeuvre de tout un peuple, d’intriguer et de subvertir ; ils tentent de tuer l’espoir, de semer le pessimisme, car à quoi bon alors ce blocus indécent ? Pour briser la morale de notre peuple qui, le seul pratiquement dans le monde, est victime de l’harcèlement, de la guerre économique et non économique, de la guerre politique et de la guerre idéologique menée par la principale puissance qu’ai connue l’histoire de l’humanité ; et qui est devenue, pour la première fois, une puissance hégémonique à l’échelle mondiale.

Les Etats-Unis constituent aujourd’hui la base de l’impérialisme mondialisé ; voilà pourquoi la lutte contre cette modalité de domination doit être mondialisée.

L'empire compte des théoriciens et des idéologues formés dans les universités, mais il faut dire qu'il compte aussi des hommes intelligents et sensibles avec des idées différentes, des hommes qui ne partagent ni les méthodes et les politiques de l'empire, ni la décision criminelle d'imposer un blocus à un petit pays et d'essayer de l’acculer à la faim et aux maladies. L'empire a des théories, des théoriciens et des moyens pour les vulgariser et les peuples dominés par cet empire mondial doivent compter des théoriciens provenant des rangs des intellectuels et tout d'abord des rangs des économistes. Des économistes ayant un sens politique, non pas des économistes au service des sociétés transnationales ou qui agissent tout simplement en tant que consultants. Bien entendu, il faut disposer des services-conseil et des économistes à même de mettre au point des idées et de les transmettre à leurs peuples à partir de fondements vraiment scientifiques, de la science et de l'expérience humaine accumulée au fil des ans.

Des économistes au service du peuple et pour être actuellement économistes du peuple, je répète, il faut être économiste politique (Applaudissements) ; et les hommes politiques doivent posséder un minimum de connaissances économiques et, si possible, un maximum de connaissances en cette matière, car l'économie est à l'heure actuelle l'arène où se joue le destin de l'humanité, la base de nos luttes. Et les hommes politiques qui ne comprennent pas ou qui ne veulent pas comprendre, ou qui ne fassent des efforts pour apprendre l'économie ne sont pas dignes de jouer le rôle qui leur incombe en tant qu’hommes politiques.

Il n'est pas question de dire des choses agréables avant les élections ou pour faire en sorte que leur parti attire le plus grand nombre de voix tout en se distribuant les électeurs divisés en mille pièces. Il n'est pas question de dire des choses, entourés des journalistes, pour gagner l'appui de la population ; après deux heures sans avoir donné une conférence de presse et faire connaître leur présence, ces hommes politiques se sentent comme quelqu'un qui a passé dix jours sans boire de l'eau. Il s'agit d'un style, même d’une politique.

Nous avons suivi de près les dénommés Sommets des Amériques convoqués par les Etats-Unis.

Je ne veux pas outrager qui que ce soit; je réitère que je n’ai l’intention de blesser personne, mais j'observe qu’aux sommets ces hommes politiques sont sous la pression et les diktats des patrons de l'empire. Généralement, ces sommets hémisphériques comportent deux types de réunions : publiques et privées ; les hommes politiques donnent une image aux réunions publiques et une autre aux réunions privées, loin de la presse. C'est alors qu'ils peuvent exprimer humblement certaines préoccupations.

Ces réunions se caractérisent en général par la théâtralité, bien que cela ne soit pas généralisée. Il y a des hommes politiques sérieux, même dans ces conditions ; il y en a encore des courageux, je dois l'admettre ; mais on se rend compte que chez un nombre considérable d’hommes politiques latino-américains la démagogie prévaut, une démagogie frisant la flatterie baveuse et la faiblesse. Le style des dirigeants caraïbéens est dans la plupart des cas tout à fait différent. Je parle des dirigeants des pays qui étaient des colonies même après le triomphe de la Révolution cubaine et j'ai déjà souligné le sérieux de leurs manifestations, la façon dont ils s'expriment et ils disent la vérité en anglais au président des Etats-Unis en personne. Nous les respectons beaucoup et nous avons été à leurs côtés puisqu'ils font partie indissoluble de la vie politique de notre Amérique.

On nie à Cuba, comme vous le savez, le droit de participer à ces sommets. Ils ne sont pas capables d'imaginer l'honneur qu'ils nous font, car ces rencontres réunissent les maîtres démagogiques qui vont imposer leurs diktats à leurs serfs démagogiques ou à ceux qui n'étant ni des démagogues ni des serfs et n'acceptant pas des diktats, sont obligés de supporter l'humiliation.

A notre avis, face à l'habitude occidentale, avorton de la conception individualiste de l'impérialisme et de nombre de ses intellectuels, à partir du prétendu rôle de l'individu dans l'histoire, auquel ils attribuent et accréditent tout, les individus peuvent jouer un rôle ; mais notre rôle principal, au cas où l'on déciderait d'attribuer un rôle à ceux qui ont initié cette Révolution, a été celui de mettre au point et de transmettre des idées. Sans elles, notre Révolution et la victoire de notre peuple face à une armée formée de plus de 80 000 hommes, ravitaillée par les Etats-Unis en chars, avions, services de télécommunications, uniformes, munitions, conseils et face aussi heureseument à une sous-estimation, auraient été impossibles.

Ils n’ont jamais conçu une Révolution ici, ni des organisations, des partis ou des hommes disposés à ne pas se vendre, à se plier ou à se corrompre. Cette sous-estimation a été précieuse parce que lorsqu'ils se s’en sont rendu compte, leur armée était déjà hors de combat, leurs 80 000 hommes étaient désarmés et les armes étaient entre les mains du peuple.

Arbenz n'a pas eu la possibilité de faire la même chose au Guatemala ; d'autres hommes progressistes, révolutionnaires, comme Allende, qui est arrivé au pouvoir désireux de transformer son pays, n'ont pu le faire. Leurs efforts généreux après avoir fait appel aux voies électorales les plus impeccables, combien ont-ils duré ? Est-ce que cela a empêché la CIA de conspirer conjointement avec les éléments les plus réactionnaires et les plus conservateurs afin de les renverser ? Tout est écrit, à la vue de tous; on a beaucoup publié et il est déjà un délit confessé de ceux qui peuvent s'offrir le luxe de commettre un délit et de publier, au bout de quelques ans, les crimes commis.

Ils ont sous-estimé Cuba. Ils croyaient que c’était leur colonie la plus fidèle, la plus sûre de leurs possessions et ils ont distrait l'attention ; lorsqu'ils se sont rendu compte, le peuple était déjà au pouvoir et les lois révolutionnaires avaient été adoptées, un peuple avec des idées, avec des traditions de combat qui pour la première fois a joui de la justice, de la liberté et de l'égalité véritables, qui pour la première fois a connu le respect de la dignité et de la condition d'être humain et lorsque un homme se rend compte de ses valeurs, les met dans sa tête et les vit, il est capable de tout. Il est capable en quelques années d'envoyer 500 000 fils à d'autres parties du monde et d'y verser son sang. Ce chiffre dépasse largement celui des Corps de paix organisés par l'empire, et ce après le triomphe de la Révolution, ne l'oubliez pas, après le triomphe de la Révolution cubaine !

Il n'y avait pas de Corps de paix auparavant; ils les ont créés après le triomphe de la Révolution, après la défaite de Girón lorsqu'une fois de plus, sous-estimant notre peuple, ils ont cru qu'en quelques heures ils renverseraient la Révolution avec une invasion mercenaire, appuyée par l'escadre nord-américaine, située à trois milles de nos côtes, prête à l'encourager et à l'appuyer le cas échéant avec des porte-avions, bâtiments de combat, forces et moyens prêts à débarquer. Ils n'ont pas eu le temps de les utiliser parce que leur plan était d'occuper un morceau du territoire, d’établir un gouvernement provisoire et de faire appel à la fameuse OEA chargée de rétablir à Cuba les «droits» du peuple.

Ils ont parlé aux mercenaires et ils ont fait croire à tout le monde que le peuple se révolterait et il est possible que quelqu'un les ait cru. Leurs avions nous ont vilement bombardé deux jours avant l'invasion. Ils portaient les enseignes et le drapeau des forces aériennes cubaines, tous les symboles des avions qui nous restaient, mais avec ces avions et le concours de pilotes décidés et courageux qui ont contribué d'une manière décisive à la défaite rapide de l'invasion, quelques heures après, les bâtiments des mercenaires avaient été échoués ou prenaient la fuite et des milliers d'hommes décidés se dirigeaient vers la zone et des centaines de milliers se mobilisaient dans le reste du pays. S'ils auraient envoyé dix expéditions semblables à divers régions de l'île, elles auraient été simultanément renversées par un peuple armé et prêt à combattre. Cela s'est passé deux ans et quelques mois après le triomphe de la Révolution.

La défaite de Playa Girón, ou, mieux encore, la victoire cubaine à Playa Girón, a engendré l'Alliance pour le progrès.

Au cours de la première année de la Révolution, nous avons visité l'Argentine, à l'occasion d'une réunion de l'OEA; nous n'avions pas encore été expulsés, et alors nous avons dit que l'Amérique latine, - elle ne devait pas encore un sous -, devait se développer ; la population était inférieure à celle d’aujourd’hui et nous avons signalé qu'il fallait 20 milliards de dollars pour encourager ce développement.

Qui aurait pu nous dire qu'un peu plus tard, après Girón, craignant la propagation du feu tout au long de l'hémisphère, ils mettraient au point l'Alliance pour le progrès, qu'ils offriraient 20 milliards et qu'ils encourageraient les réformes agraires, entre autres mesures. C'est vraiment curieux ! Auparavant, une réforme agraire aurait provoqué le renversement d'un gouvernement latino-américain sous prétexte qu'il s'agissait d'une mesure communiste; après, en revanche, ils préconisaient la réforme agraire, les réformes fiscales, les Corps de paix et offraient des sommes faramineuses pour favoriser la mise en place des programmes économiques et sociaux.

Notre contingent sucrier, qui s'élevait à plus de quatre millions de tonnes, a été distribué, notamment aux pays latino-américains.

C'est-à-dire que l'existence de la Révolution elle-même les a obligé à se préoccuper de la situation en Amérique latine et à proposer des réformes susceptibles de porter remède à la situation régnante. Tout ceci s'est produit après le triomphe de la Révolution cubaine.

A peine un an et demi après l'invasion mercenaire, le monde a couru droit à une guerre nucléaire en raison des efforts déployés pour détruire et la Révolution et des plans d'invasion de Cuba, cette fois-ci non pas avec des mercenaires mais avec leurs propres forces.

Je peux vous assurer qu'ils n'auraient pas réussi à renverser le peuple. Je suis convaincu qu'ils n'auraient pu renverser le pays compte tenu des moyens dont il disposait, de l'expérience accumulée et de la décision du peuple tout entier, mais cela nous aurait coûté un grand nombre de vies.

Une agression semblable a coûté au Vietnam quatre millions de vies, des millions de mutilés et des dégâts énormes. A quoi bon ? Ils ont maintenant obligés de remercier les Vietnamiens qui, généreusement, humainement et justement aident à retrouver les restes des soldats nord-américains et les rendent au gouvernement de ce pays afin de les enterrer dans un cimetière situé près de la résidence des familles qui ont perdu leurs fils ou frères.

Mais l'invasion ne visait pas le Vietnam mais Cuba. Dans une situation pareille, après une crise aiguë qui a conduit à l'établissement d'engagements verbaux de ne pas envahir notre pays, ils ont dû se conformer. Qu'est-ce qu'ils ont fait ? Des attaques pirates, des plans de sabotage des années durant, des sabotages contre l'économie, l'industrie, l'agriculture, faisant appel parfois à des armes biologiques, des tas de plans d'assassinat contre les dirigeants de la Révolution, prouvés et avoués par eux dans le rapport de la fameuse commission mis sur pied par le Sénat.

Cependant, Cuba est encore là. Il ne faut pas chercher des explications compliquées. Cette Révolution a parié sur l'homme, sur son peuple.

Nous pouvons alors parler de satisfaction. Nous sommes satisfaits du fait que notre peuple a pu non seulement aider d'autres peuples d'une façon ou d'une autre, mais aussi du fait qu'il peut continuer d'être un exemple et de coopérer avec la cause de l'humanité.

Nous ne sommes pas des nationalistes, car le nationalisme ne constitue pas notre idée essentielle, bien que nous aimions profondément notre patrie. Nous sommes des internationalistes et l'internationalisme n'est pas incompatible avec l'amour de la patrie, de la terre qui voit naître un être humain ou des millions des êtres humains.

Voilà pourquoi j'ai parlé d'identité. Même pas l'amour de la terre qui nous a vu naître est incompatible avec un monde uni et avec une mondialisation différente que j'ai dénommé socialiste. La culture et l'identité d'un pays ne sont pas incompatibles avec un monde uni, totalement mondialisé.

Le poison idéologique répandu jour après jour est plus redoutable pour la culture de nos pays que ce monde ; un poison idéologique vulgarisé à travers leurs puissants médias, leurs chaînes de télévision et de cinéma. Ils sont les maîtres, ils contrôlent tout ; les films sont tournés là ; ils fabriquent la culture en boîte avec laquelle ils prétendent alimenter nos esprits jour après jour. Pas de pain, mais de la culture en boîte. Aliment pour l'esprit, sous forme de poison culturel.

Les sommes investies pour l'espionnage ou les activités d'empoisonnement des peuples suffirait à élever les niveaux de santé des pays du tiers monde à la hauteur de ceux des pays développés ; à réduire les taux de mortalité des enfants et des mères qui meurent lors de l'accouchement ; à sauver la vie de personnes qui meurent suite à des maladies infectieuses. Il suffirait d'un vaccin qui ne coûterait que quelques sous. Voilà des réalités.

Et voilà aussi des sources de danger : contre nos cultures, nos identités, nos aspirations de voir nos frères, comme nous l’avons dit sont très riches du point de vue spirituel, vivre dans des conditions convenables et comptent les ressources nécessaires à une vie honorable.

Un monde juste et mondialisé, mais sous une autre conception, ne sauverait pas seulement l'espace physique où nous devons vivre, mais contribuerait aussi à l'existence de millions, de centaines de millions, de milliards de milliardaires. Ils ne le seraient pas en matière de biens matériels qui doivent être distribués d'une façon équitable et juste, c'est impossible, mais ils seraient des milliardaires en esprit, un esprit qui pourrait s'enrichir jusqu'à l'infini sous un autre système et à partir d'autres conceptions.

Quelle est la raison pour l'existence de chômeurs ? Pourquoi y a-t-il des crises de surproduction ? Pourquoi les machines et les technologies ne sont-elles pas au service de l'homme ? Pourquoi tout le monde n'a pas la possibilité de travailler ? et non 70 ou 80 heures comme à l'époque de la révolution industrielle en Angleterre, et non 60 ou 70 comme le font encore nombre de personnes obligées de maintenir deux ou trois emplois pour pouvoir vivre, mais peut-être 20 heures par semaine, peut-être 15 tout en utilisant la productivité atteinte et disposant des biens matériels nécessaires : logement, nourriture, santé, récréation, culture ; une culture véritable à même d'élever l'homme et non pas de l'humilier ; une culture qui ne fasse pas des enfants des assassins. Cette culture ne pourra être atteinte que par d'autres voies.

Grand nombre de compañeros, dont quelques-uns nous accompagnent aujourd'hui, travaillent et consacrent des heures incalculables du jour et de la nuit au travail, à l'étude et au recyclage. Pour ma part, j'ai le privilège de disposer à l'heure actuelle de davantage de temps qu'il y a 20 ou 30 ans, vu la nécessité de mieux connaître les problèmes actuels. Notre Révolution est l'oeuvre d'un peuple et de milliers de cadres et de dirigeants. Elle ne pourrait jamais être l'oeuvre d'un seul homme.

A mon avis, le principal acquis de cette rencontre a été l'idée de tenir une réunion internationale afin d'analyser les problèmes de ce que nous appelons la mondialisation néolibérale.

L'idée est née en réalité le premier jour de la rencontre. Je suis venu en tant qu'invité ; j'ai demandé le programme. Quel est l'ordre du jour ? Quelles sont les commissions ? Je pensais participer à la commisson 1, chargée d’aborder ce thème et je me suis dit : «Eh bien, cette commission finira par débattre ce sujet et nombre d'autres. C'est bien, d’accord, la discussion de la formation des professionnels est une idée excellente. En réalité, tous les thèmes sont fondamentaux». Mais je pensais : «A l'heure actuelle, comme j'ai dit, le thème essentiel concerne la mondialisation».

C'est en regardant le programme que je me suis rendu compte; je ne m’en avait pas aperçu auparavant. Compte tenu de nos préoccupations sur la situation actuelle du monde, j'ai décidé de parler en toute confiance avec vous ; je ne vous ai pas adressé un discours, tant s'en faut, j'ai causé avec vous, j'ai réfléchi avec vous.

J'ai dit cela et je vous ai encouragé à étudier ; il faut approfondir les connaissances, les vulgariser. A la fin de la séance, je me trouvais à l'entrée de l'embuscade, le compañero Robaina s'est approché, il avait déjà rencontré certains dirigeants des économistes latino-américains ici présents, dont il préside l'association, et il m'a dit : «Nous sommes en train de penser, il me l'a dit en ces termes, à une réunion internationale».

J'avais parlé de l'institutionnalisation de ces réunions, de les tenir régulièrement et d'approfondir l'analyse de la mondialisation qui s'opérait à un rythme accéléré dans le monde, ses caractéristiques et ses conséquences ; ils nous proposent l’idée de convoquer une réunion consacrée à l'étude du thème. Bien entendu, à mon avis il s'agit-là d'une bonne idée que je suis prêt à soutenir.

L'idée a commencé a prendre forme; il fallait déterminent comment et quand l’organiser. Ils m'ont proposé l'année prochaine et je leur ai dit : «Attention, les problèmes que nous rencontrons ne nous laissent pas tellement de temps, il faut avancer la date. Pourquoi pas en novembre ?». Ils m'ont dit plus tard : «Le mois de novembre est compliqué pour ceux qui ont participé à cette réunion compte tenu de leurs obligations, ce n'est pas le moment opportun.» J'ai alors signalé : «janvier». C'est bien l'année prochaine, mais en janvier. Cela nous donne un peu plus de temps pour mieux l'organiser. Et les idées se sont succédées au fur et à mesure.

Il serait formidable que certains défenseurs honnêtes de la théorie néolibérale ou qui la défendent d'une autre façon, qui croient à des conceptions différentes, puissent nous manifester leurs points de vue, participer aux débats, ce qui nous permettrait aussi de leur poser des questions et discuter ensemble.

Nous sommes ainsi parvenus à l'idée d'organiser un débat le plus vaste possible. On a déjà avancé certaines idées : les délégués étrangers présents à cette réunion auront la priorité au moment de participer ; nous avons analysé le nombre - car si mille personnes demandaient de venir nous ne pourrions pas les recevoir toutes -, d'économistes latino-américains qui ne sont pas aujourd'hui parmi nous désireux de participer et que nous pourrions inviter ; et finalement les invitations à des économistes chevronnés et connus dans le monde entier, y compris des Etats-Unis et de l'Europe. Nous avons eu le privilège de compter sur la présence d'une modeste représentation espagnole et d'autres pays tels que l'Italie et la Russie.

C'est-à-dire qu'en plus de ceux qui expriment leur désir de participer, nous allons inviter expressément des économistes et des chercheurs prestigieux et des défenseurs des courants opposés aux critères et points de vue que nous défendons, même en provenance de pays européens développés, ce qui nous permettra de connaître leurs idées.

Nous pensons aussi inviter certains analystes des problèmes économiques et de l'économie internationale qui écrivent dans des revues bien connues et de renom, indépendamment de leur idéologie.

Il serait bon, bien que je pense qu'il faut mettre un frein à nos ambitions, de compter sur la présence de certains leaders politiques, non pas de n'importe quel leader, mais de certains dirigeants politiques.

Je pense à l'Europe, à ceux qui ont exprimé leurs critères sur le modèle de développement, à ceux qui ne sont pas d'accord avec l'intégration à partir du traité de Maastricht, car des contradictions pourraient surgir à ce sujet : ils ne sont pas d'accord et défendent les intérêts populaires en raison des conditions particulières de leurs pays, tandis que nous, en raison des intérêts des pays qui ne sont pas développés, nous considérons que la naissance d'une puissante force économique et d'une nouvelle monnaie seraient bénéfiques pour nos pays, de même que le surgissement d'autres monnaies à même de faire face aux privilèges et au pouvoir de la monnaie hégémonique.

Il pourrait avoir des contradictions entre les opinions de ceux qui s'opposent à l'intégration européenne et les nôtres. Ils pourraient nous parler des aspects qu'ils n'aiment pas dans le cadre de l'intégration néolibérale de leurs pays développés. Nous ne voulons pas non plus une telle intégration pour le monde. Mais, indépendamment de la monnaie qui préside l'intégration, elle serait préférable pour le reste du monde à cette étape de la mondialisation que le contrôle total et absolu du dollar sur l'économie mondiale.

Il y aura sans doute d'autres idées, mais je pense que la participation devrait se limiter à 500 personnes, 600 au maximum, afin de préserver une atmosphère d'échanges directes et ouvertes dans la salle de séances de l'Assemblée nationale, compte tenu des installations techniques dont elle dispose. La salle compte aussi des sections latérales. Il y aura des places pour les invités et la presse et nous aspirons surtout à un climat de transparence. Nous disposerons aussi des services d'interprétation simultanée dans toutes les langues nécessaires, comme aux Nations Unies, et nous déciderons de l'organisation des travaux, de la tenue de séances plénières ou du travail en commissions.

Je dois avouer que j'aime les débats en plénière mais il faudra établir un certain ordre, analyser le nombre d’exposés. J'ai participé à des rencontres où l'on a entendu plus de 150 communications, ce qui éternise les débats et les rendent parfois improductifs et caothiques. Nous devons savoir comment nous y prendre pour entendre un nombre rationnel de communications, accorder aux participants un temps de parole suffisant et permettre en même temps le débat, les questions et les interventions brèves. En d'autres termes, il faut faire en sorte que les thèses fondamentales puissent être bien développées pour favoriser ainsi la plus vaste participation.

Le nombre d'exposants devra être limité, même si cela dépendra des jours prévus, de la résistance des participants et de la disposition de travailler pendant trois séances, matin, après-midi et soir. C'est plus au moins ce que nous faisons maintenant, ce qui nous laisse prévoir de trois à cinq jours de rencontre. Si nous allons faire un effort, il faudra le faire correctement et nous organiser de manière à faciliter la participation du plus grand nombre possible sans limiter pour autant excessivement le temps d'exposition d'une théorie, car je sais que quand on n'a que de cinq à dix minutes on ne peut exposer qu'un télégramme. Moi-même, j'ai présenté un bon nombre de télégrammes au cours de réunions internationales.

La méthode de parler en télégramme n'est pas tellement mauvaise, mais présenter des faits et des arguments excessivement synthétisés n'est pas du tout facile, car cela oblige à ne faire que des affirmations du style «Papa arrivé, bonne santé, besoin d’argent» (Rires) et on oublie «Gros bisous, je t'embrasse, mon cher ami».

Il faut accorder à ceux qui viennent défendre une thèse au moins une demi heure. Qu'est-ce que nous serions devenus si nous avions limité hier la magnifique intervention du secrétaire du SELA à dix minutes ? Il est vrai que tout le monde peut parler, mais personne ne dit rien. Le temps ne doit pas être contrôlé d'une manière rigide. Les exposants pourront écrire, faire appel à leurs notes, répondre à des questions et, bien entendu, émettre des avis. Si quelqu'un veut donner une opinion sur un sujet donné il aura toute latitude pour le faire. Nous devons bien concevoir et organiser les travaux afin de tirer le maximum de profit, permettre la participation du plus grand nombre de délégués, débattre largement les idées et compiler après dans un volume toutes ces idées et le faire parvenir à d'autres personnes, à des économistes, aux hommes politiques et aux spécialistes.

Au cas où une lumière déciderait de participer, nous pourrions lui accorder 10 minutes de plus et passer après au débat. Mais lorsqu'il s'agit de thèses essentielles il faut poser des questions, répondre, donner des opinions, débattre en profondeur. Enregistrer et filmer est aussi une façon d'entendre et de faire connaître. Nous avons entendu des choses vraiment intéressantes sur la mondialisation au cours de cette réunion et ce, en dépit du fait que nombre d'entre vous est venu pour débattre des thèmes très divers. La rencontre future sur le sujet fondamental de notre époque sera très fructueuse puisque vous aurez eu le temps de bien vous préparer.

Comme je vous ai déjà dit, c’est la meilleure façon de tirer le maximum de profit de cette rencontre.

Nous avons vu que les participants pourraient venir de l'Europe. Nous avons écouté avec plaisir l'intervention de Fernando qui nous a raconté comment en Espagne il y a très peu de temps il n'y avait que quelques économistes et qu'à l'heure actuelle ce chiffre s'élève à des dizaines de milliers pour la plupart des membres de son organisation. Je ne sais pas combien doit-il faire attention, en tant que président des économistes espagnols, au moment d'exposer ses critères. Le président du SELA lui-même doit faire attention ; mais je pense que dans le cadre d'une réunion comme celle que nous sommes en train d'organiser, les économistes européens pourront parler en liberté, bien entendu, ceux appartenant à des organismes internationaux devront faire un peu plus d'attention.

Compte tenu de l'heure Fernando a été bref, il a voulu détendre notre tension et anxiété par rapport au temps à l'aide des paroles d'amitié, agréables, pleines d'humour et si nous allons tenir des séances prolongées et travailler intensément il faut toujours faire appel à l'humour. Nous remercions Fernando et nous nous félicitions de compter sur la présence d’une représentation de l'Association des économistes de l'Espagne.

Je lui ai dit : «Il faut que vous commenciez à analyser qui viendra à la prochaine rencontre». Il a justement parlé le 3 juillet, centenaire du naufrage de l'escadre de Cervera, et je vais me permettre de rectifier un petit détail.

Il nous a parlé du combat de l'escadre espagnole contre les canonnières nord-américaines qui bloquaient la baie de Santiago de Cuba. Une canonnière est un navire de guerre relativement petit muni de canons de petit calibre. Il s'agissait de cuirassés, dont le blindage était trois fois supérieur, plus rapides, complètement ravitaillés, dotés de canons plus puissants et plus de combustible que les navires de Cervera, envoyés par un gouvernant imbécile, dont je ne me souviens même pas le nom. Mais je me souviens, parce que j'ai beaucoup lu à ce sujet et j'ai bien réfléchi sur l'imbécillité d'envoyer cette escadre qui n'est pas venue pour lutter contre les Cubains, mais contre les Etats-Unis, car la guerre s’était déjà déclenchée.

Certains des navires faisaient l'objet de travaux de maintenance; d'autres manquaient des pièces et, cependant, on les a envoyés sans les monter. Ils ont reçu l'ordre de quitter le port sans compter une embarcation auxiliaire pour les ravitailler en charbon. Il ne fait aucun doute que la personne chargée de donner cette ordre n'avait jamais voyagé dans un navire de combat et n'avait la moindre idée ni de politique ni de guerre.

L'escadre arrive, elle doit se déplacer tout près des côtes du Venezuela pour se ravitailler en charbon et fait ensuite son entrée dans la baie de Santiago de Cuba, alors qu'une puissante flotte nord-américaine approchait. Elle était à Santiago de Cuba et l'escadre ennemie est restée bloquée. La flotte espagnole aurait pu être utile du point de vue militaire ; elle aurait pu aider la garnison espagnole dans ses combats avec les troupes nord-américaines qui attaquaient la ville. Je suis en train de réaliser une analyse exclusivement militaire.

Je ne dois pas perdre de vue que nos compatriotes, trompés par la Résolution conjointe du Congrès des Etats-Unis, en vertu de laquelle Cuba était de droit et devait être indépendant - la plus noble, la plus généreuse déclaration pour participer à la guerre -, ont considéré la participation nord-américaine comme une action amicale ; seule la réalité ultérieure a appris aux Cubains la douloureuse vérité.

Le chef des troupes patriotiques qui ont aidé les soldats nord-américains au cours des combats contre les Espagnols a été interdit d'entrer dans la ville de Santiago de Cuba, de même que les patriotes cubains qui ont activement contribué à sa libération.

Si l'on analyse cette situation particulière du point de vue exclusivement militaire, on se rend compte que l'escadre espagnole aurait pu soutenir les défenseurs de la ville efficacement avec ses canons et son infanterie de marine.

Ceux qui avaient donné l'ordre de marcher vers Cuba dans ces conditions ont donné alors une autre : «L’escadre doit se retirer !». Les marins, depuis l'amiral Cervera jusqu'au plus humble des hommes d'équipage, ont respecté avec discipline et héroïsme l'ordre et sont partis. Une baie de petites dimensions, une entrée très étroite exigeant la sortie de navires l'un après l'autre et les marins espagnols sont sortis l'un derrière l'autre pour rencontrer une puissante escadre qui tirait de tous ses canons sur les bâtiments espagnols qui sortaient. Ils n'étaient pas à même de provoquer une seule perte à un seul membre de l’équipage des embarcations de guerre nord-américaines. Cependant, ils sont sortis l'un derrière l'autre. Pas un seul des navires s'est rendu. Les Nord-Aaméricains ont été forcés de les couler ou de jeter sur les côtes les corps des marins blessés de mort. On rencontre encore aujourd’hui des épaves de ces bateaux.

J'ai récemment dit publiquement qu'il s'agissait-là de l'une des plus grandes prouesses, de l'un des actes les plus héroïques de l'histoire des batailles navales. Les Nord-Américains devraient avoir honte de parler d'une telle victoire. Ce genre de victoire ne constitue pas un honneur car elle a été remportée dans des conditions très inégales, depuis une position de supériorité et contre chaque embarcation espagnole isolée ; ce n'était pas un combat entre escadres. Cependant, il faut dire que l'escadre espagnole n'aurait pu gagner, car même déployée, elle aurait été inéluctablement coulée. Dans ce cas spécifique, il s'agissait d'un combat de tous contre un et les embarcations espagnoles ont été coulées l'une après l'autre.

Je pense que nous faisons face à une victoire morale des marins espagnols, d'un acte héroïque auquel un peuple comme le notre, qui admire l'héroïsme, a rendu hommage.

Nous leurs avons rendu hommage à l'occasion du centenaire de la mort des marins nord-américains qui ont perdu la vie au bord du bateau Maine, qui a explosé dans la baie de La Havane. Ce navire était arrivé pratiquement sans permission, alors que les relations étaient relativement tendues; il explose et un grand nombre des membres de l'équipage ont perdu la vie. Tel a été le prétexte pour déclencher la guerre.

Il a été prouvé par la suite que l'explosion n'était pas le résultat d'une action extérieure, qu'elle avait eu lieu à l'intérieur du navire. Qu'est-ce qui s'est passé ? C’était par hasard le fruit d'un accident ? Même dans le cas d'un accident, on soupçonne la justesse. Cela a pu être un fait intentionnel, le résultat d'une action individuelle réalisée par quelqu'un qui n'avait pas tous ses esprits ou par un raciste désireux d'exterminer des membres de l’équipage, pour la plupart des Noirs, ou par quelqu'un envoyé par l'auteur des faits à des fins politiques. Mais les Espagnols n'ont pas été responsables du naufrage du bâtiment Maine, le prétexte pour déclencher la guerre et l'intervention. Les Espagnols étaient déjà pratiquement défaits; ils ne pouvaient plus résister une guerre à distance qui provoquait tellement des pertes en raison des combats et des maladies et de l'épuisement des ressources économiques et humaines. C'est à ce moment-là que les Nord-Américains décident d'intervenir, d'occuper le pays et d'y rester pendant quatre ans. Ils se sont emparés du territoire de la base navale de Guantánamo et au bout de 100 ans, ils sont encore là contre la volonté de notre peuple.

Nous avons fait preuve de patience, de calme, d'impartialité bien qu'il s'agisse d'un morceau de Cuba. Nous sommes beaucoup plus intéressés à un monde libre et s'ils décident de rester là d'une façon indéfinie parce qu'ils font ce qui leur chante sur la base de leur puissance militaire, ce territoire, de pair avec le reste de l'île qui constitue le territoire de notre patrie aimée, fera partie d'un monde uni, mondialisé et juste lorsque l'empire disparaîtra. Voilà ce que nous pensons.

L'intervention s'est traduite par quatre années d'occupation, d'humiliation. L'armée de libération fut désarmée. C’est comme si l'armée rebelle aurait été désarmée après la victoire du premier janvier. Les Nord-Américains ont dissout le Parti révolutionnaire fondé par Martí et qui regroupaient tous les patriotes, un parti véritablement unitaire, source des racines de notre parti actuel.

Le pays étant resté à leur merci, ils se sont emparés de tout : les mines, les meilleures terres, les forêts d'acajou et de bois précieux ont été brûlés, les chaudières des sucreries ont été transformées en carburant, le déboisement a été affreux; lors du triomphe de la Révolution, les forêts n’existaient pratiquement pas.

En 1902, ils nous octroient une indépendance purement symbolique et formelle, accompagnée d'un amendement, dénommé Amendement Platt, en vertu duquel les Etats-Unis avaient le droit constitutionnel d'intervenir dans notre pays. Voilà ce qu’a signifié la participation des Etats-Unis à la guerre d'indépendance cubaine.

L'économiste espagnol nous a rappelé ces marins et je profite de cette occasion pour rendre hommage à ces hommes héroïques.

Il ne me reste qu'à vous demander des excuses pour le temps que je vous ai pris, pour toutes mes interventions et pour avoir pris beaucoup plus du temps que j'avais prévu lorsque je suis venu vous dire au revoir (Rires et applaudissements).

Permettez-moi de vous dire adieu avec une phrase très connue d'un des fils les plus illustres de cet hémisphère, d'un symbole qui parcourt le monde grâce à son exemple héroïque de solidarité, ses idées révolutionnaires et ses qualités humaines extraordinaires :

Jusqu'à la victoire toujours !

(Ovation)