ALLOCUTION PRONONCÉE AU MÉMORIAL HECTOR PETERSON RAPPELANT LE MASSACRE DE SOWETO. Soweto, Afrique du Sud. 5 septembre 1998
Sisulu, combattant légendaire;
Cher premier ministre de la province de Gauteng (comme nous ne parlons pas la même langue, nous devons trouver un moyen de communiquer);
Chers invités,
Je ne vais pas faire un discours, je viens converser quelques minutes avec vous. Un discours, il devrait être trop long, aussi long que votre histoire à vous, aussi long que la résistance glorieuse que les peuples africains ont opposée aux conquérants, aux colonisateurs et aux esclavagistes; un discours, il devrait être aussi long que la liste des problèmes que nous avons aujourd'hui dans le monde, aussi long que la liste de ceux qui sont tombés sur ce continent et ailleurs pour la liberté et la justice, même si nous ne pouvons pas dire qu'elles règnent vraiment dans le monde. Je dirai donc quelques petites choses qui peuvent nous aider à prendre mieux conscience de l'idée que la liberté et la justice dans notre monde sont peut-être plus proches que jamais.
On ne remporte pas seulement la victoire par les armes, on la remporte même, bien des fois, sans armes. Je ne suis pas un adepte de la philosophie de Mahatma Gandhi, mais l'histoire a prouvé que ce sont essentiellement les idées qui ont permis de remporter bien des grandes batailles (Exclamations et applaudissements). Voilà pourquoi je dis que les idées viennent en premier; lutter pour les idées en second, et en troisième, vaincre par la sueur et le sang, s'il le faut, pour ces idées (Applaudissements).
Je pense à ça maintenant que je suis ici, que je suis en Afrique du Sud, face à ce monument modeste érigé à la mémoire de ceux qui en mériteraient un aussi haut que le mont Éverest, dont on dit qu'il est le plus haut du monde.
Cet enfant mérite un Himalaya comme monument, cet enfant, et les autres enfants qui ont lutté et qui sont morts comme lui (Applaudissements). Qui était cet enfant ? Quel âge avait-il ? Pourquoi l'a-t-on tué ? Quel crime avait-il commis pour qu'on l'assassine ? Quelles idées défendait-il ? Plus qu'une idée, le petit Hector défendait un sentiment, celui avec lequel nous naissons tous sans exception, le sens de la dignité humaine (Applaudissements). C'est pour cette dignité que cet enfant a été sacrifié, et qu'ont été sacrifiés, tout au long de l'Histoire, des millions d'enfants, et des centaines de millions, et même, pourrait-on dire, des milliards d'enfants, de personnes âgées, d'hommes et de femmes, qui ont souffert de l'exploitation, de l'injustice, qui sont morts de faim, qui sont morts aux mains d'autres hommes, car, à peine l'humanité a-t-elle fait des progrès productifs et a-t-elle commencé à s'organiser qu'a commencé l'exploitation de certains hommes par d'autres, la réduction en esclavage de certains hommes par d'autres, les plus forts sur les plus faibles.
Voilà comment a commencé l'Histoire, avant même qu'existe l'écriture, quand les êtres humains qui vivaient dans des communautés relativement plus nombreuses ont noué des relations différentes, après avoir erré dans les forêts en petits groupes familiaux ou en petits clans, et ce jusqu'à aujourd'hui, en ce monde où nous savons tous que nous vivons sur une planète dont on a pensé pendant longtemps qu'elle était plate et dont on a découvert un jour qu'elle était ronde. Les Grecs, eux, le savaient, mais on les avait oubliés, et beaucoup de livres ont disparu dans l'incendie de la bibliothèque d'Alexandrie.
D'autres hommes, voilà quelques siècles, qui voulaient arriver en Inde par le chemin le plus court, comme on disait, et qui supposaient que la Terre pouvait être ronde, se sont embarqués et ont eu la chance de ne pas arriver en Chine -parce que s'ils y étaient arrivés, l'Histoire aurait été différente ! (Rires et applaudissements) Selon la géologie, notre continent à nous était rattaché autrefois à l'Afrique -tous les deux formaient une seule masse et une série de phénomènes naturels et physiques les ont séparés, bien avant que l'homme n'apparaisse sur terre- et ces gens-là ignoraient donc qu'il existait un continent au milieu.
Et voilà pourquoi les conquistadores ont débarqué avec douze chevaux et ont semé la panique avec leur technologie supérieure. L'arquebuse -qui était une sorte d'arme nucléaire de l'époque, parce qu'elle faisait beaucoup de bruit- la poudre, les arbalètes et surtout les chevaux leur ont suffi pour prendre possession de ces terres-là au nom d'un roi. Et qui lui avait fait don, au roi, de ces terres-là ? (Rires) De quel droit ont-ils planté un drapeau au nom d'un roi qui se trouvait à des milliers de kilomètres de là, et qui n'y a jamais même mis les pieds ? Parce que, que je sache, aucun roi n'a jamais visité notre continent pendant des siècles.
Mais les soldats ont débarqué là-bas avec leurs armes supérieures dans des pays qui étaient très en retard du point de vue technique. Mais uniquement du point de vue technique, parce que, sur le plan culturel, notre continent comptait des cultures plus vieilles que la culture européenne, des oeuvres d'art, une architecture, des connaissances suffisantes. Mexico, par exemple, était plus grande que n'importe quelle ville européenne, mais c'est grâce à ces armes et à ces chevaux qu'elle a été conquise.
Je pense bien des fois en souriant que si Christophe Colomb ne s'était pas trompé et s'il avait vraiment débarqué en Chine où il existait alors -selon ce que raconte Marco Polo et comme l'a prouvé l'Histoire, il semblait que c'était vrai- des armées de centaines de milliers de cavaliers, les douze chevaux espagnols auraient été liquidé en quelque secondes ! (Applaudissements) Mais il se sont heurtés à des gens qu'ils ont nommés des Indiens, et voilà pourquoi on connaît deux sortes d'Indiens : ceux de l'Inde, et ceux que ces gens-là ont baptisés comme des Indiens sur le continent qui s'est appelé ensuite Amérique. Où il vivait beaucoup de millions de personnes, dont soixante-dix millions sont mortes tout au long de la conquête et de la colonisation.
L'homme a découvert que la planète Terre était ronde, que les bateaux ne sombraient dans l'abîme. Ceux qui ont sombré dans l'abîme, en revanche, ce sont ceux qui vivaient pacifiquement sur ce territoire-là quand les Européens l'ont découvert. Autrement dit, la découverte que nous habitions une planète ronde a ouvert une des étapes les plus cruelles et les plus injustes dans l'histoire de l'humanité, au point que l'esclavage a refait son apparition voilà environ cinq cents ans avec la découverte, alors qu'il avait disparu au Moyen-Age.
Cette histoire-là a beaucoup à voir avec nous autres et avec vous tous. Depuis, la science, les connaissances, la mécanique, la physique, les sciences exactes ont beaucoup progressé. L'homme a fait des découvertes techniques extraordinaires, a fabriqué des télescopes qui ont permis de découvrir et d'explorer les planètes à distance, il a découvert l'univers et bien d'autres choses, il est même parvenu à lancer des véhicules dans l'espace, sur la Lune. La Lune, il ne l'a pas conquise, parce qu'il n'y avait pas d'oxygène ni d'hommes dessus, sinon, ils en auraient pris possession au nom du roi de Washington (Rires et applaudissements), et l'illustre visiteur qui m'a précédé ici voilà pas longtemps [il veut dire le président William Clinton] aurait peut-être fait le voyage, non en Afrique du Sud, mais sur la Lune (Rires et applaudissements). L'homme a exploré les planètes et a découvert qu'elles étaient inhabitées. Il a atteint Mars, il n'y a découvert aucun être pensant, alors qu'on avait toujours dit qu'il y en avait, mais il n'a trouvé que des roches et aucun facteur permettant d'y vivre.
Il a exploré aussi d'autres planètes. Je crois même que Vénus -celle que les Grecs ont transformée en déesse de l'Amour et dont vous imaginez alors qu'il s'agit d'un doux paradis- possède, selon les véhicules automatiques qui y ont atterri, une atmosphère lourde et une température de quatre cents degrés -et ce n'est vraiment pas une température idéale pour y faire l'amour ! (Rires) En tout cas, les Grecs nous ont fait croire que cette planète-là, qui n'était pas si distante et qu'on pouvait apercevoir à vue d'oeil, était la déesse de l'Amour. Ce que nous savons maintenant, et c'est cela qui est important, c'est qu'il n'y a qu'une seule planète habitable dans notre système solaire, celle-ci, où il reste encore un peu d'atmosphère, un peu d'oxygène, un peu d'eau douce de temps à autre, un peu de nature, qui a survécu à la destruction provoquée par des sociétés qui se disent civilisées.
Oui, il y a peut-être eu des habitants sur Mars, des êtres pensants qui sont peut-être parvenus à développer une civilisation et qui ont détruit leur planète, comme ils vont nous la détruire, si nous ne leur interdisons pas, les destructeurs de la Nature -et pas seulement des hommes- parce qu'au train où ils vont, ils risquent effectivement de rendre cette planète-ci inhabitable. Ce n'est pas de l'imagination. Tout le prouve, la science, les mathématiques, tout.
Alors, voilà, ce voyage relativement long à travers le monde me conduit à l'idée que les êtres humains, vous et nous, tous ensemble, nous devons sauver deux choses : la nature où nous vivons et l'espèce humaine à laquelle nous appartenons.
Je comprends que ceux qui vivent dans une grande pauvreté et qui doivent tous les jours chercher du travail et chercher de quoi manger n'aient pas le temps ni même la possibilité de beaucoup réfléchir à ces problèmes de l'environnement , parce qu'avant que n'arrive le moment où ils ne pourront plus vivre, il risque de leur arriver à eux l'heure plus prochaine où ils devront mourir de maladie, de pauvreté et de faim.
Quel drôle de monde où on doit persuader jusqu'à ceux qui meurent de faim qu'il faut sauver cette Nature pour sauver l'homme, pour que celui-ci vive dans un monde sans injustice, sans pauvreté, sans famine, où des enfants comme ceux-ci ne devront pas mourir faute de dignité, de liberté et de justice !
Oui, nous devons conquérir la justice, toute la justice, toute la liberté pour l'homme, dans un monde qui ne serait pas composé d'ennemis, dans un monde où les uns ne fouleraient pas les autres aux pieds, dans un monde où quelques-uns ne posséderaient pas tout tandis que l'immense majorité manque absolument de tout ! (Applaudissements)
Nous savons aujourd'hui qu'il n'existe qu'une planète habitable et que nous sommes six milliards à y vivre -six milliards !- et qu'avant que cet enfant-ci (il montre du doigt un enfant de la foule) n'ait atteint dix-sept ans de moins que mon âge actuel et environ trente ans de moins que celui de Sisulu, autrement dit dans cinquante ans, nous serons dix milliards à vivre sur cette planète ronde, dix milliards qu'il nous faudra faire vivre dans la dignité et la justice, dans la liberté avec du pain, dans la liberté avec des vêtements, des chaussures et un toit, dans la liberté avec des écoles, dans la liberté avec des hôpitaux, dans la liberté avec des soins médicaux, dans la liberté avec des loisirs, dans la liberté avec de la culture.
Si je vous dis tout cela, c'est parce que je pense que les hommes et les femmes héroïques de cette ville fameuse et légendaire où je suis aujourd'hui ne sont pas morts seulement pour le bien-être de Soweto : ils sont morts pour le bien-être, la dignité et la liberté de tous les habitants d'Afrique du Sud (Applaudissements), qu'ils sont morts pour l'indépendance, la liberté et le bien-être de tous les peuples d'Afrique, qu'ils sont morts pour la dignité, la liberté, l'égalité et le bien-être de tous les hommes et de toutes les femmes du monde (Applaudissements).
Voilà comment je le vois, et voilà pourquoi je dis que ce monument-ci devrait être aussi haut que la plus haute des montagnes (Exclamations et applaudissements). Mais les monuments élevés ne se font pas seulement de pierres : ils se font d'idées et ils se font de justice.
Beaucoup comme eux sont morts dans d'autres endroits du monde, et ils auront un jour ce monument de justice, ce monument de fraternité, ce monument de paix pour lequel nous luttons au profit de tous les êtres humains de la Terre (Applaudissements).
Voilà ce que je vois à Soweto, parce que je pense tout d'un coup que, tout en étant fiers à juste titre de l'héroïsme et du courage des enfants de cette ville, vous ne vous rendez pas compte encore de toute leur grandeur et de tout le mérite de leur sacrifice. Je crains que vous ne compreniez pas toute l'ampleur du rôle historique qu'a joué Soweto et qu'ont joué ces enfants et ces jeunes qui sont morts le 16 juin 1976, dont je viens de voir les photos dans ce modeste musée que vous avez créé, afin que ceux qui viennent ici puissent vivre, ne serait-ce que pendant une seconde, ce 16 juin quand Soweto s'est soulevé. Non, ce n'est pas Soweto qui s'est soulevé, mais la liberté des opprimés, la dignité des opprimés. Ç'a été un soulèvement de la dignité contre toutes les injustices de Soweto et contre toutes les injustices du monde. Et de même qu'aujourd'hui, vingt-deux ans après, personne ne les oublie, mais que tous se souviennent et les aiment toujours plus, de même, au fils des années, le monde se rappellera qu'il y a eu un Soweto et qu'il y a eu des jeunes comme ceux-là qui se sont sacrifiés pour la dignité de tous les êtres humains.
On pourrait dire à juste titre que Soweto a été le berceau de la libération de l'Afrique du Sud (Applaudissements). Mais il sera un jour le berceau de la libération de l'Afrique tout entière. Je ne veux pas dire que l'Afrique n'ait pas lutté, que l'Afrique ne puisse se vanter de milliers et de dizaines de milliers d'actions héroïques, mais c'est ici que se persistait l'îlot le plus douloureux d'un système d'esclavage et d'injustice qui a duré des milliers d'années, mais qui a duré des centaines d'années en particulier pour l'Afrique, l'Amérique latine et le tiers monde.
L'apartheid n'a pas vu le jour en 1948, il a vu le jour dès ce siècle, voilà cinq cents ans, où les habitants de ces terres-ci, ou ceux d'Amérique ou ceux d'une bonne partie de l'Asie ont été conquis et colonisés; quand l'Afrique a été conquise et colonisée, depuis bien des siècles, parce qu'on ne pourra jamais oublier que des millions et des millions d'Africains -on parle de douze millions- ont été arrachés, sur ce continent-ci, de leurs villages et de leurs foyers, sans compter ceux qui sont morts de maladies durant la traversée ou qui ont fait naufrage dans les mers de là-bas. Douze millions d'Africains, enchaînés, vendus aux enchères pour quelques misérables centimes afin de travailler comme des esclaves pendant des siècles. En Amérique, il n'y a pas eu que l'extermination et l'esclavage de ceux qui vivaient là-bas; de nombreux Africains y ont été conduits comme esclaves, qui font partie maintenant de notre sang, de notre identité et de nos peuples.
Que personne ne s'étonne donc qu'un jour, des enfants d'un peuple comme celui de Cuba, en un beau geste de solidarité, aient traversé les mers pour coopérer et combattre sur ce continent-ci qui a tant contribué à nos luttes. En effet, les premiers à s'être soulevés contre le colonialisme en Amérique, bien avant les colons britanniques en Amérique du Nord, ce sont les esclaves africains, dès le XVIe siècle. Après, quand ils étaient des millions, ils se sont soulevés, au milieu du XVIIIe siècle, à la Jamaïque, à la Barbade et dans d'autres pays contre le colonialisme et ils ont été réprimés sauvagement par la force. Certains ont pu se libérer, s'échapper dans les montagnes et vivre en liberté bien longtemps, parce qu'ils ne se résignaient pas à l'esclavage. Aucun ne se résignait, bien entendu, mais ils ne pouvaient pas tous se débarrasser des chaînes, échapper aux poursuites, échapper aux chiens qui les poursuivaient sans relâche dans les forêts.
Voilà les souffrances qu'ont endurées les fils et descendants d'Afrique pendant des siècles. Ils se sont soulevés là-bas, comme ici. Il y a eu beaucoup de Soweto dans ce continent-là, et ils ont semé la graine et ils ont frayé la voie de la liberté de nos peuples (Applaudissements), la voie de l'indépendance de nos pays, une indépendance qui n'est pas encore complète, malheureusement, parce que nous avons un voisin extrêmement puissant qui aime donner des ordres, imposer des conditions et exploiter ces peuples-là.
Je n'ai pas de raisons de parler -je n'en ai pratiquement rien dit- de certaines choses que vous avez mentionnées ici. Ce que j'ai dit au Parlement, hier, c'est simplement pour exprimer notre sentiment de solidarité avec l'Afrique, rappeler l'effort que notre petit pays, petit et soumis à un blocus, a été capable de consentir pour remplir un devoir avec l'Afrique (Applaudissements), en conformité avec nos idées, avec nos devoirs, avec notre conscience.
Beaucoup viennent maintenant en Afrique et en Afrique du Sud. N'allez pas croire qu'ils viennent s'intéresser à la pauvreté de l'Afrique, n'allez pas croire qu'ils viennent s'intéresser aux affamés d'Afrique, aux malades qui n'ont pas de médicaments ou aux enfants qui n'ont pas d'écoles. Nous savons pertinemment, et vous le savez aussi, qu'ils viennent s'intéresser à l'or de l'Afrique (Exclamations), aux diamants de l'Afrique, au nickel de l'Afrique, à l'aluminium de l'Afrique, au platine de l'Afrique, à l'uranium de l'Afrique, au manganèse de l'Afrique, au fer de l'Afrique, au chrome de l'Afrique, etc., etc., etc. Aux forêts de l'Afrique, aussi, jusqu'à ce qu'il ne reste plus un seul arbre et que ce continent-ci soit devenu un immense désert. A la main-d'oeuvre bon marché de l'Afrique, aussi (Exclamations).
Ils disent qu'ils apportent des capitaux, mais qu'est-ce que le capital ? (Exclamations) Avant, le capital, c'était de l'or : si vous aviez un billet vert qui disait dix dollars, vous aviez le droit d'aller au trésor des Etats-Unis pour qu'on vous remette tant de grammes d'or en échange, parce que chaque billet avait sa couverture en or. Aujourd'hui, ils n'apportent pas d'or, non : ils apportent des billets et ils remportent l'or (Exclamations). Aujourd'hui, ils apportent des papiers, une fiction, un mensonge, un leurre (Exclamations).
Je ne vais pas tenter de faire ici un cours d'économie, non (Rires). Je sais quelques petites choses d'économie, et surtout toutes celles qui ont à voir avec la façon dont on exploite et on trompe les peuples. Je veux simplement dire ici, de manière symbolique, que ceux qui imposent leur hégémonie dans le monde en achètent la richesse avec des papiers, mais des papiers à eux, et, compte tenu des richesses accumulées grâce au pillage de nos peuples et au développement atteint au prix de notre sous-développement, ces papiers constituent un mécanisme particulier de ces économies à eux, un instrument de domination. Avec ces papiers, ils achètent les richesses du monde et s'en emparent, d'accord, mais avec quoi paient-ils ? Bien souvent, avec des bagatelles, bien souvent avec des produits que nous pourrions produire ici, en Afrique, avec notre coton. Pourquoi devons-nous acheter un costume à New York alors que tout ce qu'ils fabriquent, il le font avec les matières premières de nos pays ? (Rires et applaudissements) Toutes ces étoffes fines de polyester se font avec du pétrole qui vient d'Afrique, qui vient d'Amérique latine, qui vient d'Asie.
C'est de nos matières premières que sort l'énergie qu'ils consomment, alors que l'immense majorité des pays du tiers monde ne disposent pas d'électricité à bien des endroits, ni de téléphone, ni d'appareils électroménagers. Tout cela se produit à partir de nos matières premières, extraites de nos mines, à partir de salaires très pauvres, pour nous exporter des marchandises qu'ils produisent avec des machines très sophistiquées qui permettent, rien qu'en appuyant sur un bouton, de produire en séries de chaussures en plastique ou en cuir synthétique, des objets, des pièces, des automobiles, des avions et tout le reste, rien qu'en appuyant sur un bouton avec un doigt, et le doigt appartient à un type qui a été au lycée faire des études secondaires, bien qu'il n'y ait pas besoin de tant de connaissances pour appuyer sur un bouton (Rires), et ce sont même parfois des ingénieurs qui appuient. Et ils appuient sur des boutons quand ils lancent des missiles dans tous les sens, sous n'importe quel prétexte, et ils appuient sur des boutons quand ils entreprennent des voyages dans l'espace.
Je me demande : ne somme-nous pas intelligents, nous autres ? Cet enfant qui est mort ici n'avait-il pas une intelligence, des doigts, des bras, un coeur ? Et qui dit que les uns sont plus intelligents que les autres ? Avant même qu'il ait existé une culture, aux Etats-Unis par exemple, les Mayas d'Amérique centrale avaient une culture développée, connaissaient l'astronomie. Voilà des milliers d'années, bien avant qu'ils n'aient une civilisation, eux, les peuples du Moyen-Orient, de Mésopotamie, avant même la Grèce et Rome, savaient construire de grands édifices, possédaient une écriture, avaient des bibliothèques, avaient une civilisation. En Egypte, par exemple, ils savaient édifier des pyramides, qui existent depuis des milliers d'années, et il faut être intelligent pour construire une pyramide; pour qu'elle soit droite et parfaire, il faut connaître beaucoup de géométrie, d'architecture, de mathématique. Ces connaissances existaient quand l'Europe n'était peuplée que de tribus sauvages, venues par vagues d'Asie centrale; ils n'étaient pas plus civilisés que nous, et ne savaient pas plus que nous.
Tout le monde a entendu parler de sept merveilles du monde, qui existaient voilà deux mille ans -ou plus peut-être, deux mille cinq cents ans ou trois mille- bien avant que n'existe Paris ou New York.
Qui dit que la civilisation et l'intelligence sont l'apanage d'un groupe d'êtres humains ? Je le dis en toute franchise, et je le pense, et j'ai dit hier parce que je le sais : je ne dirais qu'une race humaine est plus intelligente qu'une autre, mais je peux dire en tout cas à ceux qui regardent les peuples asiatiques et africains, et les Indiens d'Amérique latine, comme des êtres inférieurs, que nos relations étroites avec ces peuples-là pendant de nombreuses années de ce siècle nous ont permis d'en constater l'intelligence, la capacité et le talent extraordinaires.
Et pas seulement du talent : des idées, de l'héroïsme, parce qu'être emprisonné pendant vingt-sept ou trente ans, comme Sisulu, ou être pendant des dizaines d'années dans une cellule solitaire de trois mètres sur deux, où il n'y avait même pas de services hygiéniques ni de lit, mais le sol tout nu, les sévices, l'humiliation, l'isolement d'avec la famille, des choses aussi terribles que celles que m'a racontées Mandela hier, quand il me faisait part de l'expérience qu'il avait vécue d'une de ses filles qu'il n'avait plus vue depuis qu'elle avait dix-huit mois et qu'il n'a pu revoir que lorsque elle était déjà une femme, parce qu'il ne pouvait même pas recevoir la consolation d'une fille dans cette cellule solitaire... Alors, je me demande : pourquoi tant de cruauté?
Alors, après avoir vu de mes propres yeux et avoir eu l'honneur et le privilège de connaître des gens comme eux, qui n'ont jamais renoncé à leurs idées, je me demande : l'Europe ou les Etats-Unis, ceux qui nous méprisent, combien de héros ont-ils eus qui ont été capables de passer vingt-sept ou trente ans dans des conditions aussi terribles et aussi douloureuses sans renoncer à leurs idées ?
Quel monument à la dignité de l'homme ! Quel monument en l'honneur de l'Afrique et en l'honneur de tous les peuples du tiers monde ! Quel monument à la conscience humaine !
Les hommes qui sont capables de ça ne seraient-ils donc pas en mesure de créer un monde meilleur, un monde vraiment humain, un monde vraiment égalitaire, un monde vraiment digne de l'homme ?
Je ne veux rien dire qui pourrait vous sembler de la flatterie, bien que je sache que vous ne le percevriez jamais ainsi, mais je me retiens de dire des mots qui pourraient paraître un éloge ou une flatterie pour ne pas blesser votre pudeur. Ce serait vous offenser que de vous rendre un éloge ou de vous flatter. Je vous estime trop pour recourir à la démagogie ou au mensonge. Je veux simplement dire, avec toute la modestie du monde, que nos peuples sont capables d'atteindre des civilisations aussi hautes que celles-là et même encore plus hautes, mais des civilisations au service de l'homme et mille fois plus humaines. Nous ne pouvons nous résigner au droit de certains de tout avoir quand d'autres ne possèdent rien.
Et je me pose une question, me rappelant par exemple une sommité comme Einstein, le fameux physique qui a découvert la théorie de la relativité: si, au lieu d'être né dans l'Europe cultivée et censément civilisée -je dis bien: censément, parce que c'était juste quelques années avant les camps de concentration et l'holocauste de millions et de millions d'être humains, ce qui prouve bien combien elle est contestable, cette civilisation mécanique, cette civilisation technologique privée de coeur- Einstein était né à Soweto où est né Hector Peterson, aurait-il été Einstein ? Peut-être l'aurait-on prénommé Hector... Mais aurait-il pu découvrir la théorie de la relativité ? Aurait-il pu faire des études primaires, ou le premier cycle du second degré ? Aurait-il passé son bac ?
Comment veut-on que tout le talent potentiel s'épanouisse quand on sait qu'en Afrique, par exemple, plus de moitié de la population ne sait ni lire ni écrire, n'a pas d'école où aller apprendre, n'a pas d'universités, n'a pas de centres de recherche, n'a pas de machines ?
Comment l'Afrique va-t-elle avoir les machines, former les médecins et les ingénieurs dont elle a besoin ? Voilà pourquoi les autres dont je parle peuvent nourrir l'espoir de disposer de milliards d'êtres humains comme simple main-d'oeuvre bon marché, au milieu de la pauvreté, de l'humiliation et de l'abandon. C'est ce qu'ils rêvent, je peux vous l'assurer.
Je vous l'ai dit : quand ils voyageaient, que cherchaient-ils ? Prenez donc les conflits actuels en République du Congo. Pourquoi ? Et pourquoi Lumumba est-il mort un jour ? (Exclamations) Pourquoi a-t-il été assassiné Parce qu'il a voulu défendre les droits du Congo, et aussi parce que le Congo possédait beaucoup d'or, beaucoup de diamants, beaucoup de platine, et beaucoup d'uranium. C'est peut-être une des régions du monde possédant le plus de ressources naturelles. Et voilà quelle a été la pomme de la discorde. Et qu'est-ce que l'Occident a apporté au Congo en quarante ans? Plus de pauvreté, plus de retard qu'à l'époque de Lumumba. On y a volé des milliards de dollars. Qui ont atterri où ? Dans les banques de l'Occident. Et qui les ont-ils volés ? Ceux qui servaient les intérêts de l'Occident.
Quarante ans. Presque la durée de la Révolution cubaine. Eh bien, notre pays pauvre et soumis à un blocus, qui n'a même pas de pétrole, a formé plus de 70 000 médecins (Applaudissements), dont il reste encore -parce que certains ont pris leur retraite et d'autres sont décédés- 63 000, soit un pour 174 habitants (Applaudissements).
De nombreux pays du tiers monde compte un médecin pour 10 000 habitants. En Afrique, certains pays en compte un pour 15 000 ou 20 000. C'est donc cela que nous a apporté la civilisation occidentale ? C'est cela qu'on promet aux peuples africains ?
Dans notre pays, le taux d'analphabétisme était de 30 p. 100 au triomphe de la Révolution, quand nous nous sommes libérés de l'empire qui était le maître de toutes nos richesses, et nous comptons aujourd'hui de 250 000 à 300 000 professeurs et instituteurs (Applaudissements), et nos instituteurs sont des diplômés universitaires. Je ne dis pas ça par vantardise, absolument pas, mais pour citer une expérience bien différente de celle des pays qui n'ont pas pu se libérer de la domination impériale et de la domination coloniale. Je n'ai mentionné que deux choses.
Cuba, un pays du tiers monde, compte en plus des dizaines de milliers de scientifiques. Voilà pourquoi nous savons ce que nos pays peuvent faire, et pourquoi nous avons pu envoyer des médecins et des enseignants. Comme je le disais hier, pendant une trentaine d'années, plus de 80 000 coopérants civils cubains (Exclamations et applaudissements) ont travaillé en Afrique, tandis que 381 000 soldats et officiers ont lutté aux côtés de soldats et officiers africains. Si le nombre est si élevé, c'est parce que nous sommes restés quinze ans en Angola (Applaudissements et cris de «Vive Cuba !»), en faisant preuve de la patience de Sisulu, sans céder, sans reculer, sans renoncer à nos devoirs de solidarité (Applaudissements).
Nous avons vécu dans les tranchées, et nous avons travaillé dans les hôpitaux et dans les écoles aux côtés de nos frères et soeurs africains. Qui peut connaître leurs coeurs et leur talent mieux que leurs frères cubains ? Et qui peut avoir plus de droit de parler en toute honnêteté, sans un mot démagogique, de ce que valent et de ce que peuvent faire les peuples africains et les autres peuples avec qui nous avons collaboré toutes ces années-ci ?
Du personnel médecin, dont du personnel infirmier et d'autres techniciens, il en est passé plus de 26 000 rien qu'en Afrique. Et si l'Afrique a besoin de plus de médecins, nous en avons, parce que nos universités continuent d'en former (Applaudissements), et de bons médecins, qui sont capables de travailler non seulement dans les villes, mais aussi dans les campagnes, dans les montagnes. Et pas seulement les campagnes et les montagnes de Cuba, mais dans celles de n'importe quel pays du monde (Applaudissements), parce que ça, ça s'appelle conscience politique, conscience inter-nationaliste (Applaudissements).
Voilà comment nous nous sommes efforcés d'éduquer notre peuple, parce qu'on ne peut penser à des lendemains meilleurs, on ne peut penser à un monde juste sur cette planète pour tous les êtres humains, sans de profondes idées et de profondes convictions solidaires, fraternelles et internationalistes. Nous éduquons l'homme dans ce sentiment. La société qui nous exploite n'inculque pas ces sentiments-là à l'homme, mais la haine, l'égoïsme, l'ambition.
Quand ces gens-là dont je parle parcourent le monde, ils le font en compagnie d'un grand cortège. Leurs avions sont bourrés d'hommes d'affaires, parce qu'ils voyagent pour chercher des affaires, pour s'assurer les ressources naturelles, les minerais et les profits.
Pas un seul homme d'affaires n'est venu avec la délégation cubaine, ni en Afrique, ni ailleurs.
Et nous sommes satisfaits de nous sentir, dans quelque pays que nous visitons, comme des amis désintéressés qui ne sont pas en quête de ressources naturelles (Applaudisse-ments).
Nous croyons à ce monde dont nous parlons et nous croyons que les habitants de ce monde doivent être un jour les maîtres de la planète. Nous ne pouvons concevoir un monde où une poignée de transnationales seront les maîtres absolus du monde. Et voilà pourquoi je parle des problèmes de la mondialisation.
La mondialisation est inévitable, mais pas celle qu'on veut nous imposer, pas cette mondialisation néolibérale (Applaudissements). La mondialisation est le résultat de la science, de la technique et de l'essor des forces productives, et elle doit être au service de l'homme.
L'idée que nous défendons par-dessus tout, c'est le droit de chaque être humain d'épanouir son talent, son intelligence, ses qualités, ses meilleures qualités. Le droit de tous les êtres humains à la liberté, à la justice, à la dignité, au respect. Le droit de tous les êtres humains à disposer des choses indispensables à la vie.
Il ne s'agit que chaque être humain possède un yacht ou un avion, il ne s'agit pas du modèle de consommation des sociétés capitalistes développées qui nous instillent ce poison tous les jours dans la tête à la télévision, à la radio, au cinéma, allant jusqu'à détruire nos cultures : «Buvez Coca-Cola !» (Rires) -et je ne pense rien leur demander pour cette pub- «buvez Pepsi-Cola», «mangez des hamburgers McDonald's» (Rires), et vous constatez que même la Chine et l'Inde consomment du Coca-Cola, du Pepsi-Cola, des hamburgers McDonald's (Rires).
Ce à quoi nous aspirons pour l'homme, c'est qu'il ait les aliments nécessaires pour développer sa nature, pour conserver sa santé; qu'il ait la possibilité de s'éduquer, comme je l'ai dit avant, d'acquérir une culture; qu'il ait un toit, la sécurité d'un travail. Oui, la sécurité d'un travail. Qu'est-ce qu'on accuse du chômage ? La productivité des machines. Parfait, très bien, c'est magnifique que les machines produisent beaucoup rien qu'en appuyant sur un bouton. D'accord. Mais pourquoi appuyer sur le bouton quarante ou cinquante heures par semaine ? (Rires.) Mieux vaut appuyer dessus dix heures (Rires).
Bref, l'intelligence et les progrès scientifiques et techniques ne doivent pas être au service d'une minorité minuscule de transnationales, ils doivent être au service de l'homme, et les machines ne doivent pas grâce à l'informatique et à l'automatisation mettre l'homme sur la touche (Applaudissements). Ce à quoi nous aspirons, c'est qu'il y ait du travail pour tous les êtres humains, hommes et femmes, dans une branche ou une autre.
Il existe aujourd'hui assez de ressources pour sauver la nature, pour nourrir tous les êtres humains, pour les éduquer, pour leur fournir du bien-être, pour s'organiser ration-nellement, et même pour appliquer le planning familial, mais il faut en prendre conscience.
Que se passe-t-il en fait ? Les riches ne se multiplient pas, ils ont un enfant, deux au maximum, ou aucun, et ils maintiennent l'équilibre de la population. Les pauvres n'ont pas pu aller à l'école, n'ont pas pu prendre conscience de ce problème. Dans de nombreux pays du tiers monde, les gens veulent avoir davantage d'enfants, parce qu'ils voient en eux une garantie pour la vieillesse, mais ce ne sera plus nécessaire si nous universalisons la culture, le bien-être. Et nous pourrions tous avoir de l'électricité sans polluer l'atmosphère, et nous pourrions avoir des communications, et nous pourrions même avoir des appareils électroménagers, et nous pourrions avoir un toit, et nous pourrions avoir de la médecine, des soins médicaux, et nous pourrions avoir tous de la santé, et une vie plus longue, vous comprenez ? C'est à la portée de l'homme.
Si les machines produisent beaucoup, je le répète, eh bien, alors, que l'homme travaille moins, que les personnes âgées vivent plus longtemps et fassent ce qu'elles veulent, qu'elles n'aient même pas à appuyer sur des boutons. Si à peu nous pouvons produire beaucoup pour beaucoup, eh bien, produisons donc à tous beaucoup pour beaucoup, en faisant le minimum d'efforts physiques, parce rien qu'appuyer sur un bouton pendant huit heures d'affilée, cela crée une tension, et que l'homme ait plus de temps pour le sport, plus de temps pour se promener, pour marcher et tout le reste.
Bref, je crois que l'homme peut, je crois que ce monde-là est possible, je crois que nous pouvons y parvenir si nous le comprenons, si nous gagnons la bataille des idées et de la conscience.
Et c'est d'ailleurs comme ça que vous avez remporté, vous, la très difficile bataille de l'apartheid, et dans le monde il y a beaucoup d'apartheid. Le symbole a disparu, mais il reste des milliers de formes d'apartheid dans le monde entier, déguisées de bien des façons. Il y a de l'apartheid dans un monde des riches et de pauvres, il y a de l'apartheid dans un monde où certains pays ont un Produit intérieur brut par habitant de 30 000 dollars par an, et où d'autres en ont un de 400 ou 500 dollars, voire de 200 ou 300. Et quels sont ceux qui ont des PIB de plusieurs dizaines de milliers de dollars ? Ceux qui nous ont conquis quand nous étions libres, même si nous n'avions pas certains objets de la prétendue civilisation. Ce sont ceux qui nous ont colonisés, nous ont exploités et nous ont réduits en esclavage qui possèdent les grandes richesses. Et quels sont ceux qui possèdent les grandes pauvretés ? Nous qui avons été conquis, colonisés, réduits en esclavage.
Bandons nos volontés héroïques, nos intelligences extraordinaires pour remporter cette bataille. Une bataille dans laquelle, je le répète, nous disposons d'une arme fantastique : les idées. Vous ne pouvez vous imaginer combien de sympathie et combien de soutien a déclenchés dans le monde la nouvelle du soulèvement de Soweto contre l'apartheid. La solidarité avec le peuple sud-africain s'est décuplée, s'est centuplée, et cela a été un facteur décisif dans cette bataille, dans cette victoire que vous avez en fin de compte remportée.
Voilà de quoi je voulais vous parler aujourd'hui, même si j'ai pris plus de temps que prévu. J'emporterai toujours dans mon esprit et dans mon coeur le souvenir de cette terre-ci, de ce peuple-ci, et de ceux qui se sont sacrifiés pour cette cause si juste et si humaine, pour laquelle nous avons le devoir de lutter tous et pour laquelle nous lutterons tous.
Je vous remercie infiniment, héroïques citoyens de Soweto! (Applaudissements et slogans de : «Fidel, Fidel !» et de : «Vive Cuba !»)