lL'ESSENTIEL DES RÉFLEXIONS DU PRÉSIDENT CUBAIN FIDEL CASTRO RUZ SUR L'ÉMIGRATION ILLÉGALE STIMULÉE PAR LES ÉTATS-UNIS CONTRE CUBA PENDANT QUARANTE ANS (MATANZAS, le 3 août 1999)
Après avoir consacré quelques minutes aux Jeux panaméricains, j'ai parlé à Cienfuegos de deux thèmes essentiels : la Demande légale présentée contre le gouvernement nord-américain pour dommages humains et la lutte contre le trafic de drogue international. Aujourd'hui, à Matanzas, je dois en aborder un autre, extrêmement important : l'émigration illégale stimulée pendant quarante ans par les Etats-Unis au détriment de Cuba.
Avant la victoire de la Révolution, très rares étaient les visas que l'ambassade des Etats-Unis délivrait à des citoyens cubains souhaitant émigrer pour des raisons économiques, ce à quoi aspiraient des centaines de millions de personnes dans le monde, y compris des millions d'Européens attirés par les ressources matérielles et le standard de vie de la nation qui avait émergé intacte de la seconde guerre mondiale comme la plus riche et la plus puissante, compte tenu des deux grandes conflagrations qui, à deux reprises en moins de vingt-cinq ans, avaient dévasté l'économie des autres pays.
Les démarches légales que devait entreprendre un Cubain, entre 1945 et 1959, pour émigrer aux Etats-Unis étaient prolongées et très strictes. Quiconque entrait dans ce pays-là en violation de ses lois était irrémissiblement expulsé ou emprisonné, et personne ne s'y risquait.
En pleine guerre froide et en plein maccarthysme, quiconque était soupçonné d'être communiste ou même progressiste, une accusation pour laquelle il suffisait d'avoir soutenu à un moment ou un autre des revendications salariales ou l'idée de la réforme agraire, n'obtenait jamais de visa.
Or, tout ceci changea au triomphe révolutionnaire du 1er janvier 1959. Les premiers à partir illégalement du pays furent les assassin, les sbires, les tortionnaires, les concussionnaires et les voleurs de la tyrannie, désormais renversée, de Batista qui trouvèrent un refuge luxueux aux Etats-Unis. Dès lors, l'admission sans obstacle de toute personne partie illégalement de Cuba, sous quelque prétexte que ce soit, devint une norme. Dès qu’il a été évident qu'une révolution pour de bon avait eu lieu à Cuba et que les premières lois révolutionnaires furent promulguées, la haute bourgeoisie commença à émigrer en masse. L'Etat révolutionnaire décida d'occuper les riches villas du Vedado, de Miramar, de Tarará et d'autres quartiers luxueux de la capitale qu'elle avait abandonnées, de les transformer en logements où des dizaines de milliers de jeunes paysannes provenant des régions rurales de tout le pays, puis, après la Campagne d'alphabétisation de 1961, des centaines de milliers d'élèves boursiers d'origine modeste y reçurent une éducation dans les dix premières années de la Révolution jusqu'à ce que celle-ci ait pu construire des milliers d'établissements d'enseignement - internats et semi-internats - des écoles spéciales et des crèches.
Il convient de préciser qu’ucune famille de la haute bourgeoisie, tout le temps qu'elle resta dans le pays, ne fut jamais expulsée de chez elle ni même privée de l'argent déposée dans les banques et se montant parfois à des millions.
La Révolution n'interdit jamais les départs légaux vers les Etats-Unis ou ailleurs. Les administrations nord-américaines, pour leur part, stimulèrent toujours les départs illégaux. Le visa devint quelque chose de périmé pour être reçu dans ce pays-là, il importait peu que la personne en question ait un casier judiciaire chargé ou ait commis des crimes, et ce sans exception. Il lui suffisait de dire qu'elle était opposée à la Révolution ou au socialisme, au communisme, ou qu'elle était persécutée pour ses opinions politiques. De même, la catégorie d'émigrant cessa de faire partie du vocabulaire en ce qui concernait les ressortissants de notre pays : tout Cubain résident dans n'importe quel pays du monde fut dès lors taxé d'exilé. Curieux exilés et persécutés politiques que ceux-là qui voyagent à Cuba, sans presque aucune exception, chaque fois qu'ils le souhaitent ! On usa ou on abusa même à ce point des facilités existantes pour sortir légalement de Cuba dans les premières années de la Révolution que plus de 14 000 enfants furent virtuellement kidnappés par les Etats-Unis quand des groupes contre-révolutionnaires, que les services de renseignements de ce pays-là avaient organisés dès les premiers moments, imprimèrent et distribuèrent clandestinement de faux projets de lois aux termes desquelles la Révolution - ce qui était infâme et criminel - allait censément supprimer la puissance paternelle, ce qui sema la panique chez de nombreuses familles des classes moyennes qui, terrorisées, profitant des lignes aériennes régulières qui fonctionnaient encore tout à fait normalement, se séparèrent de leurs enfants et les envoyèrent sans visas et de façon occulte aux Etats-Unis où ils furent accueillis puis installés dans des orphelinats, voire dans des centres de redressement de mineurs. Ce sont des faits qu'il est indispensable de rappeler.
Un triste jour de fin 1962, le gouvernement des Etats-Unis supprima sans préavis les vols normaux et les départs légaux du pays. Des centaines de milliers de personnes perdirent tout lien avec les proches vivants aux Etats-Unis, entre autres les parents qui y avaient envoyé leurs enfants pour les craintes susmentionnées. Il ne resta plus dès lors que les départs illégaux, stimulés qui plus est par tous les moyens dans le cadre d'une propagande infâme contre la Révolution et le socialisme. Cette politique-là provoqua une série de crises migratoires.
En février 1963, l'administration Kennedy donna un puissant coup de pouce à ces départs illégaux quand elle annonça que les Cubains arrivant directement aux USA de l'île seraient reçus à titre de réfugiés, tandis que ceux qui chercheraient à y entrer par des pays tiers seraient considérés comme des étrangers et seraient sujets à toutes les restrictions en vigueur en matière d'immigration.
La première réponse de la Révolution à cette politique arbitraire et nocive fut, le 28 septembre 1965, d'aménager le port de Camarioca, dans la province de Matanzas, où toute famille cubaine résidant aux Etats-Unis, qu'elle utilise des moyens de transport maritimes à soi ou de tiers, pourrait venir recueillir des proches ayant reçu l'autorisation préalable des autorités cubaines. Environ mille bateaux en provenance des USA, faisant fi des ordres des autorités nord-américaines, se réunirent dans ce petit port.
Malgré l'absence de relations diplomatiques et d'offices d'intérêts, les deux pays engagèrent néanmoins des conversations et signèrent, le 6 décembre, un mémorandum d'entente aux termes duquel un pont aérien fut établi entre Varadero et les USA et resta en vigueur de janvier 1966 à avril 1973. Tous ceux qui souhaitaient émigrer - exception faite de certaines personnes qualifiées considérées indispensables tant que leurs remplaçants ne seraient pas encore formés et des citoyens prêtant service dans les forces armées et dans les institutions d'ordre intérieur, ou qui l'avaient prêté à une date récente - furent autorisés à le faire. Environ 260 000 personnes purent ainsi, dans l'ordre et sans risques, satisfaire leur souhait d'émigrer aux Etats-Unis et des dizaines de milliers de familles se réunifièrent.
Mais les départs illégaux se poursuivirent, parce que les autorités nord-américaines ne délivrèrent pas de visas à tous ceux qui souhaitaient utiliser le pont aérien : elles firent un choix et s'efforcèrent de les délivrer de préférence, dans toute la mesure du possible, à des médecins, aux personnels infirmiers, à des instituteurs, à des professeurs et autres professionnels universitaires, à des titulaires de BTS ou de BT, qui toucheraient les salaires correspondant à leur qualification dans ce pays-là, le plus riche et le plus développé du monde, des salaires sans commune mesure avec ceux que pouvait leur offrir une néocolonie récemment indépendante et sous-développée, pauvre et soumise à un blocus rigoureux de la part du puissant pays avec lequel elle maintenait depuis le début du siècle le gros de ses liens économiques, financiers et commerciaux. Mais Cuba résista de pied ferme à ce pillage de son personnel qualifié, et, consentant un effort éducatif colossal, entreprit de former celui qui devait le remplacer en des quantités plusieurs fois supérieures.
En plus de cette disposition de Kennedy de l'année 1963 qui stimula tant les départs illégaux, le Sénat et la Chambre des représentants des Etats-Unis réunis en Congrès votèrent la loi dite d'Ajustement cubain, signée par le président Johnson le 2 novembre 1966 et établissant un statut spécial et exclusif : «Le statut de tout étranger né à Cuba ou citoyen de ce pays et qui aurait été examiné et admis ou accepté sur parole aux Etats-Unis après le 1er janvier 1959, et qui aurait été présent physiquement au moins pendant deux ans, pourra être ajusté, selon le pouvoir discrétionnaire du ministre de la Justice et conformément aux réglementations qu'il pourrait ordonner, à celui d'un étranger admis légalement à la résidence permanente...»
Il s'agissait d'une nouvelle tentative de déstabiliser et de détruire la Révolution cubaine. C'est en quelque sorte cette loi, tout à fait générale et confuse, qui fonda, avec quelques modifications postérieures, le droit de tout Cubain parti illégalement de Cuba à bénéficier automatiquement, à peine entré aux Etats-Unis, de la résidence permanente un an après, un privilège qui n'est concédé à aucun citoyen d'aucun autre pays du monde. Si on avait appliqué cette mesure au reste de l'Amérique latine et des Caraïbes, les Etats-Unis compteraient aujourd'hui bien plus de citoyens de ces pays-là que de citoyens nés sur place. Mieux vaut ne pas penser à ce qui aurait pu arriver si cette mesure avait été étendue au reste du monde...
Une fois conclu le pont aérien, il était inévitable en de telles circonstances qu'une nouvelle crise migratoire éclate tôt ou tard. Elle eut lieu en 1980, quand une situation similaire à celle de Camarioca se présenta cette fois dans le port de Mariel.
Un second accord migratoire fut signé le 14 décembre 1984 au terme de négociations entre des représentants du gouvernement cubain et de l'administration Reagan : selon le communiqué émis à cette occasion, cet accord visait «à normaliser les procédures migratoires entre les deux pays et à mettre fin à la situation anormale existant depuis 1980». Les points essentiels en étaient les suivants :
« Les Etats-Unis recommenceront à délivrer des visas d'immigration préférentiels à des citoyens cubains vivant à Cuba jusqu'à un chiffre de 20 000 par an, notamment aux proches parents de citoyens nord-américains et de Cubains ayant le statut de résidents permanents aux Etats-Unis.
« La partie nord-américaine a fait état de sa disposition à mettre en oeuvre, en coopération avec les autorités cubaines, toutes les mesures nécessaires pour garantir que les citoyens cubains vivant à Cuba qui souhaiteraient émigrer aux Etats-Unis et seraient qualifiés, aux termes des lois nord-américains, pour recevoir un visa d'immigrant, puissent y entrer, en tirant le meilleur profit de ce chiffre de jusqu'à 20 000 par an ».
Que l'on prête attention au paragraphe suivant du communiqué :
« Les Etats-Unis continueront pour leur part de délivrer des visas d'immigration à des résidents à Cuba qui seraient les parents, les conjoints et les enfants célibataires de moins de vingt et un ans de citoyens nord-américains, ces visas n'étant pas inclus dans le chiffre d'immigrants annuel susmentionné ».
Autrement dit, il était clairement spécifié que ce chiffre de vingt mille pouvait être largement dépassé une fois inclus cette catégorie de proches de Cubains déjà citoyens nord-américains.
« Cuba acceptera le rapatriement des citoyens cubains arrivés aux Etats-Unis en 1980 en provenance du port de Mariel et déclarés inhabilités pour entrer légalement dans le pays. Ces personnes se montent à 2 746 et leurs noms apparaissent sur une liste approuvée.
« [...]Ces rapatriements se réaliseront au prorata de cent par mois.
L'accord comprenait en plus 3 000 visas par an délivrés «aux personnes qui, ayant été libérées après avoir purgé une peine pour des activités que le droit pénal cubain qualifie de ‘crimes contre la sécurité de l'Etat’ souhaiteraient vivre aux Etats-Unis de façon permanente».
C'est Cuba qui avait formulé cette demande, car elle estimait que ces personnes avaient agi sur instructions des Etats-Unis et que ceux-ci avaient donc l'obligation morale de leur délivrer des visas, car il était très difficile de les réinsérer dans la société qui les rejetait du fait de leurs activités contre-révolutionnaires au service d'une puissance étrangère.
Ce chiffre total de visas semblait suffisant. Ainsi, bien qu'aucune limite de temps n'eût été fixée, plus de 300 000 personnes des trois catégories auraient pu émigrer aux Etats-Unis de façon légale et sûre en dix ans.
Qu'est-il advenu de cet accord sans aucun doute positif et incontestablement raisonnable et juste ?
Les Etats-Unis ne délivrèrent que 1 227 visas durant la première année d'entrée en vigueur, 1985, sur ce total de 20 000. Aucun visa ne fut délivré en 1986 et 1987, parce que Cuba suspendit l'application de cet accord par suite d'une mesure intempestive et extrêmement hostile adoptée par l'administration Reagan : la création d'une radio officielle subversive baptisée de façon blessante et outrageante José Martí, l'apôtre de notre indépendance, le penseur politique le plus profond de notre Amérique, le premier à avoir dénoncé d'une façon prophétique la politique expansionniste des Etats-Unis dans le sous-continent au détriment des peuples latino-américains. L'accord suspendu, les représentants des deux pays se réunirent de nouveau pour échanger des vues et entamer des négociations. Nous ne voulions pas que cette provocation entraîne une suspension définitive d'un accord qui, appliqué avec rigueur, pouvait régler le problème migratoire. Il entra de nouveau en vigueur la dernière année de la présidence de Reagan.
En 1988, les Etats-Unis ne délivrèrent pas non plus la quantité de visas prévue : seulement 3 472, soit 5,8 fois moins.
En 1989, 1 631, soit 12,3 fois moins.
En 1990, encore moins : 1 098, soit 18,2 fois moins.
En 1991, légère hausse : 1 376, soit 14,6 fois moins.
En 1992, moins de mille : 910 visas, soit 22 fois moins que prévu.
En 1993, toujours moins de mille : 964, soit X fois moins.
En 1994, jusqu'à la fin juillet, seulement 544 visas en sept mois, soit 77 par mois, un chiffre ridicule.
Voilà à quoi s'était réduit l'engagement de délivrer une moyenne de 1 667 visas par mois !
Aucune des trois administrations nord-américaines qui se sont succédées entre 1984 et 1994 n'a tenu parole. Ainsi, celle de Clinton, légalement contrainte par l'accord du 14 décembre 1984, n'a jamais délivré plus de mille visas : 964 en 1993; 544 en 1994.
La catégorie qui eut le meilleur sort, à la reprise de l'accord, fut celle des contre-révolutionnaires condamnés à des peines de prison et de leurs familles : 71,71 p. 100 d'exécution durant les huit années correspondantes, tandis que celle des 20 000 visas ne fut respectée qu'à 7,01 p. 100. Quant à la troisième catégorie, autrement dit «les résidents à Cuba qui seraient les parents, les conjoints et les enfants célibataires de moins de vingt et un ans de citoyens nord-américains, ces visas n'étant pas inclus dans le chiffre d'immigrants annuel susmentionné», il ne lui fut délivré aucun visa, comme on peut le déduire des chiffres antérieurs.
Les USA auraient dû délivrer, en fonction de ce quota de jusqu’à 20 000 par an, un total de 160 000 visas depuis la signature de l'accord, soit huit années, exception faite des deux années de suspension : or, ils n'en ont délivré que 11 222, soit 14,3 fois moins que prévu.
Selon nos calculs, et bien que nous ne connaissions pas les chiffres exacts de personnes d'origine cubaine devenues citoyens nord-américains en plus de vingt-cinq ans d'émigration légale et illégale aux USA, environ 200 000 personnes n'ont pas reçu les visas attendus depuis la signature de l'accord, et plus de 240 000 si l'on tient compte des deux années de suspension de l'accord par suite de la provocation que constitua la radio subversive.
Les Etats-Unis n’ont respecté l'accord d'une façon étonnante, se sont moqué sans scrupules de leurs engagements et se sont joué de notre pays d'une façon humiliante. Cuba, pour sa part, a tenu ses engagements au pied de la lettre, a facilité les départs et a reçu toutes les personnes renvoyées des Etats-Unis comprises sur la liste des exclus ou les non-admis.
Par ailleurs, bien que l'administration nord-américaine se soit engagée solennellement, aux termes de l'accord, à «mettre en oeuvre, en coopération avec les autorités cubaines, toutes les mesures nécessaires pour garantir que les citoyens cubains vivant à Cuba qui souhaiteraient émigrer aux Etats-Unis et seraient qualifiés, aux termes des lois nord-américains, pour recevoir un visa d'immigrant, puissent y entrer, en tirant le meilleur profit de ce chiffre de jusqu'à 20 000 par an», elle a maintenue dans toute sa vigueur la Loi d'ajustement cubain, qui constitue le stimulant fondamental des départs illégaux.
Reagan, qui disposait de l'autorité suffisante et du soutien total du Congrès et qui aurait pu la déroger une fois signé un accord en vertu duquel l’administration s'engageait à adopter toutes les mesures requises pour que l'entrée aux USA se fasse par des voies légales, ne le fit pas. L'administration Bush, non plus. Et l'administration Clinton, qui disposait d'une large majorité au Congrès jusqu'en janvier 1995, ne s'y intéressa pas le moins du monde.
Le fait est qu'à mesure que les Etats-Unis, au mépris de l'accord, réduisaient toujours plus le nombre de visas d'entrée légale, la quantité de personnes tentant d'y entrer illégalement augmentait d'année en année :
2 060 en 1990;
8 593 en 1991;
9 584 en 1992;
15 772 en 1993;
15 067 durant le premier semestre de 1994,
soit un total de 51 076 en quatre ans et demi.
Sont arrivées aux Etats-Unis :
467 en 1990;
1 997 en 1991;
2 511 en 1992;
4 208 en 1993;
et 4 092 pendant le premier semestre de 1994,
soit un total de 13 275.
Malgré le manque total de coopération de la part du gouvernement nord-américain, les autorités cubaines sont parvenues à empêcher le départ de 3 émigrants illégaux sur 4, ce qui prouve avec quel sérieux nous avions assumé notre engagement de coopérer à la normalisation du flux migratoire. Mais cet effort unilatéral de Cuba n'a pas empêché l'arrivée aux USA, durant le premier semestre de 1994, de 7,5 fois plus d'émigrants illégaux cubains que les 544 arrivés légalement après avoir reçu le visa nord-américain, contre un quota de jusqu’à 20 000 que les autorités s'étaient engagées à délivrer chaque année aux termes de l'accord signé avec Cuba.
L'administration Clinton, loin de décourager les départs illégaux comme l'y oblige l'accord, a très vite durci le blocus contre notre pays, alors que l'effondrement du camp socialiste et la désintégration de l'URSS avaient fait perdre à Cuba ses principaux marchés et ses sources fondamentales de combustibles, de matières premières, d'équipements et d'une bonne part des céréales et d'autres aliments essentiels.
Quelques mois avant son accession à la Maison-Blanche, Clinton avait soutenu la loi présentée par Torricelli, un démocrate, votée par le Congrès en 1992 et entérinée le 23 octobre par le président Bush. Quelque temps plus tard, devenu président, Clinton signait en présence des meneurs les plus notoires de la Fondation nationale cubano-américaine et des meilleurs alliés de celle-ci au Congrès, le 12 mars 1996, la brutale loi Helms-Burton.
Les plus de 240 000 personnes ayant attendu pendant dix ans les visas promis aux termes des accords signés le 14 décembre 1984, une loi d'Ajustement cubain toujours en vigueur et la recrudescence du blocus, à quoi il faut ajouter plus de mille heures hebdomadaires de propagande subversive incessante et de guerre politique et psychologique en provenance des Etats-Unis, en vue de stimuler l'indiscipline sociale, le délit et les départs illégaux, devaient forcément provoquer, comme cela est arrivé, une grave crise migratoire.
L'impunité totale dont bénéficiaient tous ceux qui partaient illégalement de Cuba et les stimulants avec lesquels on les recevait aux Etats-Unis étaient en train d'encourager le recours à la violence chez certains qui n'hésitaient même plus à utiliser des armes, voire à assassiner de modestes pilotes ou gardiens pour s'emparer de bateaux qui leur permettraient d'émigrer illégalement aux Etats-Unis.
Dès le premier moment, les services cubains pertinents avaient reçu des instructions de ne pas chercher à intercepter ces bateaux volés ou détournés qui partaient des quais ou des côtes avec des personnes à bord, et ce afin d'éviter des accidents dont on ferait inévitablement retomber la faute sur notre pays.
Les organes pertinents avaient déjà reçu des instructions précises de n'utiliser les armes en aucune circonstance pour empêcher ces départs. Notre pays n'était pas obligé de protéger les côtes des Etats-Unis. Cuba, qui avait toujours autorisé l'émigration légale, devait cesser une fois pour toutes de consentir seule tous les efforts pour empêcher les départs illégaux, alors que le pays d'accueil les stimulait toujours plus ouvertement. Nos autorités se bornèrent à tenter de dissuader ceux qui partaient sur des embarcations inadéquates, à observer de près à bord de patrouilleurs ceux qui tentaient de le faire d'une façon ou d'une autre, à leur prêter secours le cas échéant, jusqu'à ce qu'ils atteignent les nombreux garde-côtes nord-américains qui les attendaient aux abords de douze mille d'eaux territoriales cubaines. Il n'y avait pas d'autres choix en de telles circonstances. Voilà comment survint la troisième crise migratoire.
Les gouvernements de deux pays entrèrent de nouveau en communication par différentes voies. Cuba ne refusa à aucun moment de chercher une solution véritable. Des négociations intenses menées à New York entre les deux pays avec la coopération d'amis communs permirent d'aboutir à des formules qui, bien que non liées à la cessation de la guerre économique dont est victime notre pays - un facteur fondamental qui encourage l'émigration illégale - incluaient de nouveau, mais cette fois avec sérieux, semblait-il, des mesures comme la délivrance d'au moins 20 000 visas par an garantissant une émigration légale et sûre aux Etats-Unis, l'engagement du service des garde-côtes nord-américains d'intercepter au-delà des eaux juridictionnelles de Cuba, ceux qui tenteraient d'entrer illégalement aux Etats-Unis et de les renvoyer à Cuba, et l'engagement de notre part de les acheminer à leur lieu de résidence sans leur appliquer les sanctions dont ils étaient passibles pour départ illégal du pays. Et nous l'avons fait sans exception pour toutes les personnes ramenées.
Cuba avait aussi proposé de s'engager à paralyser l'émigration massive sans recours à la force et par la seule persuasion, ce qu’a été propposé par Cuba . Et nous l'avons fait une fois encore, en quelques jours, sans jamais recourir à la force, en demandant la coopération de la population et en utilisant les médias pour expliquer la teneur et la justesse de l'accord. Nous avons donné un délai aux possesseurs de moyens de transport installés sur la côte à des fins d'émigration pour qu'ils les retirent et nous avons obtenu leur coopération. Nous avons intercepté à terre les moyens qui pourraient servir à une émigration illégale. Et ce fut aisé. La combinaison des mesures adoptées par les deux parties paralysa presque totalement les départs illégaux.
Hormis le fait que les autorités nord-américaines continuent d'accepter un pourcentage d'émigrants illégaux pour des raisons non expliquées ni clairement justifiables, dont nous soupçonnons qu'elles sont de nature politique pour complaire aux ennemis les plus farouches des accords migratoires, on peut affirmer que ceux-ci ont été respectés par les deux parties pour l'essentiel d'une façon rigoureuse et sérieuse :
· Les autorités nord-américaines ont rapatrié à Cuba environ 80 p. 100 des émigrants illégaux interceptés en mer.
· Elles ont concédé au moins 20 000 visas chaque année depuis l'entrée en vigueur de l'accord.
Selon des donnée fournies par la Direction d'immigration et d'extranéité du ministère de l'Intérieur, ses services ont reçu du 1er octobre 1994 au 30 septembre 1995 un total de 26 634 citoyens détenteurs d'un visa délivré par l'Office d'intérêts des Etats-Unis à La Havane.
15 547 pour la même période de 1995-1996;
13 201 en 1996-1997;
17 263 en 1997-1998;
21 429 d'octobre 1998 au 2 juillet 1999, soit deux mois de moins pour la période signalée.
Durant la première année de l'accord, les USA ont délivré, en plus des 20 000
prévus, 6 589 visas de plus au groupe volumineux de personnes qui les avaient demandés dans le cadre de l'accord migratoire précédent et qui ne les avaient jamais reçus. Si la moyenne de visas délivrés en 1995-1996, 1996-1997 et 1997-1998 n'a été que de 15 000, c'est à la demande de la partie nord-américaine à laquelle Cuba a accédé en geste de bonne volonté : il s'agissait d'inclure dans ce quota, et ce pendant trois ans, les 15 000 visas à délivrer aux émigrants illégaux hébergés dans la base navale de Guantánamo, les autorités des Etats-Unis n'ayant pas trouvé d'autres solutions. Le total de visas délivrés s'est pourtant élevé à 94 074. Ainsi donc, presque cent mille Cubains ont pu émigrer légalement aux USA par des voies sûres, sans risques pour leur vie.
L'exécution des accords fait l'objet d'une analyse et d'un contrôle systématiques.
Mais la preuve est faite une fois de plus que l'obstacle fondamental à la lutte contre l'émigration illégale a été constitué, tout au long des quarante ans de Révolution, par la tolérance absolue des autorités nord-américaines et par la concession de privilèges exceptionnels aux Cubains qui arrivent illégalement aux côtes de ce pays. Et ceux qui le font sont justement ceux que les Etats-Unis considèrent comme inhabilités à la délivrance d'un visa. Même en supposant qu'un certain pourcentage de ces Cubains n'ont pas la patience d'attendre et que d'autres se laissent entraîner par l'esprit d'aventure et rêvent des délices de la société de consommation qu'ils voient dans des films, des séries télévisées, dans les annonces commerciales de revues et de journaux, beaucoup de ceux qui émigrent illégalement sont des gens indisciplinés, qui ne veulent pas travailler, ou des marginaux à conduite asociale, des prédélinquants ou des délinquants tout court au casier judiciaire chargé, bref, des gens à qui l'Office d'intérêts des Etats-Unis ne délivrerait jamais de visas.
Chaque fois qu'un Cubain arrive illégalement aux Etats-Unis, il a l'envie ou le besoin d'y faire venir ensuite des parents et des amis, ce qui multiplie et renforce les départs illégaux.
La fameuse loi d'Ajustement cubain engendre ce phénomène, qui n'apporte rien à la société nord-américaine. Les USA ne pourront jamais rétablir la discipline sur les côtes tant qu'elle existera. C'est sur les autorités passées et présentes de ce pays-là que retombe entièrement la responsabilité des victimes disparues tout au long de trente années et de celles qui continueront de disparaître dans ces aventures, par suite de cette politique immorale, anachronique, dénuée de la moindre éthique et de tout sens humain.
C'est compte tenu de ces circonstances que les ennemis les plus intransigeants des derniers accords migratoires, dont beaucoup sont enkystés dans d'importantes institutions politiques nord-américaines et étroitement associés à la maffia de la Fondation nationale cubano-américaine, ne cessent de conspirer pour les liquider.
On voit se renforcer les incitations et les exhortations aux départs illégaux.
Ainsi, l'émetteur subversif Radio Martí a, de janvier à juillet de l'année en cours, diffusé de façon ouverte ou larvée des informations qui ne peuvent que provoquer les départs illégaux. En voici quelques exemples.
Elle a annoncé le 20 janvier 1999 : «La marée croissante d'émigrants cubains arrivant à la Floride, censément dans le cadre d'un trafic illégal, pousse des fonctionnaires étasuniens à penser que le gouvernement de l'île a peut-être réduit les contrôles aux frontières.»
Elle affirmait le 9 mars : «Des Cubains continuent d'arriver aux côtes de la Floride en groupes qui reconnaissent avoir payé pour cette contrebande illégale.»
Le 1er avril : «L'exode augmente de jour en jour. Les Cubains tentent d'échapper aux problèmes économiques que traverse le pays et qui s'aggravent de plus en plus. Le besoin d'obtenir ce qu'ils souhaitent sur le plan matériel pousse les citoyens à partir à l'étranger d'une manière ou d'une autre.»
Le 21 avril 1999 : «Depuis le début de l'année, environ 600 Cubains ont été arrêtés par les autorités étasuniennes. Selon les lois des USA, les Cubains qui touchent terre ont la possibilité de rester dans le pays et de légaliser leur situation migratoire. Ceux qui sont interceptés en haute mer sont rapatriés dans la plupart des cas.»
Nul ne sait comment ni pourquoi, toujours est-il que les Services d'immigration et de naturalisation des Etats-Unis ont, fin avril, adopté une décision néfaste, inutile et inopportune qui a été largement divulguée par Radio Martí - qui est la radio subversive officielle des Etats-Unis - et par d'autres du même genre de Miami.
Cette décision et la vaste divulgation dont elle a bénéficié constitue un vrai sabotage des accords migratoires.
Radio Martí affirmait le 29 avril :
« Les trente-quatre Cubains qui, selon la patrouille frontalière des Etats-Unis, sont arrivés sans documents à la Floride dans les vingt-quatre dernières heures font partie de ceux qui bénéficieront d'un nouveau desserrement de la loi d'Ajustement cubain, autrement dit du droit immédiat de travail. Les Services d'immigration ont informé a Washington n'avoir pas modifié leur politique migratoire envers les Cubains qui arrivent illégalement aux Etats-Unis, mais ils ont éclairci la portée d'une loi leur permettant d'obtenir la résidence permanente et le permis de travail. Les Cubains, ainsi que leurs femmes et leurs enfants, qui ont débarqué à des endroits non considérés aux USA comme des points d’arrivée, peuvent être éligibles sur parole, c’est-à-dire, bénéficier du régime de libérté sur parole et régulariser ensuite leur situation. Le porte-parole des Services d'immigration a déclaré : ‘C'est un éclaircissement, effectif sans délai, qui a beaucoup aidé les Cubains qui arrivent à nos plages, à nos aéroports et à nos ports’. Les nouvelles instructions des Services d'immigration indiquent aussi qu'un Cubain se trouvant aux USA sans y avoir été admis légalement doit se présenter à un fonctionnaire des dits Services pour bénéficier de ce régime et recevoir un an plus tard la résidence permanente ».
Ces nouvelles ont été transmises à maintes reprises par cette radio et d'autres du même genre.
Par une curieuse coïncidence avec ces informations, des rumeurs ont commencé à courir aux Etats-Unis selon lesquelles le gouvernement cubain autoriserait d'un moment à l'autre les départs illégaux de l'île.
Dès janvier, comme je l'ai rappelé, l'émetteur subversif officiel avait affirmé que «[...] le gouvernement de l'île a relâché les contrôles aux frontières».
Cette même radio informait le 25 mai : «Un rapport de presse selon lequel un exode illégal massif de Cubains vers la Floride pourrait se reproduire a provoqué des réactions diverses. Le flux de balseros a augmenté ces dernières années, selon des chiffres des Services de garde-côtes des Etats-Unis : 406 ont été interceptés en 1997; 1 047 en 1998 et 488 jusqu'à mai de l'année en cours.»
Deux jours plus tard, le 27 mai, elle affirmait : «La presse portoricaine publie une série de nouvelles qui révèlent une certaine inquiétude face à l'ouverture des frontières maritimes réalisée par le gouvernement cubain, ce qui provoquera une ruée d'émigrants aux Etats-Unis. On le sait par des conversations entendues à La Havane et en province.»
Voyez un peu comment, tout en signalant de l'inquiétude à Porto Rico, la radio subversive officielle affirme catégoriquement, comme s'il s'agissait d'un fait réel et incontestable, que cela se doit «à l'ouverture des frontières maritimes réalisée par le gouvernement cubain, ce qui provoquera une ruée d'émigrants».
Cette même radio transmet le 1er juin : «On croit que les passeurs d'immigrants illégaux se font payer pour ce service de 2 000 à 8 000 dollars par personne. Les statistiques indiquent que 1 177 personnes sont arrivées ainsi aux USA ces huit derniers mois, contre seulement 615 durant l'exercice budgétaire 1997-1998.»
Le trafic répugnant d'émigrants déclenché depuis la Floride, la décision stupide des Services d'immigration et de naturalisation, les grossières campagnes de la radio subversive officielle et d’autres de ce genre pour pousser les départs illégaux, les rumeurs, voire les nouvelles dénuées de tout fondement concernant l'ordre d'ouverture des frontières maritimes donné par le gouvernement cubain n'ont pas tardé, par leur combinaison, à engendrer des effets extrêmement négatifs. La radio subversive officielle avouait d'ailleurs sans fard que «l'immense majorité de ceux qui arrivent illégalement aux côtes de la Floride sont transportés par des passeurs d'immigrants qui partent des Etats-Unis».
Hasard ? Curieuse coïncidence de facteurs sans rapport entre eux ? Ou véritable complot orchestré par la maffia terroriste de la Fondation nationale cubano-américaine et les secteurs d'extrême-droite du Congrès des Etats-Unis, avec la complicité de certains chefs des Services d'immigration et de naturalisation, et par ceux qui dirigent de fait la radio subversive officielle et en tracent les grandes lignes ?
Nous avons une preuve irréfutable du fait qu'il s'agit d'une conspiration éhontée contre les accords migratoires de 1994 et de 1995 dans les événements survenus en Floride fin juin-début juillet.
On a tendu un vrai traquenard aux Services de garde-côtes nord-américains, auxquels le gouvernement a confié la tâche d'intercepter en mer les émigrants tentant d'entrer illégalement. Celle-ci était facile quand ils se bornaient à secourir ceux qui voyageaient sur des radeaux, des barques ou des bateaux lents et fragiles pendant la crise antérieure aux accords. Or, ils doivent maintenant faire face à des vedettes rapides pilotées par des mercenaires qui regagnent la Floride après avoir recueilli à des sites éloignés des côtes cubaines leur chargement humain. D'autant qu'ils doivent faire face en plus à l'hostilité de la maffia cubano-américaine bien décidée à torpiller les accords migratoires.
Celle-ci a, fin juin, assené un véritable coup de massue aux Services de garde-côtes nord-américains. Sachant qu'un bateau approcherait à une heure et à un point précis de Miami Beach, elle l'a attendu en ayant réuni une grande quantité de médias. Les personnes à bord du bateau se sont jetées à l'eau à environ cinq cent mètres de la plage. Le personnel des garde-côtess a tenté de les empêcher d'y arriver, car, si elles y parvenaient, elles recevraient automatiquement le droit de séjour en vertu d'une loi étonnante et anachronique qui date de plus de trente-trois ans et que personne au monde ne comprend ni ne s'explique.
Le spectacle a parfaitement réussi. Les agences ont transmis des dizaines de dépêches de presse à son sujet et les médias l'ont divulgué dans le monde entier. Ainsi, EFE informait le 29 juin ce qui suit :
« Six balseros cubains ont été les protagonistes aujourd'hui, devant les caméras de télévision transmettant en direct, d'une odyssée dramatique quand ils ont tenté de nager jusqu'à Miami Beach alors que les garde-côte s'efforçaient de les en empêcher. Un émigrant cubain y est parvenu, après avoir échappé aux garde-côtes. Arrivé à la côte entre l'avenue Collins et la 85e rue, il a levé les bras en l'air en signe de victoire sous les applaudissements de ceux qui l'attendaient. Il a été arrêté aussitôt par la police.
« Quatre autres balseros de ce groupe, à bord d'un petit bateau en bois sans moteur, ont été arrêtés par les autorités nord-américaines au terme d'une poursuite dramatique transmise en direct par les chaînes de télévision hispanophones de Miami, Telemundo et Univisión, qui ont interrompu leur programme habituel pour ce faire.
[...] Ces six Cubains, tous des jeunes partis censément de Caibarién, sur la côte nord-est de Cuba, et ne portant que des shorts, se sont lancés à la mer quand ils ont été cernés par des bateaux et des hélicoptères des garde-côtess.
« Ceux-ci ont commencé à les asperger de puissants jets d'eau pour les empêcher de continuer de nager, et la télévision a même montré des officiers tentant de les arrêter de force. »
Sous le titre «Réactions indignés des exilés», El Nuevo Herald écrivait le 30 juin 1999 :
« L'indignation, la colère et la contrariété se sont emparées, ce mardi-ci, de l'exil cubain au sud de la Floride après que des garde-côtes ont intercepté un groupe de réfugiés cubains qui tentaient d'arriver à la côte.
« [...] Après avoir vu à la télévision les six Cubains nageant vers la côte harcelés par des membres de l'agence fédérale, des centaines d'exilés se sont réunis spontanément à trois heures de l'après-midi sur la plage où sont arrivés deux des Cubains et face au commissariat des garde-côtes à Miami Beach.
« [...] Les stations de radio ont été inondées de coups de fil, tandis que les centaines de manifestants qui se dirigeaient vers le commissariat des garde-côtess empêchaient le trafic des véhicules sur la bretelle MacArthur.
« [...] La police de Miami Beach a informé que les manifestants ont même empêché de passer une femme qui conduisait son enfant malade à l'hôpital.
« [...] La protestation s'est intensifiée devant le commissariat des garde-côtes, toujours plus de manifestants colériques ne cessant d'y arriver en agitant des drapeaux et des pancartes. Ils y étaient toujours quand nous mettons ce journal sous presse.
« [...] La vague de protestation a même atteint le Congrès.
« La représentante républicaine de la Floride, Ileana Ros-Lehtinen, a considéré l'action des garde-côtes comme ‘une agression contre des Cubains qui ont exprimé le souhait de vivre dans la liberté et la démocratie’.
« [...] Le sénateur démocrate de New Jersey, Bob Torricelli, a demandé au département d'Etat de délivrer des visas humanitaires aux quatre Cubains qui n’ont pu atteindre la côte et qui sont maintenant détenus sur un garde-côte.
« Le législateur républicain Lincoln Díaz-Balart a adressé une lettre au président Bill Clinton pour manifester son indignation devant l'attitude des garde-côtes, ce mardi.
« Un porte-parole de la Maison-Blanche a précisé ce même jour que Clinton avait été informé de ce qui s'était passé devant les côtes de la Floride.
« Tout semble indiquer qu'il s'agit là du résultat d'un trafic de sans-papiers, des Cubains illégaux qui ont payé des milliers de dollars pour être transportés près des côtes, a affirmé un porte-parole de la Maison-Blanche qui a préféré garder l'anonymat. »
Les attaques contre les accords migratoires ont commencé aussitôt. Le 30 juin, El Nuevo Herald écrivait dans un éditorial :
« Les images du spectacles des garde-côtes harcelant et arrêtant six réfugiés cubains qui tentaient de nager jusqu'à la côte de la Floride en disent plus sur la politique migratoire entre Cuba et les Etats-Unis que des centaines de mots. »
L'agence Reuters écrivait le 1er juillet de Miami :
« Le législateur Lincoln Díaz-Balart a aussi exhorté le gouvernement nord-américain à suspendre un accord migratoire en vertu duquel les émigrants cubains interceptés en haute mer sont généralement rapatriés à Cuba, tandis que ceux qui parviennent aux côtes ont le droit de rester dans le pays et de demander l'asile politique.
« Díaz-Balart a aussi invité instamment Washington à lancer ‘un programme d'aide sérieux et vigoureux’ aux Cubains qui lutent pour renverser le gouvernement du président Fidel Castro.
Selon lui, «la crise cubaine et l'oppression tragique du peuple cubain ne sauraient être traitées plus longtemps comme une simple question migratoire. Il faut y faire face dans toute son ampleur.»
L'agence mexicain Notimex affirmait le 1er juillet, sous le titre : «Il existe des doutes sur la façon dont les balseros sont arrivés en Floride» :
« Cédant aux pressions de groupes d'exilés, les Etats-Unis ont libéré les six balseros cubains, tandis que différentes versions circulent sur la façon dont ils sont arrivés jusqu'aux côtes et mettent en doute qu'ils aient traversé à bord de leur barque.
« Des enquêteurs sont convaincus, compte tenu des contradictions de leur récit, que les six Cubains ont été transportés jusqu'aux côtes de la Floride.
« S'ils avaient passé, comme ils l'affirment, six jours en mer, ils auraient été déshydratés et n'auraient pas eu la force de se lancer à l'eau et de nager», constate le porte-parole des garde-côtes, Dan Geohegan.
« Leurs lèvres auraient été totalement crevassées, ce qui n'est pas le cas», affirme pour sa part Jim Orgeck, un agent des garde-côtes qui a interviewé les illégaux.
La CNN informait depuis Miami, le 1er juillet, sous le titre : «Les Cubains arrêtés en Floride ont été introduits par des passeurs» :
« La patrouille frontalière des Etats-Unis a informé ce mercredi-ci qu'elle estimait que les six Cubains arrêtés quand ils tentaient de débarquer au sud de la Floride avaient été introduits dans le pays dans le cadre d'une opération de contrebande d'illégaux.
« Keith Roberts, chef de la patrouille à Miami, a indiqué que les déclarations des Cubains arrêtés mardi contenaient plusieurs invraisemblances. Il a surtout insisté sur le fait qu'ils ne semblaient pas avoir été exposés au soleil ni s'être déshydratés, comme c'est le cas pour la plupart des balseros cubains.
« Leurs mains ne présentaient pas non plus les traces que laisse le fait d'avoir ramé entre Cuba et la Floride. Les autorités soutiennent que, même si l'arrivée des Cubains à bord d'une petite barque avait causé une forte impression à la télévision locale, l'opération a été orchestrée par des passeurs d'illégaux.
« [...] Le département d'Etat leur a concédé à tous les six le droit d'asile. »
On a vraiment du mal à croire que des gens partis sur une barque de Caibarien, au centre de Cuba, soient arrivés en ramant à Miami Beach, situé à 400 kilomètres en ligne droite, juste en face d'une rue et d'une avenue de la ville, et en plus frais comme une rose !
El Nuevo Herald écrivait le 1er juillet :
« Le maire de Hialeah, Raúl Martínez, a participé à une rixe survenue dans la nuit du mercredi sur l'autoroute Palmetto 826, dont le bilan a été une blessure à la tête du chef de la police et l'arrestation de sept personnes.
« La télévision locale a montré le maire en manches de chemise en train de courir sur l'autoroute et se retournant pour se battre à coups de poing avec quelqu'un de plus petit et de plus maigre, tandis que des policiers et d'autres personnes tentaient de les séparer.
« Tout est arrivé vers deux heures du matin quand une protestation en faveur des balseros cubains harcelés par les garde-côtes mardi dernier s'est transformée en une bataille rangée. »
« Le maire a déclaré avoir été agressé : ‘Je ne permets à personne de me donner un coup de poing comme si de rien n'était, et je ne tends pas la joue gauche. Je respecterai toujours le droit des habitants de Hialeah de protester, mais je ne permettrai pas que des vandales s'emparent de nos rues’.
« Quelques minutes plus tard, le chef de la police de la commune, Rolando Bolaños, a reçu une pierre à la tête et a dû être conduit à un hôpital pour y recevoir six points de suture. Bolaños a déclaré au Nuevo Heraldo que les incidents étaient le fait ‘de voyous’. »
Selon une dépêche de l'agence EFE du 2 juillet, « quarante organisations de l'exil cubain ont demandé aujourd'hui la dérogation des accords migratoires souscrits entre La Havane et Washington, sous prétexte que le traitement infligé à six balseros cubains qui avaient nagé cinq cents mètres pour atteindre la côte de Miami Beach en était une conséquence. »
« Installées pour la plupart à Miami, elles ont signalé dans une communiqué que ‘es faits survenus sont une conséquence directe du pacte migratoires signé en 1995’.
« Elles demandent aussi la révision immédiate de ‘la politique de rapprochement avec Cuba, pour empêcher que Castro et son régime continuent de se perpétuer au pouvoir’ et une aide accrue à l'opposition interne à Cuba. »
Une dépêche de l'AFP du 3 juillet indique :
« Des centaines de Cubano-Américains ont manifesté ce samedi-ci pour réclamer la dérogation de l'accord migratoire signé entre Washington et La Havane.
« Le maire de Miami, Joe Carollo, s'est solidarisé avec les manifestants dans le quartier de la Petite Havane.
« Compte tenu des élections présidentielles de 2000, aucun des deux partis des Etats-Unis ne veut se mettre à dos les Cubano-Américains dont les voix pourraient influer sur la victoire dans l'Etat de la Floride, voire, hypothétiquement, à la Maison-Blanche elle-même. »
Ce même 3 juillet, El Nuevo Heraldi écrit entre autres :
« La politique traditionnelle des Services d'immigration et de naturalisation est de rapatrier les Cubains qui ‘sont encore mouillés’ et n'ont pas atteint la terre ferme. Selon Kelly Spellman, porte-parole de ces Services à Miami, l'office local ‘n'a rien eu à voir’ avec la décision d'accepter ces Cubains aux Etats-Unis : ‘C'est quelque chose qui est venu de tout en haut, directement de Washington’.»
Une dépêche d'EFE informe le 6 juillet :
« Les autorités de Washington analysent la proposition de Cuba de rapatrier aux USA vingt-six Nord-Américains arrêtés dans l'île comme suspects d'avoir fait de la contrebande d'émigrants, selon une information donnée aujourd'hui par le département d'Etat.
« Nous n'avons pas encore donné une réponse formelle au gouvernement cubain, mais nous lui avons assuré de notre engagement de combattre la contrebande d'immigrants», a déclaré James Foley, porte-parole adjoint du département d'Etat.
« [...] Plus de 1 200 immigrants cubains sont arrivés aux côtes de la Floride durant le premier semestre de l'année, transportés pour la plupart par des bandes de passeurs qui opèrent dans cet Etat et qui se font payer jusqu'à dix mille dollars le voyage, selon la patrouille frontalière. »
L'agence EFE affirme le 6 juillet depuis Miami :
« L'arrestation à Cuba de deux contrebandiers d'immigrants opérant depuis Miami confirme les soupçons des autorités locales quant à l'essor d'un trafic illégal de Cubains.
« Selon le porte-parole de la patrouille frontalière, Daniel Geoghegan, ‘80 p. 100 des Cubains qui arrivent aux côtes de la Floride ont été transportés par des contrebandiers’. »
Le lendemain, l'agence mexicaine Notimex informe de Washington :
« Le gouvernement nord-américain a admis aujourd'hui que le trafic de Cubains sans-papiers a augmenté, mais a nié que cela puisse constituer une nouvelle crise migratoire en provenance de Cuba.
« L'administration Clinton a dit être consciente que davantage d'organisations de Nord-Américains se consacrent au trafic de Cubains sans visas.
« Selon le département d'Etat, toujours plus de Cubains sans visas sont entrés ou ont tenté d'entrer aux Etats-Unis, ce qui indique que plus d'organisations se consacrent au trafic d'immigrants.
Selon le porte-parole du département d'Etat, «il n'existe aucun indice que le gouvernement cubain ait assoupli sa politique migratoire pour promouvoir la migration de sans-papiers, et nous espérons qu'il continuera d'appliquer les accords migratoires ».
Selon lui, «les Etats-Unis se sont engagés à promouvoir la migration légale et sûre et à appliquer l'accord bilatéral souscrit avec Cuba le 9 septembre 1994 et ratifié le 2 mai 1995».
Comme si tous ces malheurs ne suffisaient pas aux garde-côtes, dix jours après ce premier incident, une de leurs vedettes tente d'intercepter un bateau ayant à bord douze personnes, à cinquante kilomètres au nord de Miami. Le bateau refuse de répondre aux sommations, fait des manoeuvres, le garde-côte le heurte sur le travers, le bateau coule et une femme se noie.
Selon une dépêche d'AP du 10 juillet, le bateau cubain tentait de forcer le passage devant la proue du patrouilleur nord-américain, à seize kilomètres du petit port d'Hillsbrough, à cinquante-sept kilomètres au nord de Miami, et coule en six minutes après la collision. «L'incident survient à un moment de tension entre les exilés cubains de Miami et les Services de garde-côtes.»
Selon la CNN, «le corps d'une Cubaine disparue en mer depuis hier soir près des côtes de la Floride, a été retrouvé aujourd’hui. Le bateau où elle se trouvait a été heurté par un garde-côte et a coulé. Depuis l'incident du 29 juin, les faits et gestes des garde-côtes sont scrutés au peigne fin.»
Le 10 juillet, l'agence Reuters informe de Miami :
« Selon des informations fournies samedi par les autorités, les émigrants cubains dont le bateau a été heurté par un garde-côte des Etats-Unis avaient menacé le personnel d'une machette avant l'incident à la suite duquel le bateau a coulé et une femme s'est noyée.
« Cette mort a soulevé la colère de la forte communauté cubaine de Miami, déjà furieuse après un incident survenu le mois dernier, alors que les garde-côtes nord-américains s'efforcent d'éviter l'immigration illégale de Cubains. »
Une dépêche du 12 juillet de l'agence EFE informe :
« A la suite de la collision entre un bateau transportant douze balseros cubains et un garde-côte nord-américain, qui a causé la mort d'une femme, l'exil réclame de nouveau que les Etats-Unis révisent les accords migratoires avec Cuba.
« L'influente Fondation nationale cubano-américaine a de nouveau condamné aujourd'hui les accords migratoires souscrits entre Washington et La Havane en 1994 et 1995 qui ‘obligent injustement’ à rapatrier les Cubains qui sont interceptés en mer, même à quelques mètres du rivage.
« Nous demandons aux Etats-Unis de résilier ces accords migratoires qui n'auraient jamais dû être signés», a déclaré la porte-parole de l'organisation anticastriste, Mariela Ferretti.
Toujours le 12 juillet, l'agence EFE écrit :
« Radio Caracol a informé ce lundi-ci qu'un groupe de quatorze émigrants cubains sans-papiers tentaient d'échapper aux garde-côtes nord-américains face aux côtes de Miami et menaçaient de s'immoler par le feu si on les empêchait d'y arriver.
« Les services côtiers ont confirmé qu'un bateau transportant de dix à quatorze passagers a refusé de changer de cap à une quarantaine de kilomètres à l'est du caye Biscayne, situé face à Miami.
« Aux termes de l'accord bilatéral en vigueur depuis 1995, les garde-côtes sont obligés de recueillir les Cubains sans-papiers en haute mer et de les rapatrier. Mais, à la différence d'autres émigrants comme les Haïtiens et autres, les Cubains qui parviennent à atteindre la côte peuvent normaliser leur situation migratoire et ont le droit de recevoir aussitôt un permis de travail.
« Il s'agit là, apparemment, d'une contradiction politique qui, selon certains observateurs, stimule l'émigration illégale depuis Cuba.
« Le législateur républicain Lincoln Díaz-Balart a demandé la suppression de l'accord migratoire, et la Fondation nationale cubano-américaine fait des démarches dans ce sens auprès d'autres législateurs. »
Comment les Etats-Unis pourront-ils intercepter des vedettes rapides ? Comment pourront-ils éviter un accident, même dans le cas de bateaux normaux qui refusent d'obéir à leurs ordres ? Comment pourront-ils faire respecter leurs lois contradictoires et éviter que le pays ne devienne vraiment impossible à gouverner ? Ils n'auront pas d'autre choix que d'abolir cette loi d'Ajustement insolite qui enlève toute autorité aux garde-côtes. Ils sont à la merci de tous les trucs qu'inventera la Fondation et du chantage permanent. Cuba, grâce à la capacité d'organisation de son peuple, peut réduire au minimum les départs illégaux, mais la tâche est bien plus difficile compte tenu du puissant stimulant que représentent les privilèges concédés aux violateurs potentiels des lois.
Il existe aussi dans notre pays, encore que pas autant qu'aux Etats-Unis, des milliers de bateaux privés, de sports ou de loisirs. Il serait absolument impossible de garantir qu'aucun d'eux ne parte d'un point quelconque des 5 746 kilomètres de côtes de notre île, et, au train où vont les choses, les Etats-Unis finiront pas n'avoir plus la moindre possibilité d'en intercepter aucun.
Les autorités elles-mêmes ont précisé publiquement que les passeurs d'immigrants avaient lancé le mot d'ordre de désobéir aux sommations.
Pis encore, les garde-côtes ont un mal fou à faire face au problème le plus grave : le nombre croissant de contrebandiers, qui peuvent recueillir leur cargaison humaine à un point quelconque de la côte concerté au préalable à travers l'un ou l'autre des presque cent mille visiteurs d'origine cubaine qui se rendent tous les ans des Etats-Unis à Cuba.
Devrons-nous interdire totalement ces visites ? Devrons-nous couper les communications et d'autres formes de concertation pour renforcer pourtant la coopération avec un gouvernement qui, en maintenant une disposition légale injustifiable et insoutenable, est incapable de faire respecter ses propres lois et d'échapper au chantage d'une bande de traîtres insolents qui ne constituent même pas la majorité des résidents d'origine cubaine aux Etats-Unis ? Pourquoi ne pense-t-il pas aux millions de retraités nord-américains qui cherchent la paix et la tranquillité en Floride, ou aux millions de résidents latino-américains et caribéens qui ne jouissent pas des mêmes privilèges constamment octroyés à ceux qui partent illégalement de Cuba sans visa ni document ?
Pourquoi ne pense-t-il pas non plus que, de même que la plupart des Nord-Américains, une large majorité de résidents d'origine cubaine s'opposent à un blocus génocide et immoral contre leur pays de naissance et leurs proches ?
Le gouvernement nord-américain devrait savoir que toujours plus de ces résidents souhaitent bénéficier de communications et de voyages normaux entre les Etats-Unis et Cuba, et vice-versa, ainsi que d'une émigration légale, sûre et sans risque.
Qui viole vraiment les droits de l'homme ? Qui met en danger de nombreuses vies par ces voyages illégaux ? Qui souhaite acculer à la reddition par la faim les millions de Cubains qui ne se plieront jamais et ne se vendront jamais ? Jusqu'à quand les Etats-Unis pourront-ils continuer de supporter cette absurdité ? Si ce sont les voix et seulement les voix qui intéressent les dirigeants nord-américains, il est temps qu'ils se rendent compte que leur politique finira par leur en coûter beaucoup.
Le 13 juillet, une dépêche d'EFE informe ce qui suit :
« Trois législateurs d'origine cubaine, deux républicains et un démocrate, ont formulé des accusations parce qu'ils estiment que les gouvernements de Washington et de La Havane stimulent le départ de Cubains aux Etats-Unis au bénéfice économique de Castro.
« Ileana Ros-Lehtinen et Lincoln Díaz-Balart, républicains de la Floride, et Robert Menéndez, démocrate de New Jersey, ont exprimé aujourd'hui leur contrariété devant ‘toutes les décisions que prend l'administration Clinton en faveur du gouvernement cubain’.
« Les trois représentants ont répondu à la presse à la sortie d'une réunion avec des représentants des départements d'Etat et de la Justice et des services des garde-côtes qui a porté sur les derniers incidents survenus avec des balseros cubains dans les eaux de la Floride. »
Toujours le 13 juillet, l'AFP écrit :
« Jorge Mas Santos, un important dirigeant de la Fondation nationale cubano-américaine, demandera au président Clinton, quand celui-ci viendra à Miami, de faire en sorte que les Etats-Unis cessent de rapatrier les sans-papiers cubains recueillis en haute mer.
« Interviewée par notre agence, Mas Santos, vice-président du Conseil d'administration de la Fondation, a affirmé : ‘Nous voulons la fin des rapatriements et nous demandons que les sans-papiers soient conduits à la base aéro-navale nord-américaine de Guantánamo jusqu'à ce que la question cubaine et le thème de Fidel Castro soient réglés’.
« Qui plus est, la Fondation nationale cubano-américaine plaide pour que les Cubains arrivant dans les eaux de la Floride jouissent des mêmes droits à l'émigration et à l'asile politique que ceux qui parviennent à la terre ferme.
« Selon le porte-parole de la Fondation, Fernando Rojas, en cas d'un afflux massif d'émigrants cubains comme celui survenu en 1994 quand 30 000 étaient arrivés sur des embarcations de fortune, la Fondation réclamerait que les Etats-Unis instaurent un blocus naval de Cuba pour éviter des tragédies en haute mer, bien que les émigrants soient de son point de vue des réfugiés politiques.
« Dans l'après-midi, Clinton collectera des fonds pour son parti démocrate lors d'un dîner fastueux qui réunira une soixantaine de personnes chez le magnat cubano-nord-américain du sucre, Alfonso Fanjul.
« Mas Santos, qui assistera au dîner, a affirmé que Fanjul l'avait justement invité parce qu'il voulait aborder le thème de l'immigration avec le président.
« Je dirai au président, ce soir, qu'il doit être prêt à réagir fortement et à dire au régime castriste qu'il ne peut décider de la politique migratoire des Etats-Unis», a-t-il signalé.
« Je lui dirai aussi que tant qu'on n'éliminera pas le fauteur de ce problème, autrement dit Fidel Castro, celui-ci ne se réglera pas. Je crois que notre politique globale doit être d'ôter Fidel Castro du pouvoir », a ajouté Mas Santos.
La maffia ne peut dissimuler ses visées répugnantes et diaboliques, car tout ce qu'elle souhaite, propose et fait tend justement à déclencher une crise migratoire.
Le dîner fastueux s'est effectivement déroulé le 13 juillet chez le magnat du sucre Alfonso Fanjul. Le fiston de Jorge Mas Canosa, qui avait accédé quelques semaines avant au trône de la Fondation, a payé 25 000 dollars son couvert, de même que cinquante-neuf autres convives, ce qui a permis de collecter un million de dollars et demi pour la campagne présidentielle d'Albert Gore.
Les Fanjul sont deux frères cubano-américains d'une famille très riche et de vieille souche, propriétaire de grands latifundios, de sucreries et d'affaires sucrières dans plusieurs pays. Leur fortune dépasse actuellement un milliard de dollars. Un frère collecte des fonds pour le parti démocrate et l'autre pour le parti républicain. Tous deux sont très associés aux meneurs de la Fondation, dont le président antérieur avait avec eux des liens commerciaux et politiques importants. Ils rêvent tous deux de récupérer leurs énormes richesses à Cuba.
El Nuevo Herald publie ce qui suit le 13 juillet :
« Mettant fin aux doutes de centaines de réfugiés dans tout le pays, les Services d'immigration et de naturalisation ont ratifié ce lundi que tous les Cubains arrivant illégalement aux Etats-Unis bénéficient de la loi d'Ajustement cubain.
« Notre politique sur ce point est claire et constante», a précisé Dan Kane, leur porte-parole à Washington. «Tous les Cubains qui parviennent à la terre ferme ont le droit de bénéficier de la loi d'Ajustement cubain après avoir été interrogés dans un centre départemental d'immigration.»
Ce même journal écrit ce même jour :
Le maire de Miami, Alex Penelas, qui estime possible que l'afflux accru de Cubains sans-papiers soit le préavis d'un exode massif, a décrété une alerte générale dans toutes les institutions du comté.
« Nous sommes au niveau d'alerte maximum devant la possibilité d'un exode massif de réfugiés», a-t-il affirmé.
Sous le titre : «L'exil cubain tente de déroger l'accord migratoire avec Cuba», El Diario de las Américas écrit le 14 juillet :
« Après avoir remporté la bataille avec Washington quant au sort de six balseros, l'exil cubain se prépare à en livrer une autre qui vise à annuler ou à modifier l'accord migratoire avec Cuba, en vue d'éviter le rapatriement de ceux qui sont interceptés en mer.
« L'accord signé en 1995 a été mis à mal la semaine dernière quand le gouvernement nord-américain, cédant aux pressions et aux protestations de l'exil cubain, a permis l'entrée dans le pays de quatre balseros cubains interceptés à quelques mètres de Miami Beach.
« [...] Le gouvernement cubain n'a pas encore réagi à cette violation de l'accord, et des rumeurs circulent avec insistance à Miami selon lesquelles La Havane pourrait permettre en représailles un nouvel exode de balseros comme celui qui était survenu en 1994, quand plus de 30 000 Cubains étaient arrivés aux côtes de la Floride.
« L'accord avait été signé justement pour empêcher une autre crise de balseros. Depuis, presque 3 000 Cubains interceptés en mer sans avoir eu la chance d'arriver au territoire des Etats-Unis ont été rapatriés.
« [...] Washington avait aussi accédé à délivrer de nouveau jusqu'à 20 000 visas.
« L'accord migratoire a commencé à naufrager mardi dernier par suite d'un cas inédit dans l'histoire des balseros arrivant aux côtes de la Floride sur des embarcations de fortune : les chaînes de télévision ont transmis en direct l'odyssée de six d'entre eux.
« [...] Le législateur cubano-américain Lincoln Díaz-Balart a demandé à une séance plénière du Congrès l'abolition de ce ‘pacte infâme’, autrement dit l'accord migratoire, et a accusé l'administration Clinton d'être ‘le chien de garde du régime cubain’. »
El Nuevo Heraldo, retournant le couteau dans la plaie, publie le 15 juillet un nouvel article intitulé «La politique d'immigration inquiète Clinton» :
« Avant de rentrer à Washington après sa visite d'un jour au sud de la Floride, le président Bill Clinton a fait, mardi, une grande promesse : réviser la politique d'immigration des Etats-Unis envers Cuba.
« Selon certaines des personnalités locales qui ont eu l'occasion de rencontrer le président, celui-ci est reparti ‘conscient de la façon de penser de l'exil cubain’ et ayant affirmé ‘qu'il fallait réviser les accords entre Cuba et les USA’.
« Nous devons examiner si notre politique actuelle est viable, compte tenu des problèmes auxquels nous sommes confrontés», a-t-il déclaré au cours d'un dîner au profit du parti démocrate. »
Jorge Mas Santos, vice-président de la Fondation nationale cubano-américaine et l'un de ceux qui a parlé à Clinton, a dit qu'il avait fait savoir au président qu'«il n'était pas juste que les Cubains interceptés en mer soient rapatriés à Cuba».
« Il a promis de faire tout son possible pour réviser les accords migratoires souscrits avec Cuba et pour éviter plus de morts en haute mer», a insisté Mas Santos à El Nuevo Herald.
« Le dirigeant cubano-américain a ajouté que Clinton lui avait dit ‘se sentir frustré’ de n'avoir pas pu déplacer Fidel Castro du pouvoir.
« Le Département d'Etat a affirmé ce mercredi-ci n'avoir pas reçu d'ordres ou d'instructions de Clinton de réviser ou de modifier la politique des Etats-Unis envers Cuba.
« [...] Les Etats-Unis se sont engagés à délivrer environ 20 000 visas par an à des Cubains, justement pour décourager les sans-papiers de se lancer dans la dangereuse traversée du détroit de la Floride», a déclaré James Rubin, porte-parole du département d'Etat.
Il est difficile de croire que le président des Etats-Unis, quelqu'un à qui on reconnaît intelligence et culture, ait pu soutenir ce genre de dialogue - rapporté par le journaliste Fernando Almánzar, d'El Nuevo Herald - qui le situe dans une position presque servile face au prince héritier d'une maffia terroriste, quelqu'un de superficiel, de naïf, d'ignorant et de fat, qui, à en juger par ce qu'il dit, n'a pas la moindre connaissance politique et qui, aurait-il beau posséder la juteuse fortune héritée de son père, n'a absolument rien dans le crâne. Je préfère croire qu'il s'agit-là d'inventions, de distorsions, d'affabulations toutes droit sorties de la vanité d'un individu irresponsable, ignare, indiscret et immature.
Un autre organe au service de la maffia, El Diario de las Américas, écrit :
« Trois législateurs d'origine cubaine, deux républicains et un démocrate, ont accusé le gouvernement des Etats-Unis de couvrir le trafic d'êtres humains à partir de Cuba, le trafic de drogue, le blanchiment d'argent et une série d'affaires illicites. »
Ileana Ros-Lehtinen et Lincoln Díaz-Balart, républicains de la Floride, et Robert Menéndez, démocrate de New Jersey, -trois personnages bien connus et soutenus financièrement par la Fondation cubano-américaines- ont formulé ces insolites et très graves accusations contre l’administration Clinton qui serait en complicité avec le gouvernement de Cuba en matière de trafic de drogue, blachiment d’argent, trafic d’émigrants et d’autres affaires illicites.
Notimex fournit une nouvelle plus sensée et plus sérieuse depuis Washington, le 15 juillet, soit deux jours après le fameux dîner :
« Les Etats-Unis ont annoncé aujourd'hui la constitution d'un groupe spécial chargé de combattre la contrebande humaine depuis Cuba [il aurait dû dire : depuis les Etats-Unis], qui a triplé en un an et qui aggravé les risques que courent ceux qui veulent arriver en Floride.
« Ces efforts seront conduits par les Services d'immigration et de naturalisation, mais incluront aussi le FBI, les Services de garde-côtes, l'antenne du ministère de la Justice à Miami et le gouvernement de l'Etat de la Floride.
« Daniel Kane, porte-parole des Services d'immigration et de naturalisation, a expliqué que les groupes organisés se font payer actuellement de 8 000 à 10 000 dollars pour transporter un Caribéen, par des méthodes risquées, aux Etats-Unis.
« Il a souligné que 615 Cubains en contrebande avaient été interceptés pendant l'exercice budgétaire 1997-1998, mais que ce chiffre avait triplé à 1 700 pendant l'exercice budgétaire 1998-1999 qui prend fin le 30 septembre prochain.
« Selon Kane, le groupe tentera d'identifier et de juger les responsables de l'exploitation des insulaires, ‘car il s'agit de signifier clairement les dangers de ce genre de transport illégal’.
« Le porte-parole a indiqué que les passeurs utilisent des vedettes rapides surchargées. ‘40 Haïtiens et 9 Cubains transportés de cette manière sont morts récemment’.
« Il a mis en garde que ce genre de délits était passible de jusqu'à dix années de réclusion et il a invité les Cubains de la Floride, qui paient normalement pour le transport, à ne pas exposer la vie de leurs proches.
Selon lui, «les Etats-Unis délivrent 20 000 visas aux Cubains, qui disposent de nombreuses possibilités légales pour se rendre en Floride».
« Kane a souligné que les trafiquants conseillaient aussi aux personnes transportées de menacer, au cas où elles seraient interceptées par les garde-côtes nord-américains, de s'immoler par le feu si on ne les laissait pas arriver à terre. »
L'agence EFE informe de Washington le 16 juillet :
« Les Services d'immigration et de naturalisation des Etats-Unis ont mis en garde aujourd'hui les trafiquants de Cubains sans-papiers qu'ils s'exposaient à de lourdes peines s'ils poursuivaient ce négoce criminel.
« Le FBI et autres institutions du département d'Etat rappellent aux Cubains qui prétendent entrer dans le pays sans les documents d'immigration pertinents que la traversée entraîne de nombreux risques, et qu'ils peuvent les éviter en ayant la patience d'attendre que l'Office d'intérêts des USA à La Havane leur délivre le visa correspondant.
« Le porte-parole des Services d'immigration, Daniel Kane, a rappelé qu'aux termes des accords signés en 1995 entre Cuba et les Etats-Unis, ceux-ci délivraient tous les ans 20 000 visas auxquels les Cubains le souhaitant pouvaient aspirer.
Selon lui, «les trafiquants d'êtres humains se fichent pas mal de mettre en danger la vie de ces personnes, pourvu qu'ils fassent des profits. »
Plus récemment, le 19 juillet, l'AFP informe depuis Miami :
« Jeb Bush, gouverneur de la Floride, a pressé ce lundi le président Bill Clinton de répondre à l'accroissement du trafic d'émigrants sans-papiers - des Cubains, pour la plupart - en dépêchant davantage de membres de la patrouille frontalière dans cet Etat du Sud.
« Bush avait demandé en mars à Janet Reno, ministre de la Justice, de renforcer d'urgence les activités des autorités fédérales en vue de freiner l'immigration illégale vers les côtes de l'Etat, mais n'a toujours pas obtenu de réponse.
« Nous avons de nouveau fait part de nos inquiétudes au gouvernement fédéral», a-t-il précisé.
« Le président Clinton doit s'en mêler», a signalé Bush. «Nous avons besoin de renforcer les effectifs de la patrouille frontalière et de disposer de plus de ressources fédérales pour faire face à la contrebande d'immigrants.»
« Il faut juger les contrebandiers, et le gouvernement de la Floride est prêt à collaborer avec le gouvernement fédéral pour qu'il s'acquitte de ses responsabilités», a-t-il ajouté.
Il saute aux yeux que les politiques nord-américains, d'un parti ou de l'autre, ne partagent pas tous les idées hallucinantes de la maffia cubano-américaine en ce qui concerne l'émigration illégale de Cubains aux Etats-Unis.
Qu'est-ce que la Fondation nationale cubano-américaine ?
Une institution de l'impérialisme, partisane du blocus économique le plus rigoureux contre Cuba, promotrice des lois Torricelli et Helms-Burton, de dizaines d'amendements au Congrès tous braqués contre notre patrie, ennemie jurée et violente des accords migratoires signés en 1994 et en 1995 et de la moindre coopération entre les Etats-Unis et Cuba dans la lutte contre le trafic de drogue international, organisatrice impunie d'attentats contre ma personne et inspiratrice des actions terroristes contre les hôtels de notre pays en vue de ruiner ce qui est devenue aujourd'hui l'une des branches les plus prospères et l'une des principales sources de devises, le tourisme, qui engendre des emplois et stimule de nombreuses productions industrielles et agricoles lui fournissant des biens et des services.
La Fondation a été créée en juillet 1981 et enregistrée cyniquement comme une organisation à but non lucratif, philanthropique et éducatif, dont les objectifs sont, entre autres, la recherche, la publication et les activités de nature éducative et humanitaire.
C'est d'un livre en préparation sur les quarante années de crimes contre Cuba et d'autres documents élaborés par des sources bien informées que j'ai tiré des données intéressantes sur les origines de cette institution.
Dans les années 70, les idéologues de l'extrême-droite nord-américaine qui se renforçait depuis la décennie précédente, étaient convenus de la nécessité de restructurer le rôle hégémonique des Etats-Unis dans le monde, et avaient mis au point la plate-forme politique que devrait suivre la future administration de Ronald Reagan. C'est ce laboratoire d'idées impériales qui avait mis au point en 1979 le Programme dit de Santa Fe, qui décrivait comment devait agir la nouvelle administration républicaine dans le continent.
Cuba faisait partie, aux côtés du Brésil et du Mexique, des pays de la région auxquels les Etats-Unis devaient concéder la priorité. Notre pays était considéré comme l'adversaire le plus important de la puissance du Nord sur le continent. «Cuba a été un problème pour les décideurs politiques nord-américains pendant plus de deux décennies», affirmait l'extrême-droite. Et de poursuivre : «La solution du problème n'est pas plus proche aujourd'hui qu'en 1961; au contraire, ce problème a pris des dimensions véritablement dangereuses.»
Parlant de Cuba, le Document de Santa Fe signalait : «Les Etats-Unis ne peuvent restaurer leur crédibilité qu'en agissant sans retard.» Et ses auteurs proposaient par conséquent des actions «carrément punitives», telle la mise en marche d'une offensive politique et idéologique qui comprenait des émissions de radio «sous le parrainage ouvert des Etats-Unis», la promotion de la subversion interne, voire l'intervention armée, une option encore non écartée.
Pour ces idéologues de l'extrême-droite nord-américaine, il ne s'agissait pas seulement de modifier la politique cubaine et de l'engager jusqu'où il faudrait pour «régler le problème cubain», mais encore de trouver la manière idéale de justifier le nouveau cap que prendrait la future administration, de sorte que celle-ci n'agisse pas directement, mais «réponde» à des demandes de l'émigration cubaine aux Etats-Unis qui serait donc chargée de «réclamer» le changement et des mesures concrètes.
À peine installée à la Maison-Blanche en janvier 1981, l'administration Reagan faisait siennes les recommandations du Programme de Santa Fe.
Le chercheur nord-américain Gaetón Fonzi raconte dans la revue Esquire que c'est le vieil officier de la CIA, Robert Allen, alors conseiller de sécurité nationale du président Reagan, qui proposa l'idée de regrouper les exilés cubains dans «un étau effectif [selon sa propre expression] pour favoriser la politique extérieure agressive du président» Reagan. «Je leur ai expliqué [à Reagan et à son équipe] que la meilleure chose qu'ils pouvaient faire, c'était de créer une organisation qui parlerait d'une seule voix ou semblerait le faire», a reconnu Richard Allen interrogé par la publication National Journal. «Je suis très content qu'ils aient suivi mes conseils.»
Le premier pas dans la direction de cette voix apparemment unique, c'est Roger Fontaine, alors membre du Comité de Santa Fe et l'un des idéologues de la future administration Reagan, et plus tard responsable de la politique latino-américaine au sein du Conseil de sécurité nationale, qui l'avait donné en 1980, quand il avait affirmé publiquement «la possibilité de créer un lobby cubain devant le Congrès nord-américain, pour justifier l'application d'une politique plus agressive contre Cuba». La mission avait été définie par Allen et par Fontaine : mettre en place à Washington un lobby ou groupe de pression qui, passant par une entité d'origine cubaine, proposerait au Congrès et au gouvernement les mesures anticubaines déjà planifiées par les décideurs politiques de la nouvelle administration.
Comme, à Washington et, en général, aux Etats-Unis, les Cubains émigrés étaient associés au terrorisme, aux opérations sordides de la CIA et à la violence, il fallait créer un nouveau type d'organisation qui garantirait d'une part la subordination totale à cette ligne politique et, de l'autre, une image rénovée et potable pour la société nord-américaine.
L'ordre de créer la Fondation nationale cubano-américaine visait avant tout à modifier l'image de marque de l'émigration cubaine. Le plus révélateur de ce projet cynique est que la plupart des directeurs maintenant millionnaires de la Fondation avaient été choisis parmi les vieux hommes d'action de la Central Intelligence Agency. Ils devaient maintenant consacrer leur temps et leur énergie à un nouveau travail de nature politique : visites à Washington, lobbying intense auprès de législateurs et de figures de l'administration, contributions aux campagnes électorales et à d'autres activités politiques, le tout accompagné par la plus grosse couverture de presse possible.
L'apparition de la Fondation dans les années 80 n'a pas signifié la disparition des activités terroristes contre Cuba, mais elle a en tout cas représenté une nouvelle modalité d'agression de la part des Etats-Unis, car elle a servi durant les administrations républicaines de Reagan et de Bush d'appendice de la politique extérieure des Etats-Unis et de mécanisme de pression dans le pays même pour imposer cette politique.
Selon le chercheur susmentionné, la Fondation a reçu à ces fins pendant ces deux administrations plus de 200 millions de dollars provenant du gouvernement.
Maintes analyses tombent d'accord sur le fait que la conception de la CIA et du Conseil de sécurité nationale a été efficacement appliquée. La Fondation s'est intégrée d'une façon organique au système politique nord-américain, son influence a atteint les deux partis, non seulement les secteurs politiques électoraux, mais encore la bureaucratie gouvernementale à différents niveaux.
La Fondation a été poussée dès le départ à s'insérer pleinement dans le système de lobbies caractéristique des Etats-Unis, et ce par le biais des commissions d'action politique, qui permettent de financer les campagnes électorales et servent à canaliser leurs «intérêts spéciaux» parmi les sénateurs et les représentants nord-américains, ainsi que lors des campagnes présidentielles.
La Fondation a apporté de grosses sommes d'argent à ces campagnes. Plusieurs dizaines de représentants et de sénateurs des deux partis, de 1982 à nos jours, ont bénéficié à chaque législature de ses contributions économiques et ont subordonné les intérêts nationaux des Etats-Unis à ces «intérêts spéciaux»-là. Selon les rapports de la Commission électorale fédérale, près de soixante législateurs ont été dans ce cas en une seule année à certaines étapes. En 1997-1998, 52 p. 100 des contributions de la Fondation ont été alloués au parti démocrate, et le reste au parti républicain.
Mais la Fondation mène aussi un autre genre de lobbying : l'intimidation. On connaît à Washington le cas de plusieurs législateurs qui, parce qu'ils ont refusé cet argent ou n'ont pas soutenu les propositions politiques de la Fondation, ont vu comment celle-ci soutenait leurs rivaux par de grandes sommes d'argent liquide, les soumettait à diverses pressions dans leurs circonscriptions électorales ou leurs Etats et à d'autres formes subtiles de chantages ou de menaces.
Les dons habituels autorisés dans le cadre des campagnes électorales peuvent provenir soit d'institutions soit d'individus. Il existe des tas de manières de le faire. Le dîner chez le magnat Fanjul, qui a permis de collecter, à raison de 25 000 dollars le couvert, 1,5 million de dollars, est une des nombreux formes apparemment honnêtes de le faire.
Selon des données obtenues sur Internet des registres de la commission électorale fédérale des Etats-Unis, la Fondation nationale cubano-américaine a, en tant qu'organisation, donné de janvier 1993 à mars 1998 un total de 105 521 dollars à Robert Menéndez; de 101 050 dollars à Robert Torricelli; de 62 797 dollars à Jesse Helms, de 43 057 dollars à Ileana Ros-Lehtinen; de 42 645 dollars à Lincoln Díaz-Balart et de 22 200 dollars à Dan Burton, tous bien connus dans notre pays pour leurs tristes exploits.
À titre d'individus, Mas Canosa et Jorge Mas Santos ont fait 142 dons, de 1991 à 1998, pour un montant de plus de 127 000 dollars, à un ensemble de législateurs où apparaissent Dan Burton, Robert Torricelli, Jesse Helms, et ceux d'origine cubaine, Ileana Ros-Lehtinen, Lincoln Díaz-Balart et Robert Menéndez.
Il s'agit là de contributions enregistrées officiellement, en conformité avec les normes qu'exigent les lois électorales nord-américaines. N'apparaissent absolument pas les grandes sommes fournies en espèces sans le moindre registre. On sait que des personnalités importantes ont reçu jusqu'à 80 000 dollars en une seule fois, ce qui viole les lois du pays. Tout se sait parce que tout se dit.
Il est curieux de constater qu'un des principaux promoteurs des contributions destinées à Robert Menéndez à New Jersey, Arnaldo Monzón Plasencia, selon le journal The Star Ledger du 8 novembre 1998, a été accusé de blanchiment d'argent en 1985 et a admis avoir fraudé le fisc pour cent mille dollars d'impôts, ce pour quoi il a été condamné par la justice nord-américaine. Arnaldo Monzón Plasencia a été, on s'en souviendra, un des principaux organisateurs des actions terroristes stimulées contre Cuba par Luis Posada Carriles depuis l'Amérique centrale et a appartenu par le passé aux organisations terroristes Alpha-66 et Oméga-7, cette dernière ayant été responsable en 1980 de l'assassinat d'un diplomate cubain accrédité aux Nations unies, entre autres actions violentes contre la Révolution.
La Fondation nationale cubano-américaine fournit en même temps des ressources financières et matérielles à des meneurs et membres actifs de groupuscules subversifs à Cuba, un soutien qui s'est accru à compter de 1998 en correspondance avec la politique des USA envers notre pays, des émigrés cubains voyageant à Cuba se chargeant d'apporter des financements aux meneurs contre-révolutionnaires et à leurs cellules.
La Fondation a soutenu à l'étranger des campagnes politiques de dirigeants corrompus qui, une fois au pouvoir, ont rétribué cette aide en faisant de larges concessions aux sociétés de la famille Mas Canosa, surtout dans le domaine des communications.
Les services qu'a prêtés la Fondation aux secteurs politiques conservateurs et d'extrême-droite des Etats-Unis en vue de mettre en oeuvre le Programme de Santa Fe ont été récompensés. Un seul chiffre éloquent suffit à le prouver : plus de cent cinquante projets de loi ou d'amendements à des lois ont été présentés au Congrès contre Cuba de 1981 à 1998.
La Fondation a aussi joué d'autres rôles. En 1985, des groupes de pouvoir nord-américains lui ont demandé d'exercer des pressions pour obtenir la dérogation de l'amendement Clark qui interdisait l'aide économique et militaire ou paramililtaire aux bandes de Savimbi en Angola. Une fois cet amendement aboli, Ronald Reagan autorisait la livraison de 30 millions de dollars de fonds secrets à l'UNITA.
La direction de la Fondation a toujours été composée en sa quasi-totalité par des individus ayant été liés d'une manière ou d'une autre à la tyrannie de Batista ou touchés significativement par les lois révolutionnaires. Ainsi, on peut citer de nos jours, après la mort de Mas Canosa, les cas suivants : Francisco José Hernández, qui a été encore tout récemment le président de la Fondation jusqu'à son remplacement par Jorge Mas Santos, est le fils du lieutenant-colonel Francisco Hernández Leyva, jugé en 1959 à Santa Clara pour crimes de guerre durant la dictature de Batista et condamné à la peine capitale; Roberto Martín Pérez, membre du Comité exécutif de la Fondation et chef de son groupe paramilitaire, est le fils d'un fameux sbire de Batista, Lutgardo Martín Pérez, qui a pu s'enfuir aux Etats-Unis; Ninoska Pérez Castellón, cadre et porte-parole de la Fondation, est la fille du lieutenant-colonel Francisco Pérez González, sous-chef de la sanguinaire section radio-motorisée de la police de Batista à La Havane, qui a aussi abandonné le pays en direction des Etats-Unis; Jorge Fowler, avocat de la Fondation, est le fils du latifundiaire du même nom, propriétaire de 25 460 hectares de terre à Cuba et de la sucrerie Narcisa.
Qui donc l'équipe de Reagan a-t-elle nommé à la présidence de l'organisation proposée dans le document de Santa Fe par l'extrême-droite nord-américaine ? Jorge Mas Canosa.
Et qui était Jorge Mas Canosa ? L'ami le plus intime, le compagnon d'armes de Luis Posada Carriles, ce monstrueux personnage qui, de concert avec Orlando Bosch, a assassiné lâchement et de sang-froid 73 passagers innocents d'un avion de Cubana détruit en plein vol quelques minutes après avoir décollé de la Barbade, le 6 octobre 1976. Qui a dirigé de nombreux actes terroristes et de nombreux crimes, ou y a participé, causant la mort de compagnons, certains de ces cas ayant été dramatiquement racontés durant le procès au cours duquel le peuple cubain a réclamé des dommages-intérêts au gouvernement nord-américain pour préjudices humains.
Un fameux article publié par The New York Times le 13 juillet 1998 contient des renseignements intéressants :
« Deux ans après que l'invasion de la baie des Cochons s'est conclue par une défaite ignominieuse sur les plages cubaines, deux jeunes exilés cubains, debout sous le soleil printanier de Fort Benning (Georgie), s'entraînaient côte à côte en vue d'un prochain départ pour La Havane.
« C'était 1963, une époque de complots fébriles contre le gouvernement castriste de la part des Etats-Unis. Les deux hommes faisaient partie des exilés qui avaient survécu à la maladroite opération lancée pour renverser le dirigeant cubain et ils s'étaient engagés dans l'armée nord-américaine, dans l'espoir que le président Kennedy organiserait sous peu une autre attaque qui liquiderait le communisme sur le continent.
« Ces ordres n'arrivèrent jamais, et les deux hommes abandonnèrent vite l'armée pour entreprendre leur propre guerre de trois décennies contre Castro.
« Jorge Mas Canosa, le plus jeune des deux, apparut dans la lice comme le visage public du mouvement, un homme d'affaires accumulant les succès qui faisait la cour à des présidents et des politiques, collectait de l'argent et n'arrêtait de faire du lobbying auprès de la Maison-Blanche et du Congrès pour que ceux-ci renforcent leur hostilité envers Cuba. Quand il mourut de cancer en novembre de l'an dernier, après avoir nié pendant deux décennies le moindre rôle dans les opérations militaires que lançaient les exilés pour tenter de déstabiliser Cuba, il était devenu sans doute le facteur le plus influent dans la recrudescence de l'embargo économique et politique en tant que politique offcielle des Etats-Unis.
« Le plus âgé des deux, Luis Posada Carriles, ancien chimiste du sucre, devint dirigeant de l'aile militaire clandestine des exilés, tramant des plans d'assassinat de Castro et de poses de bombes dans des installations du gouvernement cubain. Tandis que Mas Canosa accumulait une fortune personnelle qui dépassait cent millions de dollars, Posada restait dans l'ombre, s'associant à des fonctionnaires des renseignements, à des opposants de Castro, voire, selon des documents rendus publics, à des gangsters notoires.
« Alors que sa carrière de membre le plus célèbre du commandement clandestin anticastriste touche à sa fin, Posada Carriles a accepté pour la première fois de raconter ses relations de trente-sept ans avec les dirigeants de l'exil aux Etats-Unis et avec les autorités nord-américaines. »
Il n'est pas besoin de beaucoup d'autres données pour tracer le profil du personnage qui présidait la Fondation. Agent actif de la CIA dans les mois qui avaient précédé l'invasion mercenaire de Playa Girón, il entrait, une fois celle-ci liquidée, dans l'armée des Etats-Unis aux côtés de Posada Carriles, en vue de participer à une invasion militaire qui n'aurait jamais pu vaincre la Révolution, mais qui aurait coûté des centaines de milliers de vies à notre peuple. Les plans d'invasion militaire que le gouvernement nord-américain avait mis au point dès les premiers mois de 1962 ayant été contrés par les mesures que Cuba avait adoptées en temps opportun et qui avaient donné lieu en octobre de cette année-là à la crise des Missiles pendant laquelle le monde s'était retrouvé à deux doigts d'une guerre atomique mais à l'issue de laquelle le gouvernement des Etats-Unis avait pris des engagements qui, tout en ne constituant pas une garantie absolue pour Cuba, avaient frustré et retardé indéfiniment une agression militaire directe, les deux personnages abandonnaient l'armée nord-américaine. Sans jamais se séparer, néanmoins : c'est ensemble qu'ils restèrent des agents de la CIA, ensemble qu'ils exécutèrent différente tâches dans le cadre d'un même plan stratégique de l'impérialisme que les deux journalistes qui ont signé l'article susmentionné du The New York Times, Anne Louise Bardach et Larry Rother, analysent avec pas mal d'acuité.
Devenu millionnaire, Mas Canosa organisa et finança, au prix de 50 000 dollars, la fugue de Posada Carriles de la prison vénézuélienne de sécurité maximale où celui-ci purgeait sa peine à la suite du crime de la Barbade. Une fois libre, Posada rejoignit aussitôt le dispositif que la Maison-Blanche avait monté en El Salvador pour fournir des armes à ceux qui livraient sa sale guerre contre le Nicaragua, tandis que Mas Canosa envoyait presque tous les dirigeants de la Fondation pour l'accueillir et le seconder.
C'est au vieil agent de la CIA, Mas Canosa, que l'extrême-droite confia la tâche de regrouper les émigrés cubains aux Etats-Unis au sein d'une organisation qui fonctionnerait comme promotrice, à travers le Congrès, de ses plans ténébreux contre notre patrie.
Il a été, dès son arrivée aux Etats-Unis, un agent de l'impérialisme qu'il a servi inconditionnellement jusqu'à la fin de sa vie. C'est son organisation et lui qui ont soutenu activement les pires forces politiques et contre-révolutionnaires au Nicaragua, en Angola et dans d'autres pays du monde, toujours au service des intérêts des Etats-Unis; il rêvait de voir détruite la Révolution cubaine, notre peuple contraint à la reddition par la faim et mis à genoux, ou notre patrie envahie par les forces armées des Etats-Unis. Il voua à l'oeuvre révolutionnaire et à la capacité de résistance de notre peuple la haine qu'engendrent la frustration et l'impuissance.
Un mercenaire qui, utilisant toutes les ressources de l'empire, a fait beaucoup de mal à Cuba. J'omets toute autre référence à sa vie ignominieuse et infâme.
Je ne dirai pas que c'était un apatride, parce qu'il n'eut jamais qu'une seule patrie : les Etats-Unis.
Ce sont la Fondation nationale cubano-américaine et l'extrême-droite des Etats-Unis qui sont aujourd'hui les organisateurs du complot visant à liquider les accords migratoires et à empêcher la moindre coopération entre les Etats-Unis et Cuba dans la lutte contre le trafic de drogue.
Comme on a pu le constater en toute clarté dans ce récit circonstancié, chaque pas qu'elles font de concert et tout ce qu'elles entreprennent à travers leurs alliés au Congrès des Etats-Unis et dans les médias à leur portée ont pour but de provoquer une crise migratoire dont les conséquences pourraient être incalculables.
Je les avertis catégoriquement d'avance que Cuba s'acquittera rigoureusement des obligations qui sont les siennes aux termes des accords migratoires et n'autorisera pas de départ massifs d'émigrants illégaux. Il n'en existe pas la moindre possibilité. Les départs sporadiques, encouragés par les stimulants accrus en provenance des Etats-Unis, par leurs normes légales absurdes qui protègent ceux qui violent nos lois et les leurs, par les privilèges et les récompenses concédés à ces transgresseurs, nous serons capables, avec l'aide de tout le peuple, de les réduire au strict minimum.
Le gouvernement des Etats-Unis peut bien douter, vaciller, reculer quant à ce qu'il doit faire face aux glapissements et au chantage de ceux qui prétendent, de la Floride, conseiller, exiger ou décider à sa place. Ces gens-là rêvent d'un conflit militaire entre les Etats-Unis et Cuba. Ils vouent une telle haine à notre patrie qu'ils souhaitent la voir soumise à une attaque génocide et destructrice, comme celle que le peuple serbe a dû supporter.
Rien de tout ceci ne nous fait peur. Révolutionnaires, nous agissons au nom de principes, et non par peur. Notre peuple est cultivé, organisé, courageux et conscient. Nous avons mis au point toutes les idées requises pour empêcher que quoi que ce soit puisse troubler l'ordre intérieur, en recourant non à la force des armes, mais à la force et à la conscience des masses.
On ne vit pas pour rien quarante ans de sacrifices et de luttes, de ténacité inébranlable et d'expériences. Face au chaos de la puissance colossale du Nord, l'unité, la cohérence, la discipline, la fermeté, l'intelligence et la conscience du peuple privilégié par l'Histoire qui aime et qui défend cette petite île !