Allocution prononcée par Fidel Castro Ruz, président
de
Chers membres de la force médicale constituée pour offrir un soutien aux
sinistrés du cyclone Katrina au sud des Etats-Unis.
Chers invités,
Compatriotes,
Voilà quarante-huit heures à peine, je finissais mon intervention à
Il était évident que c’étaient les masses désespérées de la population
modeste, dont de nombreuses personnes du troisième âge atteintes de problèmes
de santé, des femmes enceintes, des mères et des enfants, qui couraient le plus
grand danger et qui requéraient d’urgence des soins médicaux.
Dans de telles circonstances, qu’importe la richesse du pays, le nombre
de ses scientifiques et ses grands progrès techniques. Ce qu’il faut alors, ce
sont des spécialistes jeunes et bien formés, ayant fait l’expérience du travail
médical dans des situations anormales, et pouvant être dépêchés sans retard
avec un minimum de ressources par voie aérienne ou par toute autre voie, vers
des immeubles ou des points concrets où des êtres humains se trouvent en danger
de mort.
Cuba, à proximité de
C’est parce que je savais pertinemment que Cuba comptait des hommes et
des femmes comme vous que j’ai osé réitérer cette offre trois jour plus tard,
quand j’ai promis que les cent premiers médecins portant des ressources vitales
dans des sacs à dos pouvaient arriver à Houston en moins de douze heures ;
et cinq cents de plus dans les dix heures suivantes, et cinq cents autres
encore dans les trente-six heures suivantes, soit un total de mille cents
médecins qui pourraient sauver ne serait-ce qu’une seule vie des nombreuses qui
étaient sur le point de périr en ces instants dramatiques.
Certains qui méconnaissent l’honneur et l’esprit solidaire de notre
peuple auront sans doute pensé qu’il s’agissait d’un bluff ou d’une exagération
ridicule. Or, notre pays ne joue jamais avec des questions aussi sérieuses, et
ne s’est jamais déshonoré en recourant à la démagogie ou au mensonge. Voilà
pourquoi nous nous réunissons avec orgueil dans cette salle du palais des
Congrès où, voilà à peine trois jours, les députés de notre Assemblée nationale
ont observé une minute de silence en hommage aux victimes du cyclone qui a
frappé les Etats-Unis et ont exprimé leurs plus sincères condoléances à ce
peuple frère. Nous voilà donc ici, non pas mille cents médecins, mais
1 586, dont trois cents de réserve, compte tenu des nouvelles de plus en
plus alarmantes qui nous parviennent. En fait, environ trois cents autres
médecins nous ont rejoints au dernier moment, qui ne sont pas ici, puisque nous
avons annoncé que Cuba était prête à en dépêcher des milliers d’autres en cas
de besoin. Ces trois cents autres participent à notre réunion dans d’autres
salles de ce palais des Congrès. Il a suffi de vingt-quatre heures pour que la
totalité des médecins convoqués pour accomplir la mission promise arrivent dans
notre capitale de tous les endroits du pays. Nous nous sommes acquittés de
cette tâche d’une façon absolument ponctuelle et précise.
Vous honorez la noble profession de médecin. Par votre réponse rapide et
résolue, vous écrivez, en étant prêts à remplir votre devoir dans des
conditions nouvelles et difficiles, une page dans l’histoire de la solidarité
entre les peuples et vous signalez une voie de paix à l’espèce humaine si
douloureuse et si menacée à laquelle nous appartenons tous.
Cette force médicale – je veux parler uniquement des 1 586 déjà
mentionnés - comprend :
Par ailleurs :
L’âge moyen de ce personnel est de trente-deux ans - la plupart
n’étaient pas nés au triomphe de
De ce total, 729 sont des hommes et 857 des femmes.
Les agences de presse internationales et la presse des Etats-Unis
reflètent éloquemment la gravité de la situation sanitaire et des dangers que
le cyclone Katrina a laissée derrière lui.
L’agence EFE signale que des plus de 15 000 personnes évacuées de
The Washington Post indiquait hier, samedi, que le Mississippi avait
essentiellement besoin de carburant et de soins médicaux.
L’AP informe que deux des hôpitaux de
La chaîne Fox News signalait hier que les personnels de la santé de
Un porte-parole du département de la santé et des hôpitaux de Louisiane,
Kyle Viator, a déclaré hier : « Nous avons des patients sous dialyse,
des diabétiques, des personnes qui ont besoin d’un traitement régulier et de
médicaments sur ordonnance. Nos ressources se terminent. Le tiers de la
population est actuellement déplacé, dont notre personnel médical. »
Le journal espagnol El Mundo recueille le témoignage dramatique
de Nina Ferguson, quarante-six ans, une Noire de
Rosanne Asuen, diabétique et obèse, a dû être réanimée par une
infirmière bénévole qui luttait comme elle pour sortir de là.
Evelyn Sander, une mère de vingt-trois ans, raconte comme elle séchait
la sueur du front de son nourrisson d’un mois, Isaiah, atteint de symptômes de
déshydratation et dévoré par les mouches.
Le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (Unicef) a fait état hier,
dans un communiqué, de son inquiétude devant la situation des enfants dans les
zones touchées. Il calcule que du tiers au quart des 1 200 000
pers0nnes sinistrées en Louisiane, au Mississippi et en Alabama sont des
enfants.
Un porte-parole du Centre de contrôle et de prévention des maladies
(CDC) d’Atlanta a dit à EFE que les eaux stagnantes présentaient un milieu
idéal à la propagation du virus du Nil, et à des poussées d’hépatite A et de
bactérie E. Coli, un pathogène potentiellement mortel qui peut causer,
entre autres, des diarrhées et des déficiences rénales.
Selon une dépêche de l’AFP datée de Houston hier, le Texas a promis
d’héberger des milliers de déplacés, les hôtels de Houston commencent à manquer
d’eau et les malades sont soignés en retard. Selon Steven Glonsky, médecin de
l’hôpital méthodiste de cette ville qui a passé treize heures de suite à
s’occuper de survivants déshydratés, traumatisés et atteints de maladies
chroniques comme le diabète et l’hypertension, il s’agit d’une crise sans
précédents.
Bill Frist, le chef du parti républicain au Sénat, qui se trouve à
D’après le Boston Globe,
Toujours selon ce même journal, le docteur Marshall Boudlin, directeur
du diabète et du métabolisme du CHU de Jackson (Missssippi), a affirmé :
« Nous voyons des choses que nous n’avions plus vues en bien des
années : le choléra, la fièvre typhoïde, le tétanos, la malaria. Je
n’avais pas vu des conditions pareilles en cinquante ans. Les gens sont
entassés et déambulent au milieu des excréments. »
La presse et les institutions spécialisées en santé sont pratiquement
unanimes à refléter des problèmes sanitaires dont la liste serait interminable.
Les sacs à dos de nos médecins contiennent justement les moyens requis
pour faire face sur le terrain aux problèmes de déshydratation, de tension
artérielle, de diabète sucré, aux infections touchant n’importe quelle partie
du corps : poumons, os, peau, ouie, voies urinaires, système reproductif,
appareil digestif. Mais aussi des médicaments contre les vomissements ;
des médicaments soulageant la douleur et rabaissant la fièvre ; des
médicaments pour les urgences cardiaques ou les allergies de toute sorte ;
des médicaments pour le traitement de l’asthme et d’autres problèmes
semblables. Bref, à peine une quarantaine de produits dont l’efficacité en cas
d’urgence a été prouvée.
Ces médecins emportent deux sacs à dos, de douze kilos chacun. En fait,
il a fallu se décider pour deux sacs à dos, car on a pu constater qu’un seul
n’était pas assez grand – bien que ce soit de grands sacs à dos – pour y mettre
la totalité des médicaments, en plus de la petite valise où se trouvent les
équipements diagnostiques. Tout ceci pour venir en aide à la grande expérience
clinique de la plupart de ces médecins, habitués à prêter service à des
endroits où il n’existe même pas, bien souvent, d’appareils de rayons X,
d’écographie, de possibilités d’analyse de selles, de sang, etc. Il s’agit
donc, puisque le nombre de médecins a augmenté, d’un total de trente-six tonnes
de médicaments. Au départ, les calculs étaient inférieurs.
Cuba a l’autorité morale suffisante pour parler de cette question et
faire cette offre. Elle a aussi le taux le plus élevé au monde de médecins par
habitant, et aucun autre pays n’a développé une plus grande coopération avec
d’autres peuples dans le domaine de la santé.
Des plus de 130 000 spécialistes de la santé de niveau
universitaire, 25 845 remplissent actuellement une mission internationale
dans 66 pays, s’occupant d’une population de 85 154 748 habitants,
dont 34 700 000 en Amérique latine et dans les Caraïbes, et
50 400 000 en Afrique et en Asie. De ces personnels, 17 651 sont
des médecins, 3 069 des dentistes et 3 117 des techniciens de la santé
en optique et autres domaines.
Plus de 12 000 jeunes provenant d’autres pays, en particulier
d’Amérique latine et des Caraïbes, font actuellement des études de médecine
gratuites à Cuba, et ce chiffre se multipliera vite. Des dizaines de jeunes
Etasuniens font même des études à l’Ecole latino-américaine de sciences
médicales, dont les portes ont été ouvertes dès le début aux étudiants des
Etats-Unis.
J’ai reçu aujourd’hui même une lettre émouvante d’élèves sortis de cette
Ecole :
Cher commandant en chef
Compte tenu des faits horribles survenus à
Sachez que vous avez en nous « des
médecins prêts à aller là où l’on a le plus besoin d’eux ».
Nos chemins incorporés à nos rêves.
Avec une tendresse infinie et une gratitude
éternelle.
Première promotion de diplômés de l’ELAM.
Cette lettre est signée par quatre-vingt-cinq jeunes frais émoulus de
l’Ecole latino-américaine de sciences médicales, qui précisent qu’ils représente
ceux qui sont encore à
Quand notre première guerre d’Indépendance a débuté en 1868, des
Etasuniens ont rejoint les forces patriotiques cubaines, dont l’un, très jeune,
s’est distingué par son courage exceptionnel et écrit des pages d’un héroïsme
admirable : Henry Reeve. Son nom est resté gravé à tout jamais dans la
mémoire de notre peuple, mais il est aussi gravé aux côtés de celui de Lincoln
et d’autres Etasuniens illustres, sur
Henry Reeve, devenu presque invalide à cause des blessures reçues au
bout de sept ans de guerre, est mort au champ d’honneur le 4 août 1876, à
proximité de Yaguaramas, dans la province actuelle de Cienfuegos.
Je propose que cette force de médecins cubains prêts à sauver de vies
d’Etasuniens porte le nom glorieux d’Henry Reeve (applaudissements).
Tous ces médecins – autrement dit, vous-mêmes - pourraient déjà être sur
place en train de prêter service. Quarante-huit heures se sont écoulées, et
nous n’avons pas encore reçu de réponse à la réitération de notre offre. Nous
attendrons patiemment aussi longtemps que de besoin. En attendant, ces médecins
suivront des cours intensifs d’épidémiologie et perfectionneront leur anglais.
Si aucune réponse ne nous parvient finalement ou si cette coopération – la
vôtre - n’était pas jugée utile, ni vous-mêmes, ni nous, ni notre peuple ne se
décourageraient pour autant. Au contraire, ils se sentiraient satisfaits
d’avoir rempli leur devoir, et nous avec eux, heureux de savoir qu’aucun autre
Etasunien – de ceux qui ont été frappés par le cyclone Katrina – n’est décédé
sans soins médicaux, si telle était la raison de la fin de non-recevoir opposée
à nos médecins.
La brigade Henry Reeve a été créée. Quelle que soit la tâche que vous
réaliserez dans n’importe quel endroit du monde ou de notre pays, il vous
restera la gloire d’avoir répondu courageusement et dignement quand on a vous a
appelés à la solidarité avec le peuple étasunien frère, en particulier avec ses
enfants les plus humbles.
En avant, généreux défenseurs de la santé et de la vie, vainqueurs de la
douleur et de la mort !
Je vous remercie.