RÉFLEXIONS
DE FIDEL CASTRO
Je ne peux parler comme économiste ou scientifique. Je le fais à simple
titre d’homme politique qui souhaite déchiffrer les arguments des économistes
et des scientifiques dans un sens ou un autre. Je tâche aussi de saisir les
motivations de chacun de ceux qui se prononcent sur ces questions. Voilà à peine vingt-deux ans, nous avons
soutenu à
Nous avons adressé des
copies des résultats de ces réunions à tous les gouvernements du monde, à
quelques rares exceptions près, bien entendu, car cela aurait paru insultant. A
l’époque, les pétrodollars avaient inondé le marché et les grosses
transnationales bancaires exigeaient pratiquement des pays qu’ils acceptent des
prêts abondants. Inutile de dire que les responsables de l’économie prenaient
ces engagements sans consulter qui que ce soit. C’était aussi l’époque où les
gouvernements les plus répressifs et les plus sanguinaires qu’il ait connus
sévissaient sur le continent, imposés par l’impérialisme. Une bonne partie de
cet argent fut englouti dans l’achat d’armements, des produits de luxe et des
biens de consommation. Finalement, la dette extérieure s’enfla jusqu’à 800
milliards de dollars, tandis qu’incubaient les dangers catastrophiques pesant
maintenant sur une population qui a doublé en vingt-cinq ans à peine et où, donc,
la quantité de ceux qui vivent dans la pauvreté extrême a augmenté d’autant. En
Amérique latine, l’écart entre les secteurs de la population la plus favorisée
et ceux à plus bas revenu est aujourd’hui le plus ouvert au monde.
Bien avant les débats
en cours, les luttes du tiers-monde étaient axées sur des problèmes tout aussi
angoissants comme l’échange inégal. On a fini par découvrir que les
exportations des pays industriels, généralement fabriqués à partir de nos
matières premières, ne cessaient de s’élever d’année en année, et ce d’une
manière unilatérale, tandis que les cours de nos exportations de base restaient
inchangés. La tonne de café et de cacao, pour ne prendre que ces deux exemples,
coûtaient environ 2 000 dollars. Une tasse de café, un milk-shake de
chocolat valaient à New York, quelques centimes ; aujourd’hui, ils en valent plusieurs dollars, peut-être
trente ou quarante fois plus. Un tracteur, un camion, un appareil médical
exigent à l’achat, aujourd’hui, plusieurs fois autant de produits qu’il en
fallait alors pour les importer ; c’était aussi le lot de la jute, de
cisalle et d’autres fibres produites dans le tiers-monde et remplacées par des
fibres synthétiques. Entre temps, les peaux tannées, le caoutchouc et les
fibres naturelles utilisés dans de nombreuses étoffes étaient remplacés par du
matériel synthétique provenant d’industries pétrochimiques de pointe. Les cours
du sucre s’effondraient, écrasés sous les grosses subventions que les pays
industriels octroient à leur agriculture.
Les anciennes colonies
ou les néocolonies, auxquelles on avait promis un avenir merveilleux après
Quand cette prise de
conscience a démarré, différents phénomènes extrêmement défavorables n’étaient
pas encore apparus, tel le gaspillage d’énergie insensé auquel se livreraient
les pays industriels, qui payaient le pétrole moins deux dollars le baril. Le
carburant, exception faite des Etats-Unis où il était très abondant, provenait
essentiellement de pays du tiers-monde, surtout du Moyen-Orient, en plus du
Mexique, du Venezuela, puis de l’Afrique. Or, les pays qualifiés – au prix d’un
autre pieux mensonge – de « pays en développement » n’étaient pas
tous pétroliers. En fait, quatre-vingt-deux d’entre eux sont les plus pauvres
et doivent normalement importer du pétrole. Une situation terrible les attend
donc si les aliments sont convertis en biocarburants, ou en agrocarburants,
selon la terminologie que préfèrent les mouvements paysans et d´indigènes de
notre région.
L’immense majorité des
habitants de la planète ignorait même, voilà trente ans, le concept de
réchauffement global qui pèse sur la vie de notre espèce telle une terrible
épée de Damoclès. L’ignorance et la confusion actuelles sur ces questions sont
tout aussi répandues. A écouter les porte-parole des transnationales et leurs
appareils de divulgation, nous vivons dans le meilleur des mondes :
économie régie par le marché + capital transnational + technologie de
pointe = croissance constante de la
productivité, du PIB, du niveau de vie, et accomplissement de tous les rêves de
l’humanité. Bien entendu, l’Etat ne saurait intervenir en quoi que ce soit, il
ne devrait même plus exister, sauf comme instrument du grand capital financier.
Mais les faits sont
têtus. Un des pays les plus industrialisés au monde, l’Allemagne, s’inquiète de
constater que 10 p. 100 de sa population est au chômage. Les travaux les plus
rudes et les moins attrayants sont réalisés par les immigrants qui, en proie au
désespoir devant leur pauvreté croissante, pénètrent dans l’Europe
industrialisée par tous les orifices possibles. Personne ne calcule,
semble-t-il, la quantité d’habitants de notre planète, qui augmentent justement
dans les pays non développés.
Plus de sept cents
représentants des organisations sociales viennent de se réunir à
Ainsi, conséquence de
la libération d’un monstre de terreur, deux jeunes gens qui s'acquittaient de
leur devoir juridique dans le service militaire actif aspirant à jouir des
bienfaits de la consommation aux Etats-Unis ont détourné un bus et ses
passagers, ont enfoncé unes des portes d’entrée de l’aérogare nationale de
l’aéroport, sont arrivés jusqu’à un avion civil où ils sont montés avec leurs
otages, exigeant de pouvoir se rendre aux Etats-Unis. Quelques jours avant, ils avaient assassiné
une sentinelle pour voler deux fusils automatiques et, dans l’avion même, ils
ont abattu de quatre balles un vaillant officier qui, otage lui aussi et
désarmé, tentait d’empêcher ce détournement. L’impunité et les avantages
matériels par lesquels on récompense aux Etats-Unis depuis presque un
demi-siècle toute action violente contre Cuba stimulent ces faits. Voilà bien
des mois que rien de semblable n’était arrivé. Il a suffi de la libération
insolite d’un terroriste notoire pour que le deuil pénètre de nouveau dans nos
foyers. Les auteurs n’ont pas encore été jugés parce qu’ils ont été tous deux
blessés durant la tentative, l’un d’eux par les tirs de l’autre dans l’avion,
tandis qu’ils luttaient contre le courageux officier de nos forces armées. Bien
des gens à l’étranger attendent maintenant la réaction des tribunaux et du Conseil
d’Etat face à un peuple profondément indigné par ces faits. Il faut une forte
dose de sérénité et de sang-froid pour supporter de tels problèmes.
Le chef de l’Empire a
déclaré, apocalyptique, voilà plus de cinq ans que les forces des Etats-Unis
devaient être prêtes à attaquer à titre préventif et par surprise une bonne
soixantaine de pays du monde. Rien moins que le tiers de la communauté
internationale. Il ne lui suffit pas, semble-t-il, de tuer, de torturer et de lancer
à l’exil des millions de personnes pour s’emparer de leurs ressources
naturelles et des fruits du travail d’autres peuples.
En attendant,
Fidel
Castro Ruz
7
mai 2007