RÉFLEXIONS DE FIDEL CASTRO
Le constat écrit
De nombreux événements très importants se déroulent dans le monde.
Certains ont à voir avec Cuba. Des nouvelles bien plus intéressantes que de
simples réflexions de ma part visant à conscientiser arrivent parfois dans
notre pays.
L’interview de Gerardo Hernández Nordelo, l’un de nos cinq héros, avec
Entre temps, au Brésil la presse
a continué de chercher des nouvelles et d’informer au sujet des activités
réalisées par les deux boxeurs qui, après avoir violé les règlements, se sont
absentés de lieu d’hébergement de la délégation cubaine.
Une dépêche de l’agence espagnole EFE, datée de Rio de Janeiro du 3 août,
informe :
« Après
avoir été surpris jeudi sur une plage au nord de Rio de Janeiro où ils ont
passé plusieurs jours en compagnie d’un impresario cubain et d’un autre
allemand, ainsi que de trois prostituées, les boxeurs ont été conduits aujourd’hui,
au petit matin, dans un hôtel où ils ont été placés sous la surveillance
d’agents de police.
« Rigondeaux
et Lara ont été interpellés jeudi à la station balnéaire d’Araruama par la
police militaire de Rio. Dans leurs déclarations à la police fédérale, les deux
boxeurs ont affirmé qu’ils se repentaient et qu’ils voulaient rentrer à Cuba et
qu’ils ont été censément victimes d’un sale coup, qu’ils ont été dopés par les
impresarios avant qu’on les fasse sortir du Village panaméricain. Les sportifs
ont refusé l’aide de deux avocats qui se sont présentés au siège de la police
fédérale et qui insistaient pour les représenter.
« Les
deux Cubains ont été aperçus toutefois sur différentes plages du littoral nord
de Rio, tout à fait libres et profitant du confort des hôtels, dans des fêtes
bien arrosées de boissons alcooliques et de femmes. Selon des patrons d’hôtels
de la plage de Saquarema interrogés par O Globo, les
deux boxeurs et les impresarios cubain et allemand ont passé plusieurs jours
dans la ville avant de gagner Araruama en compagnie de trois prostituées
engagées à Rio. "Ce sont de bonnes personnes, ils nous ont traitées comme
si nous étions leurs fiancées et ils ont même dit qu’ils allaient nous
regretter", a dit à O Globo une
de ces femmes qui a admis avoir touché près de cent dollars par jour.
Ce sont des détails désagréables, mais essentiels, et je ne peux
employer des termes différents de ceux de l’agence de presse. J’imagine que les
boxeurs eux-mêmes en auront informé leurs familles adultes les plus proches.
Hier, lundi 6, une autre dépêche de la même agence informait :
« La
police brésilienne a dit croire à la version des deux boxeurs cubains déportés
dans leur pays après avoir disparu durant les Jeux panaméricains de Rio de
Janeiro, à savoir qu’ils avaient été dopés et trompés par deux impresarios qui
voulaient les emmener en Allemagne.
« "Nous
croyons à ce qu’ils nous ont dit et nous estimons leur version faisable et
probable", a déclaré aujourd’hui à EFE le commissaire de la police
fédérale Felicio Latera, responsable de l’enquête.
« "La
police brésilienne n’enquête pas sur la prétendue désertion des deux Cubains,
mais sur les deux impresarios qui ont tenté de les emmener", a affirmé le
commissaire.
« Dans
une interview à un journal brésilien, l’impresario allemand Ahmet Ömer,
promoteur de quatre boxeurs cubains déjà réfugiés en Allemagne, a admis avoir
organisé la fuite de Rigondeaux et de Lara, pour laquelle il a dit avoir versé
près d’un demi-million de dollars. »
Nous ne doutons pas, pour notre part, que la police fédérale ait cru au
repentir des deux sportifs. Sa mission était de faire des démarches auprès du
consulat cubain pour obtenir les papiers que leur réclamaient les boxeurs avec
insistance et expliquer ce qu’il leur était arrivé après douze jours d’absence.
Pour l’immense majorité de notre peuple, l’essentiel est de savoir
quelle a été l’attitude morale des sportifs qu’il éduque et forme aux prix de
tant de sacrifices.
La plus grosse responsabilité, de mon point de vue, retombe sur Erislandy
Lara, qui était le capitaine de l’équipe de boxe : or, même ainsi, il
viole les règlements et tombe directement aux mains des mercenaires. Il a
vingt-quatre ans, il fait des études universitaires d’éducation physique et de
sports. Les deux boxeurs passent sous silence l’influence qu’exerçaient sur
leur conduite les relations d’amitié étroites qu’ils avaient avec les trois
boxeurs soudoyés au Venezuela, bien qu’ils aient sûrement ignoré le bavardage
indiscret du patron de l’agence mafieuse après qu’ils eurent raté la séance de
pesage.
Les deux sportifs se sont montrés peu enclins à parler avec la presse.
Un journaliste du Granma, Miguel
Hernández, les a attendus à l’aéroport et leur a parlé, mais il s’est dit déçu
ensuite de leurs réponses quand il a tenté d’écrire un article convaincant au
sujet de leur sincérité.
Julita Osendi, reporter de la télévision et bien informée des Jeux
panaméricains de Rio, a demandé à leur rendre visite et s’est efforcée de les
persuader de parler en toute franchise. Ils ont été plus ouverts et lui ont
racontés quelques détails de leur aventure insolite, mais le résultat final a
été similaire.
J’ai demandé au compañero
Fernández, vice-président du Conseil des ministres chargé, entre autres
organismes, de superviser l’Institut cubain des sports, de l’éducation physique
et des loisirs (INDER), de me faire parvenir une transcription de l’interview
d’Osendi à Erislandy Lara et à Guillermo Rigondeaux. Les images ne suffisaient
pas ; je souhaitais analyser chaque question et chaque réponse. La
transcription occupe deux fois plus d’espace que ces Réflexions.
Je demanderai au Granma de la
publier dans la page sportive ou ailleurs pour qu’il reste un constat écrit de
la conversation.
De nombreux pays pauvres n’ont pas de problèmes avec le
professionnalisme, mais de nombreux personnes y meurent aussi prématurément ou
souffrent de maladies invalidantes faute d’exercices. Les pays riches
développés souffrent aussi cette tragédie à cause des insuffisances de leur
système pourri et de l’esprit mercantiliste de leurs services médicaux.
Le sportif qui plaque sa délégation est comme le soldat qui abandonne
ses compagnons en plein combat. Cuba compte de nombreux bons sportifs qu’elle
n’a jamais volés à personne. Le peuple se réjouit en plus de leurs magnifiques
prestations. Cela fait d’ores et déjà partie de sa culture, de son bien-être et
de sa richesse spirituelle.
Ce n’était que justice élémentaire de les écouter, de savoir à quel
point ils étaient repentis comme ils l’affirmaient, avoir après avoir été
impliqués dans un épisode si douloureux.
Nous avons fait connaître à notre peuple les détails que nous avons pu
réunir. Les boxeurs souhaitent rentrer dans leurs familles. Ils sont arrivés à
un point de non-retour comme membres d’une délégation cubaine dans ce sport.
Nous, en revanche, nous devons continuer la lutte. Le moment est venu de
constituer – rien moins que ça – la liste des boxeurs cubains qui participeront
aux Jeux olympiques de Beijing, presque un an à l’avance. Ils doivent d’abord
se rendre aux Etats-Unis pour participer au championnat du monde, qui est l’une
des trois compétitions qualificatives pour les Jeux olympiques. Imaginez un peu
les requins de la mafia réclamant de la chair fraîche.
Nous tenons à la mettre en garde : nous ne sommes pas anxieux de la
leur offrir à domicile. Cuba ne sacrifiera pas un iota de son honneur et de ses
idées en échange de médailles d’or olympiques ; la morale et le
patriotisme de ses athlètes l’emporteront sur toute autre chose. Nous savons
que l’on a modifié les dimensions du ring et la taille des gants pour porter
préjudice à notre pays qui obtient tant de médailles en boxe, et que l’on
s’efforce de faire inclure la boxe professionnelle dans les Jeux olympiques.
Les autorités sportives cubaines analysent toutes les variantes
possibles, dont celle de modifier la liste des boxeurs ou de n’envoyer aucune
délégation, malgré les représailles qui nous attendraient. Elles étudient aussi
les stratégies et les tactiques à suivre.
Nous maintiendrons notre politique de principe, même si le monde plonge
toujours plus dans le professionnalisme et même si, comme à l’époque de Kid
Chocolate, un vrai génie, il n’existe pas de médailles pour le sport sain et
qu’on ne conçoive le sport que s’il tarife la capacité à lancer des balles
qu’on ne peut frapper, à frapper un coup de circuit et à recevoir ou à donner
des coups de poing sans la moindre protection. Nous ne reviendrons jamais à une
époque pareille.
Le sport sain est incompatible avec la surconsommation et le gaspillage
qui sous-tendent la crise économique et sociale irréversible du monde
globalisé.
Fidel Castro Ruz
7 août 2007
20 h 25