Cher Randy
J’ai suivi intégralement, sans en perdre une seconde,
Cette petite île indonésienne a été témoin de la réunion de nombreux
chefs de gouvernement de pays dits du Tiers-monde, qui luttent pour leur
développement et réclament un traitement équitable, des ressources financières
et un transfert de technologies aux représentants des nations industrielles
elles aussi présentes.
Le Secrétaire général des Nations Unies, constatant l’obstruction tenace
des Etats-Unis face aux cent quatre-vingt-dix autres pays réunis là, et au
terme de douze journées de négociations, a affirmé le vendredi 14 (heure de
Cuba, mais déjà samedi à Bali) que l’espèce humaine pouvait disparaître par
suite des changements climatiques. Puis, il est parti à Timor-Leste.
Cette déclaration a converti la conférence en un panier de crabes. Au
dixième jour d’efforts de persuasion stériles, la représentante yankee, Paula Dobriansky, a déclaré après avoir poussé un profond
soupir : « Nous avons rejoint le consensus. » Il était clair que
l’Empire avait manœuvré pour sortir de son isolement, sans avoir aucunement
modifié pour autant ses sombres visées.
Puis le grand spectacle s’est déployé : le Canada et le Japon se
sont aussitôt alignés sur les Etats-Unis face au reste des pays qui réclamaient
des engagements sérieux en matière d’émissions de gaz provoquant les
changements climatiques. Tout était prévu d’avance entre les alliés de l’OTAN
et le puissant Empire qui, se livrant à une manœuvre trompeuse, a accepté de
négocier en 2008, en Hawaii, un territoire étasunien, un nouveau projet de
traité à présenter et à adopter à
On a réservé à l’Europe, dans le cadre de cette solution théâtrale, le
rôle de salvatrice du monde. Brown, Merkel et
d’autres dirigeants de pays européens ont pris la parole, réclamant la
gratitude de la communauté internationale. Excellent cadeau de Noël et de
Nouvel An. Aucun de ces panégyristes, comme s’il vivait dans le meilleur des
monde, n’a évoqué les dizaines de millions de pauvres qui continuent de mourir
de faim et de maladies chaque année à cause des complexes réalités actuelles.
Le Groupe des 77, qui comprend cent trente-deux pays en lutte pour leur
développement, était parvenu à un consensus pour demander aux pays industriels
de réduire les gaz causant les changements climatiques, d’ici à 2020, de 20 à
40 p. 100 par rapport aux niveaux de 1990, et, d’ici à 2050, de 60 à 70 p. 100,
ce qui est techniquement possible. Il demandait aussi que des fonds suffisants
soient alloués au transfert de technologies à destination du Tiers-monde.
On ne saurait oublier que ce sont ces gaz qui produisent les vagues de
chaleur, la désertification, la fonte des glaciers et la hausse du niveau des
mers, cette dernière pouvant recouvrir de grandes parties de pays, voire des
pays entiers. Les nations industrielles partagent avec les Etats-Unis l’idée de
convertir les aliments en combustibles destinés aux voitures de luxe et aux
autres gaspillages des sociétés de consommation.
Ce que j’affirme a été prouvé dès le samedi 15 décembre, quand on a
appris publiquement à 10 h 06, heure de Washington, que le président
des Etats-Unis avait demandé au Sénat – et que celui-ci les lui avait accordés
– 696 milliards de dollars destinées au budget militaire de l’exercice fiscal
2008, dont 189 milliards pour les guerres d’Iraq et d’Afghanistan.
J’ai éprouvé une saine fierté en me rappelant la façon digne et sereine
dont j’ai répondu aux propositions blessantes que m’avait faites en 1998 Jean
Chrétien, alors Premier ministre du Canada. Je ne me fais aucune illusion.
Je suis profondément convaincu que les réponses aux problèmes actuels de
la société cubaine, dont le niveau scolaire moyen est proche de la terminale,
qui compte presque un million de diplômés universitaires et où tous les
citoyens sans discrimination jouissent de la possibilité réelle de faire des
études, exigent plus de variantes que celles que peut offrir un échiquier. On
ne saurait ignorer aucun détail. Il ne s’agit pas d’une voie facile, si l’on
veut que l’intelligence de l’être humain dans une société révolutionnaire
l’emporte sur ses instincts.
Mon devoir élémentaire est, non pas de m’accrocher aux fonctions, encore
moins de faire obstacle à de plus jeunes, mais d’apporter des expériences et
des idées dont la modeste valeur provient de l’époque exceptionnelle qu’il
m’est échu de vivre.
Je pense comme Niemeyer : il
faut être conséquent jusqu’au bout.
Fidel Castro
(Texte manuscrit) : Je te prie d’inclure cette lettre dans
F. C.
17 h 16