RÉFLEXIONS DE
FIDEL CASTRO
MENSONGES
DÉLIBÉRÉS, ÉTRANGES DÉCÈS ET AGRESSION À L’ÉCONOMIE MONDIALE
J’ai parlé dans des réflexions antérieures de lingots
d’or déposés dans les sous-sols des tours jumelles. Cette fois-ci, le sujet est
bien plus complexe et difficile à croire.
Voilà presque quarante ans, des scientifiques vivant
aux Etats-Unis découvrirent Internet, de la même manière qu’Albert Einstein, né
en Allemagne, découvrit à son époque la formule permettant de mesure l’énergie
atomique. Einstein était un grand scientifique et un humaniste. Il osa
contredire les lois physiques de Newton, jusque-là sacrées. Mais les pommes
continuèrent toutefois de tomber en vertu de la loi de la gravité définie par ce
dernier. C’étaient deux façons différentes d’observer et d’interpréter
On trouve un exemple éloquent de la façon dont la
science et la technologie furent utilisées à des fins hégémoniques dans un
article écrit par Gus W. Weiss, ancien officier de sécurité nationale des
Etats-Unis, paru au départ dans la revue Studies
in Intelligence en 1996, mais qui n’a connu une véritable diffusion qu’en
2002 sous le titre de « Duping the
Soviets: The Farewell Dossier ». L’auteur s’attribue l’idée de faire
parvenir en URSS des logiciels dont elle avait besoin pour son industrie, mais
déjà contaminés afin de porter un coup mortel à son économie.
Selon des notes tirées du chapitre 17 du livre At
the Abyss. An Insider's History of the Cold War, de Thomas C. Reed,
ancien secrétaire des forces de l’air des USA, Léonide Brejnev aurait dit en
1972 à des hauts fonctionnaires
politiques du parti : « Comme communistes, nous devons nous
accommoder des capitalistes durant quelque temps. Nous avons besoin de leurs
crédits, de leur agriculture et de leur technologie. Mais nous poursuivrons nos
programmes militaires massifs et, d’ici au milieu des années 80, nous serons en
mesure de revenir à une politique extérieure bien plus agressive, conçue pour avoir
le dessus dans nos relations avec l’Occident. » Cette information a été
confirmée par le département de
Au début des années 70, l’administration Nixon
souleva l’idée de la détente. Henry Kissinger avait l’espoir que, « au fil
du temps, le commerce et les investissements pourraient réduire les tendances
du système soviétique à l’autarcie » et jugeait que la détente pourrait
« inviter l’économie soviétique à s’associer graduellement à l’économie
mondiale et ainsi favoriser un niveau d’interdépendance qui ajoute un facteur
de stabilité aux relations politiques ».
Reagan avait tendance à ignorer les théories de
Kissinger sur la détente et à prendre au sérieux ce que disait Brejnev, mais
tous ses doutes s’envolèrent le 19 juillet 1981 quand, au cours d’un Sommet
économique du G-7 à Otawa, le président français, François Mitterrand,
l’informa en aparté que ses services de contre-espionnage était parvenu à
recruter un agent de
Le dossier, connu comme Farewell, parvint à
Le dossier Farewell
identifiait aussi des centaines d’officiers, d’agents à leur poste et d’autres
fournisseurs d’informations en Occident et au Japon. Dans les premières années
de la détente, les deux superpuissances, Etats-Unis et Union soviétique,
avaient mis en place des groupes de travail en agriculture, aviation civile,
énergie atomique, océanographie, informatique et environnement, dont les
membres échangeaient des visites, et ce en vue de tendre des « ponts de la
paix » entre elles.
En plus des agents identifiés, l’information la plus
utile fournie par le dossier Farewell
était constituée par les « listes d’achats » et les prévisions pour
les années futures en matière d’acquisition de technologies. Une fois le
dossier entre ses mains, Reagan demanda à Bill Casey, le directeur de
La production et le transport de pétrole et de gaz
constituaient une des priorités des Soviétiques. Une nouveau gazoduc
transsibérien devait conduire le gaz naturel des gisements d’Urengoï, en
Sibérie, aux marchés en devises occidentaux en passant par le Kazakhstan,
Une fois en URSS, les ordinateurs et leur logiciel
firent fonctionner le gazoduc à la perfection. Mais cette tranquillité était
trompeuse. Le logiciel avait été doté d’un cheval de Troie, autrement dit un
virus qu’on installe dans le système d’exploitation et qui finit par provoquer
des dysfonctionnements, soit au fil du temps soit en recevant un ordre de
l’extérieur.
Pour miner les profits en devises en provenance
d’Occident et l’économie soviétique, le logiciel du gazoduc avait été programmé
pour se décomposer au bout d’un certain temps et modifier les vitesses des
pompes et des joints des clapets de
sorte que la pression atteigne dans le gazoduc des niveaux bien
supérieures à celles que pouvaient supporter les joints et les soudures. Thomas
C. Reed écrit dans son livre :
« Il s’ensuivit l’explosion non
atomique et l’incendie les plus colossaux jamais vus de l’espace. Des
fonctionnaires et des conseillers de
La campagne de contre-mesures fondée sur le dossier Farewell fut une guerre économique. Bien
que l’explosion du gazoduc n’ait pas provoqué de pertes humaines, elle porta
gravement préjudice à l’économie soviétique.
Finalement, en 1984-1985, les Etats-Unis et leurs
alliés de l’OTAN mirent fin à l’opération qui mina efficacement la capacité de
l’URSS de se doter de technologies à un moment où elle se trouvait entre
l’enclume d’une économie défectueuse, d’une part, et le marteau d’un président
étasunien entêté à prédominer et à mettre fin à la guerre froide, de l’autre.
Dans son article, Weiss écrit : « Le cas prit
un tournure singulière en 1985 quand des informations sur le dossier Farewell firent surface en France.
Mitterrand en arriva à soupçonner que [l’agent soviétique] avait toujours été
une taupe de
C’est Gus W. Weiss, je l’ai dit, qui s’attribua le
mérite du sinistre plan consistant à faire parvenir en URSS des logiciels
défectueux une fois le dossier Farewell
aux mains des Etats-Unis. Il mourut le
Avant sa mort, il avait laissé des notes inédites
intitulées : « Le dossier Farewell,
la tromperie stratégique et la guerre économique durant
Weiss était diplômé de l’Université Vanderbilt,
d’Harvard et l’Université de New York.
Il avait travaillé pour le gouvernement à des
questions de sécurité nationale, de renseignements et de transfert de
technologies à des pays communistes. Il avait travaillé pour
Il avait reçu la médaille du mérite de
Il ne laissa pas de descendants.
Peu avant son « suicide », il s’était
déclaré opposé à la guerre contre l’Iraq. Il vaut la peine de signaler que,
dix-huit jours avant, un analyste des renseignements du département d’Etat
chargé de questions ayant à voir avec l’Iraq, John J. Kodal, de cinquante-huit
ans, se suicida le 7 novembre 2003 en se jetant de la fenêtre de son
bureau.
Selon des documents publiés, Mikhaïl Gorbatchev se
mit en colère quand des agents soviétiques furent arrêtés et expulsés de
différents pays, parce qu’il ignorait que le dossier Farewell était aux mains des principaux chefs de gouvernement de
l’OTAN. Le
Dans les derniers jours de l’Union soviétique, le
secrétaire général du PCUS devait aller à l’aveuglette. Il n’avait pas la
moindre idée de ce qu’il se passait dans les laboratoires et les industries de
technologie de pointe étasuniens ; il ignorait absolument que les
laboratoires et industries soviétiques avaient été compromises et jusqu’à quel
point.
Les pragmatiques de
Le président Ronald Reagan avait un atout en main :
son Initiative de défense stratégique ou Guerre des étoiles. Il savait que les
Soviétiques n’étaient pas de taille dans ce match dans la mesure où leur
industrie électronique était infestée de virus et de chevaux de Troie que les
services du renseignement étasuniens y avaient installés.
L’ex-Première ministre britannique raconte dans ses Mémoires, publiés en 1993 par un
important éditeur du pays sous le titre : 10, Downing Street[1],
que le plan de Reagan au sujet de
Au chapitre XVI, « Des hommes avec qui on peut
faire des affaires », elle explique la participation de son gouvernement à
l’Initiative de défense stratégique.
La lancer fut, de son avis, la « décision la
plus importante » de Reagan : « elle s’avéra capitale dans la
victoire de l’Ouest durant
Sous la tête de chapitre : « Réévaluer
l’Union soviétique », elle décrit une série de concepts dont l’essence
apparaît dans un long passage où elle témoigne de ce complot brutal. Je le cite
textuellement :
« Début 1983, les Soviétiques
doivent avoir fini par se rendre compte que leur jeu de manipulation et
d’intimidation allait bientôt s’achever. Les gouvernements européens n’étaient
pas disposés à tomber dans leur piège, autrement dit la proposition d’une
"zone exempte d’armes nucléaires" en Europe, et ils poursuivirent
leurs préparatifs pour déployer les missiles de croisière et Pershing. En mars,
le président Reagan annonça que les Etats-Unis préparaient une Initiative de
défense stratégique (IDS) dont les conséquences technologiques et financières
pour l’URSS seraient dévastatrices.
« […] Je n’avais pas le moindre
doute qu’il avait tout à fait raison d’insister sur ce programme. Vu
rétrospectivement, il est maintenant clair pour moi que la décision originale
de Ronald Reagan au sujet de l’Initiative de défense stratégique fut la plus
importante de son administration.
« Quand nous formulâmes notre
approche de l’Initiative de défense stratégique, je tins compte de quatre
éléments différents. Le premier fut la science en soi.
« En lançant l’Initiative de
défense stratégique, les Etats-Unis visaient à mettre au point une nouvelle
défense bien plus efficace contre les missiles balistiques.
« Ce concept de défense
reposait sur la capacité d’attaquer les missiles stratégiques lancées à
n’importe quel moment de leur vol, depuis la phase d’impulsion quand le missile
et toutes ses ogives et tous ses leurres sont encore ensemble jusqu’au point de
rentrée dans l’atmosphère terrestre en route vers la cible.
« Le second élément à prendre
en considération étaient les accords internationaux en vigueur qui limitaient
le déploiement d’armes dans l’espace et les systèmes de missiles antimissiles
balistiques. Le Traité sur la limitation des systèmes de missiles antimissiles
balistiques de 1972, amendé par un Protocole en 1974, permettait aux USA et à
l’URSS d’installer un système de missiles antimissiles balistiques statique
doté de jusqu’à cent vecteurs pour défendre ses propres missiles balistiques
intercontinentaux.
« Le Foreign Office et le
ministère de
« Le troisième élément en jeu
fut la capacité relative des deux parties en matière de défense contre les
missiles balistiques. Seule l’Union soviétique possédait un système
antimissiles balistiques (connu comme GALOSH) aux environs de Moscou et qu’elle
était en train de perfectionner. Les Etats-Unis n’avaient jamais mis en place
un système équivalent.
« Les Soviétiques étaient aussi plus
en avance en matière d’armes antisatellites. Ils avaient donc pris un avantage
inacceptable dans tout ce domaine, et c’était là un argument de poids.
« Le quatrième élément était
l’importance de l’Initiative de défense stratégique en matière de dissuasion. Au départ, j’avais assez sympathisé avec la
philosophie qui sous-tendait le Traité sur la limitation des systèmes de
missiles antimissiles balistiques, à savoir que plus la défense contre les
missiles nucléaires serait ultramoderne et efficace, et plus il serait
énormément coûteux de développer la technologie des armes atomiques. J’avais
toujours cru à une version, assortie de légères conditions, de la doctrine
connue comme la "destruction réciproque assurée" (MAD selon le sigle
en anglais). La menace de ce que je
préfère appeler la "destruction inacceptable » que provoquerait un
échange nucléaire était telle que les armes atomiques constituaient un facteur
de dissuasion efficace contre la guerre non seulement nucléaire, mais aussi classique.
« J’eus tôt fait de voir que
l’Initiative de défense stratégique ne minerait pas la dissuasion nucléaire,
mais qu’elle la renforcerait. A la différence du président Reagan et d’autres
membres de son administration, je n’ai jamais cru que l’Initiative de défense
stratégique pourrait offrir une protection totale, mais elle permettrait en
tout cas aux missiles étasuniens de survivre en quantité suffisante à une
première frappe des Soviétiques.
« C’est la question de
l’Initiative de défense stratégique qui domina mes conversations avec le
président Reagan et les membres de son administration quand je me rendis à Camp
David le samedi 22 décembre 1984 pour les informer des mes entretiens
préalables avec M. Gorbatchev. Ce fut la
première fois que j’entendis le président Reagan en parler. Et il le fit avec
passion. Il était à son point le plus idéaliste. Il souligna que l’Initiative
de défense stratégique serait un système défensif et que les Etats-Unis
n’avaient pas l’intention d’obtenir un avantage unilatéral. Qui plus est,
dit-il, si l’Initiative réussissait, il était prêt à l’internationaliser pour
la mettre au service d’autres pays, et il avait dit la même chose à M. Gromyko.
Il réaffirma son objectif à long terme d’éliminer totalement les armes
atomiques.
« Ces remarques me rendirent
nerveuse. J’étais horrifiée à la pensée que les Etats-Unis étaient prêts à
jeter par-dessus bord l’avantage si difficilement acquis en matière de
technologie en la mettant à la disposition de tout le monde.
« Ce que j’écoutai, maintenant
que nous discutions des probabilités réelles plutôt que d’une conception large,
était rassurant. Le président Reagan ne fit pas semblant de croire que les
Etats-Unis savaient déjà où conduiraient les recherches, mais il souligna – en
plus de ses arguments antérieurs en faveur de l’Initiative de défense
stratégique – que si l’Union soviétique voulait suivre le rythme des Etats-Unis,
elle devrait s’imposer des contraintes économiques. Il argua qu’il était
pratiquement impossible de savoir jusqu’où le gouvernement soviétique pourrait
entraîner son peuple sur le chemin de l’austérité.
« Tout en conversant avec Bud
McFarlane, le conseiller à la sécurité nationale, je notai les quatre points
qui me semblaient les plus cruciaux.
« Mes fonctionnaires y introduiraient
ensuite les détails.
« Le président et moi décidâmes
d’un texte exposant notre politique.
« La section principale de ma
déclaration signalait :
J’ai dit au président que j’étais fermement convaincue que
le programme de recherche sur l’Initiative de défense stratégique devait se
poursuivre. Les traités existant entre
les Etats-Unis et l’Union soviétique autorisent bien entendu les recherches, et
nous savons que les Russes ont déjà un programme dans ce sens ; de l’avis
des Etats-Unis, ils ont d’ailleurs dépassé ce stade. Nous sommes convenus de
quatre points : 1) L’objectif des Etats-Unis, de l’Ouest, n’était pas
d’obtenir la supériorité, mais de maintenir l’équilibre en tenant compte des
progrès soviétiques. 2) Le déploiement en rapport avec l’Initiative de défense
stratégique, compte tenu des obligations qu’imposent les traités, devrait faire
l’objet de négociation. 3) L’objectif général est de renforcer, non de miner,
la dissuasion. 4) Les négociations entre l’Est et l’Ouest doivent tendre à
garantir la sécurité à partir de niveaux réduits des systèmes offensifs de deux
côtés. Tel sera l’objectif des négociations qui ont repris entre les Etats-Unis
et l’Union soviétique sur le contrôle des armements, ce dont je me félicite.
« J’appris plus tard que George
Schultz, le secrétaire d’Etat, jugeait que mon texte impliquait une trop grande
concession de la part des Américains, mais ceci nous offrait en fait, tant à
eux qu’à nous, une ligne claire et défendable, et aidait à rassurer les membres
européens de l’OTAN. Une journée de travail très productive. »
Plus loin, sous la tête de chapitre :
« Visite à Washington, février 1985 », Margaret Thatcher écrit :
« Je me suis rendu de nouveau
en visite à Washington en février 1985. Les négociations sur les armements
entre les Américains et l’Union soviétique avaient repris, mais l’Initiative de
défense stratégique restait une source de polémique. Je devais m’adresser à
l’ensemble du Congrès le mercredi 20 février dans la matinée et j’avais apporté
avec moi de Londres une statue en bronze de Winston Churchill qui avait eu
l’honneur de cette même invitation de nombreuses années auparavant. Je bûchais mon allocution avec ardeur. Et
j’utiliserais le téléprompteur pour la prononcer. Je savais que le Congrès avait
écouté le "Grand Communicateur" prononcer des discours impeccables et
que mon auditoire serait exigeant. Je décidai donc de m’exercer à sa lecture
jusqu’à ce que je fusse en mesure d’avoir l’intonation et l’inflexion
correctes. Parler à partir d’un téléprompteur, dois-je ajouter, est un
technique tout à fait différente de celle des notes. De fait, le président
Reagan me prêta le sien que j’avais ramené à l’ambassade britannique où je
logeais. Harvey Thomas, qui m’accompagnait, l’obtint et, oubliant le décalage
horaire, je m’exerçai jusqu’à quatre heures du matin. Je ne me couchai pas, et
débutai la nouvelle journée de travail par mon habituel café noir et mes
comprimés de vitamines, puis je concédai des interviews à la télévision à
partir de sept heures moins le quart ; je passai chez la coiffeuse et je
fus prête à dix heures et demi pour partir au Capitole. Je profitai de cette
allocution, où j’abordai longuement les questions internationales, pour appuyer
fortement l’Initiative de défense stratégique. Son accueil fut fabuleux.
« M. Tchernenko mourut le mois
suivant (mars 1985), et M. Gorbatchev lui succéda sans trop de retard, ce qui
est notable, à la tête de l’Union soviétique. J’assistai une fois de plus à des
funérailles à Moscou ; il faisait même plus froid qu’à celles de Youri
Andropov. M. Gorbatchev devait recevoir une grande quantité de dignitaires
étrangers. Mais je conversai avec lui pendant presque une heure au Kremlin,
dans le salon Sainte-Catherine. L’atmosphère était plus compassée qu’à Chequers
[la résidence d’été officielle des premiers ministres britanniques depuis 1921],
et la présence silencieuse, sardonique, de M. Gromyko n’arrangeait rien.
Mais je pus lui expliquer les implications de la politique dont j’avais convenu
avec le président Reagan en décembre de l’année antérieure à Camp David. Il
était clair que l’Initiative de défense stratégique constituait alors la
principale préoccupation des Soviétiques en matière de contrôle d’armements. M.
Gorbatchev apporta, comme nous l’avions espéré, un nouveau style au
gouvernement soviétique. Il parlait ouvertement de l’état désastreux de
l’économie soviétique, même s’il faisait encore fond à cette époque sur les
méthodes associées à la campagne de M. Andropov en vue d’une plus grande
efficacité plutôt que sur une réforme radicale. Nous en eûmes un exemple dans
les mesures draconiennes qu’il prit contre l’alcoolisme. Mais à mesure que
l’année avançait, aucun signe d’amélioration des conditions en Union soviétique
ne nous parvint. De fait, comme le signalait notre nouvel et grand ambassadeur
à Moscou, Brian Cartledge, qui avait été mon secrétaire privé sur les relations
extérieures quand j’étais devenue Premier ministre pour la première fois, dans
l’un de ses premiers rapports, il était question de "confiture demain et,
en attendant, pas de vodka aujourd’hui".
« Les relations de
« Le président Reagan et M.
Gorbatchev eurent leur première réunion en novembre, à Genève. Les résultats en
furent maigres – les Soviétiques insistaient pour lier les armes nucléaires
stratégiques à l’arrêt des recherches relatives à l’Initiative de défense stratégique
– mais une sympathie personnelle se noua vite entre les deux dirigeants.
Certains s’étaient inquiétés que le jeune et adroit homologue soviétique du
président Reagan puisse se montre plus habile que lui. Mais il n’en fut rien,
car Ronald Reagan avait eu une très grande expérience dans ses premières années
comme président du syndicat des artistes de cinéma quand il avait mené des
négociations sur des bases réalistes. Et nul n’était plus réaliste que M.
Gorbatchev.
« En
« Le fait est que nous ne
pouvions pas, nous, cesser les recherches sur de nouveaux types d’armements.
Nous devions être les premiers à les obtenir. Il est impossible de stopper la
science : ce n’est pas parce que vous l’ignorez qu’elle s’arrêtera.
« On peut estimer, vu
rétrospectivement, que le Sommet de Reykjavik, qui se tint durant le week-end
des 11-12 octobre [1986], eut une signification totalement différente de celle
que la plupart des observateurs lui attribua à l’époque. On avait préparé un
piège aux Américains. Les Soviétiques y firent des concessions toujours plus
grandes : ils acceptèrent pour la première fois que les forces de
dissuasion britannique et française soient exclues des négociations sur les
armes atomiques à moyenne portée ; et que les réductions des armes
nucléaires stratégiques en laissent à chaque partie des quantités égales – et
non pas seulement une réduction en pourcentage, ce qui aurait laissé un net
avantage aux Soviétiques. Ils firent aussi des concessions significatives en ce
qui concernait les chiffres des forces nucléaires à moyenne portée. Quand le
Sommet touchait à sa fin, le président Reagan proposa un accord : tout
l’arsenal d’armes nucléaires stratégiques – bombardiers, missiles de croisière
et missiles balistiques à longue portée – serait réduit de moitié dans un délai
de cinq ans, et les plus puissantes, les missiles balistiques stratégiques,
seraient éliminées dans un délai de dix. M. Gorbatchev était encore plus
ambitieux : il souhaitait que toutes les armes atomiques stratégiques
soient éliminées à la fin du délai de dix ans.
« Mais soudain, tout à la fin,
le piège se referma. Le président Reagan avait accepté que, durant ce laps de
dix ans, les deux parties ne résilieraient pas le Traité sur la limitation des
systèmes de missiles antimissiles balistiques, même si les mises au point et
les essais compatibles avec ses clauses étaient autorisés. »
Mais Reagan fut victime d’une étrange amnésie au
sujet de ce qui servit de détonateur à la brutale concurrence militaire qu’on
imposa à l’URSS à un coût économique extraordinaire. Son fameux journal ne dit
absolument rien du dossier Farewell.
Dans ses notes quotidiennes de cette année-là, parlant de son séjour à
Montebello (Canada), Ronald Reagan écrit :
« Dimanche 19 juillet (1981)
« L’hôtel est un merveilleux
ouvrage d’architecture, tout fait de troncs. La plus grande cabane de troncs au
monde.
« J’ai eu un tête-à-tête avec
le chancelier Schmidt (le chef du gouvernement allemand). Il était vraiment
déprimé et pessimiste au sujet du monde.
« J’ai eu ensuite une réunion
avec le président Mitterrand, je lui ai expliqué notre programme économique et
que nous n’avions rien à voir avec les taux d’intérêt élevés.
« Ce soir, nous n’avons dîné
que tous les huit. Les sept chefs d’Etat et le président de
Le résultat final de la grande conspiration contre
l’Union soviétique et de la folle et coûteuse course aux armements qu’on lui
imposa, alors qu’elle est mortellement blessée sur le plan économique, George
H. Bush, le premier président de la dynastie, qui participa réellement à
«
« Ce conflit entre les
superpuissances qui survécurent à
« J’eus le privilège d’être le
président des Etats-Unis quand tout ceci termina. A l’automne 1989, les Etats
satellites commencèrent à se libérer et des révolutions pour la plupart
pacifiques s’étendirent en Pologne, en Hongrie, en Tchécoslovaquie et en
Roumanie. Quand le mur de Berlin s’effondra, nous savions que la fin était
proche.
« Deux années devaient encore
s’écouler pour que disparaisse l’empire de Lénine et de Staline. Je reçus la
bonne nouvelle grâce à deux appels téléphoniques. Le premier m’arriva le 8
décembre 1991, quand Boris Eltsine me téléphona depuis un pavillon de chasse
proche de Brest, en Biélorussie. Réélu récemment président de
« Deux semaines plus tard, un
second appel me confirma que l’ancienne Union soviétique allait disparaître.
Mikhaïl Gorbatchev entra en contact avec moi à Camp David, le matin de Noël
1991. Il nous souhaita un joyeux Noël à Barbara et à moi, puis entreprit de
résumer ce qu’il était arrivé dans son pays : l’Union soviétique avait
cessé d’exister. Il venait de se présenter à la télévision nationale pour le
confirmer et avait cédé le contrôle des armes nucléaires soviétiques au
président russe. "Vous pouvez profiter d’une tranquille veillée de
Noël", nous dit-il. Voilà comment
tout prit fin. »
Un article publié dans The New York Times atteste que l’opération recourut à presque
toutes les armes aux mains de
On parle aussi de cette question dans un autre livre
récent, Legacy of
Ashes.
La quatrième de couverture informe : « Tim
Weiner est un reporter du New York Times
qui a écrit pendant vingt ans sur les services de renseignement étasuniens et a
décroché le Prix Pulitzer pour un ouvrage sur les programmes secrets de
sécurité nationale. Il s’est rendu en Afghanistan et dans d’autres pays pour
enquêter de première main sur les opérations secrètes de
L’article de Jeremy Allison, publié dans Rebelión en juin 2006, et ceux de Rosa
Miriam Elizalde, publiés les 3 et 10 septembre 2007, dénoncent ces faits en
soulignant une idée d’un des fondateurs du logiciel libre : « Plus les
technologies se complexifieront, et plus il sera difficile de détecter des
actions de ce genre. »
Rosa Miriam a publié deux petits articles d’opinion
d’à peine cinq pages chacun. Elle pourrait écrire, si elle le voulait, un gros ouvrage.
Je me la rappelle bien dès le jour où, toute jeune journaliste, elle m’avait
demandé, anxieuse, rien moins qu’à une conférence de presse voilà plus de
quinze ans, si je pensais que nous pouvions résister à
L’Union soviétique s’est effondrée avec perte et fracas.
Depuis, nous avons diplômé des centaines de jeunes dans l’enseignement
supérieur. Quelle autre arme idéologique peut-il nous rester sinon un niveau de
conscience supérieur ! Nous l’avons eu quand nous étions un peuple
majoritairement analphabète ou semi-analphabète. Si vous voulez connaître de
vrais fauves, laissez prévaloir les instincts chez l’être humain. Il y aurait
bien des choses à dire là-dessus.
Aujourd’hui, le monde est menacé par une crise
économique désolante. L’administration étasunienne emploie des ressources
économiques inimaginables pour défendre un droit qui viole la souveraineté de
tous les autres pays : continuer d’acheter avec du papier-monnaie les
matières premières, l’énergie, les industries à technologie de pointe, les
terres les plus productives et les immeubles les plus modernes de notre
planète.
Fidel Castro
Ruz
18 septembre
2007
18 h 37
[1] Retraduit
de l’espagnol., ainsi que tous les autres textes en original anglais, sauf
l’article de Weiss. (N.d.T.)