MESSAGE DE FIDEL CASTRO
Chers compatriotes
Je vous ai promis, vendredi dernier, 15 février, d’aborder dans mes
prochaines Réflexions une question intéressant beaucoup d’entre vous. Je le
fais cette fois-ci sous forme de message.
Le moment est venu de présenter à l’Assemblée nationale la candidature
des membres du Conseil d’Etat, de son président, de ses vice-présidents et de
son secrétaire, et de les élire.
J’ai rempli cette estimable fonction de président pendant de nombreuses
années.
Connaissant mon état de santé critique, beaucoup de gens à l’étranger
pensaient que ma renonciation provisoire, le 31 juillet 2006, au poste de
président du Conseil d’Etat que je laissais aux mains du premier
vice-président, Raúl Castro Ruz, était définitive. Raúl en personne, qui occupe
aussi le poste de ministre des Forces armées révolutionnaire par mérite
personnel, et les autres compagnons de la direction du parti et de l’Etat
renâclaient à l’idée de me considérer écarté de mes fonctions malgré mon état
de santé précaire.
Ma position était inconfortable face à un adversaire qui a fait
l’impossible pour se débarrasser de moi : il ne m’était pas du tout
agréable de lui complaire.
J’ai pu ensuite, une fois récupérée la pleine maîtrise de mon cerveau,
beaucoup lire et réfléchir, compte tenu de mon repos forcé. J’avais assez de
forces pour écrire pendant de longues heures, une occupation que j’ai partagée
avec les séances de physiothérapie et les programmes de rétablissement
pertinents. Un bon sens élémentaire m’indiquait que cette activité était à ma
portée. Je me suis toujours soucié par ailleurs, en parlant de ma santé, de ne
pas faire naître de fausses illusions dans notre peuple, un dénouement fatal en
pleine bataille risquant d’être traumatisant pour lui. Le préparer à mon
absence des points de vue psychologique et politique, telle était ma première
obligation après tant d’années de lutte. Je n’ai jamais manqué de signaler
qu’il s’agissait d’une convalescence « non exempte de risques ».
J’ai toujours souhaité faire mon devoir jusqu’à mon dernier souffle.
C’est ce que je puis offrir.
Je communique à mes très chers compatriotes, qui m’ont fait l’immense
honneur de m’élire voilà quelques jours membre du Parlement, lequel doit
adopter des accords importants pour les destinées de notre Révolution, que je
n’aspirerai pas au poste de président du Conseil d’Etat et de commandant en
chef ni ne l’accepterai – je répète : je n’y aspirerai pas ni ne
l’accepterai.
Dans de brèves lettres adressées à Randy Alonso, animateur du programme
Je choisis quelques paragraphes de ma lettre à Randy, du 17 décembre
2007 :
« Je
suis profondément convaincu que les réponses aux problèmes actuels de la
société cubaine, dont le niveau scolaire moyen est proche de la terminale, qui
compte presque un million de diplômés universitaires et où tous les citoyens
sans discrimination jouissent de la possibilité réelle de faire des études,
exigent plus de variantes que celles que peut offrir un échiquier. On ne
saurait ignorer aucun détail. Il ne s’agit pas d’une voie facile, si l’on veut
que l’intelligence de l’être humain dans une société révolutionnaire l’emporte
sur ses instincts.
« Mon
devoir élémentaire est, non pas de m’accrocher aux fonctions, encore moins de
faire obstacle à de plus jeunes, mais d’apporter des expériences et des idées
dont la modeste valeur provient de l’époque exceptionnelle qu’il m’a été donné
de vivre.
« Je
pense comme Niemeyer : il faut être
conséquent jusqu’au bout. »
Lettre du 8 janvier 2008 :
« Je
suis résolument en faveur du vote uni (un principe préservant les
mérites ignorés) qui nous a permis d’éviter la tendance à copier ce qui se
faisait dans les pays de l’ancien camp socialiste, dont le portrait d’un
candidat unique à la fois si solitaire et parfois si solidaire avec Cuba. Je
respecte beaucoup cette première tentative de construire le socialisme grâce à
laquelle nous avons pu poursuivre sur la voie choisie.
Mais
je suis trop conscient que "toute la gloire du monde tient dans un grain de
maïs" ».
Je trahirais donc ma conscience en occupant des responsabilités qui
exigent qu’on puisse se déplacer librement et qu’on s’y adonne à fond, ce qui
n’est plus à ma portée. Je l’explique sans dramatisme.
Notre Révolution peut encore compter, heureusement, sur des cadres de la
vieille garde, aux côtés d’autres qui étaient très jeunes au début de sa
première étape. Certains ont rejoint presque enfants les combattants des
montagnes et ont ensuite écrit des pages de gloire dans notre pays par leur héroïsme
et leurs missions internationalistes. Ils ont l’autorité et l’expérience
requises pour garantir la relève. Notre Révolution peut aussi compter sur une
génération intermédiaire qui a appris à nos côtés les ingrédients de l’art
complexe et presque inaccessible d’en organiser et diriger une.
Le chemin sera toujours difficile et exigera les efforts intelligents de
tout le monde. Je me méfie des voies apparemment faciles de l’apologétique ou,
par antithèse, de l’autoflagellation. Toujours se préparer aux pires variantes.
Etre aussi prudent dans le succès que solide dans l’adversité, voilà un
principe à ne pas oublier. L’adversaire à vaincre est extrêmement fort, mais
nous l’avons tenu en respect pendant presque un demi-siècle.
Je ne vous fais pas mes adieux. Je tiens juste à combattre comme un
soldat des idées. Je continuerai d’écrire sous le titre de :
« Réflexions du compañero
Fidel ». Ce sera une arme de plus à ajouter à notre arsenal. Peut-être
écoutera-t-on ma voix. Je serai prudent.
Fidel Castro Ruz
18 février 2008
17 h 30