DE NOUVELLES PREUVES DES MENSONGES DES AUTORITÉS NORD-AMÉRICAINES ET UNE SOMMATION
Le 2 août, comme on le sait, un bateau de pêche de ferrociment a été détourné par des méthodes fourbes à Boca de Calafre, en Pinar del Río : le patron a mis des somnifères dans la collation des quatre autres membres d'équipage pour les endormir, ce qui a eu un effet presque immédiat sur deux d'entre eux. Les deux autres, moins sensibles, le patron les a envoyés sur un canot à la côte toute proche, où attendait un groupe de comploteurs qui les ont mis hors d'état de nuire et sont gagné le bateau avec eux à bord. Les quatre hommes ont dû voyager sur le pont pieds et poings liés pendant plusieurs jours jusqu'à l'arrivé du bateau aux côtes nord-américaines. Une fois de retour à Cuba, leurs déclarations ont permis de reconstituer les faits en détail, ce dont le gouvernement nord-américain a été informé par une note diplomatique réclamant l'application de la loi et des accords migratoires.
Réponse du département d'Etat : « Le parquet du département de la Floride du Sud a refusé d'instruire le cas, faute de preuves suffisantes en mesure de démontrer un délit passible de sanction aux Etats-Unis. Jusqu'à l'échouement, le capitaine a toujours contrôlé totalement le bateau. Compte tenu de ces circonstances, le parquet n'a pas découvert de preuves lui permettant d'instruire un procès dont les chefs d'accusation seraient une attaque à main armée, de la contrebande d'étrangers ou de la piraterie ! »
C'est la énième fois que nous recevons une réponse de ce genre à des centaines de cas semblables ou pires.
Six jours à peine après ce détournement, une vedette rapide en provenance des Etats-Unis provoquait un autre fait sinistre, dont ont dabord fait état des dépêches en provenance de Miami :
« Plusieurs pêcheurs ont avisé les garde-côtes de la présence des cadavres à une trentaine de kilomètres des cayes de la Floride, a affirmé Vicki Neblock, du service de garde-côtes.
« "L'un d'eux a été attaqué par un requin qui l'a emporté dans les profondeurs", a affirmé Becky Herrin, porte-parole de la police du comté de Monroe.
« "Le témoin a vu un requin s'emparer d'un des cadavres et l'emporter sous l'eau", a dit Herrin.
« Aucune conjecture n'a été faite quant à la façon dont les cadavres sont arrivés là. "Nous n'avons pas trouvé la moindre trace d'un bateau dans le coin", a dit Herrin. »
Une autre dépêche informait le 11 août :
« Le cas est clos , a déclaré un porte-parole des garde-côtes, qui na pas écarté la possibilité que les deux corps découverts jeudi, à une trentaine de kilomètres de Key West soient ceux de Cubains qui tentaient datteindre clandestinement les côtes de la Floride. [...]
L'un des corps mutilés appartenait à un Latino-Américain qui portait des souliers de sport d'une marque chinoise vendue à Cuba, selon ce quon dit les garde-côtes à la presse locale. ».
Silence total pendant quatre jours.
Nouvelle dépêche le 15 août :
« Il a été confirmé que les cadavres découverts la semaine dernière dans les cayes de la Floride sont ceux de deux frères cubains qui tentaient d'arriver en bateau aux Etats-Unis.
« La police a signalé que le cadavre mordu par les requins, qui est de Juan Carlos Rodríguez Bueno, de vingt-trois ans, a été identifié par des parents de Miami.
« Les garde-côtes n'ont pas pu récupérer l'autre cadavre, emporté par un requin. On croit toutefois qu'il s'agit d'Alex Rodríguez Bueno, âgé de vingt ans.
« L'annonce a été faite par le chef de la police du comté de Monroe, après que le corps de Juan Carlos Rodríguez Bueno, de vingt-trois ans, a été reconnu par son père, Carlos Rodríguez, à partir d'une photo. »
Le 18 août, le journal Granma dénonçait ces faits et d'autres dans son éditorial intitulé : « Une nouvelle histoire sinistre et ténébreuse ».
Une semaine plus tard, doté de plus d'informations sur la mort ténébreuse et macabre des frères Rodríguez Bueno, le gouvernement cubain a adressé à son homologue nord-américain une note diplomatique dans laquelle il demandait les informations en sa possession en vue d'éclaircir les faits. Réponse :
« Au sujet du cas tragique des frères Juan Carlos et Alexander Rodríguez Bueno qui ont péri en mer le 10 août, nous adressons nos condoléances sincères à la famille. Nous ne possédons pas d'informations qui suggèrent qu'ils aient été victimes de la contrebande d'immigrants.
« Votre note demandait au gouvernement des Etats-Unis de fournir les noms de tous les Cubains arrivant aux Etats-Unis. Nous ne le faisons pas en règle générale pour ceux, de quelque nationalité qu'ils soient, qui tentent d'émigrer aux Etats-Unis par des moyens réguliers ou irréguliers."
Le cynisme de cette réponse passe les bornes.
Nous tenons à signaler en plus que les réponses aux notes cubaines du 14 et du 25 août au sujet du détournement du bateau et des morts des frères Rodríguez Bueno datent du 13 septembre, soit trente jours et vingt jours, respectivement, après que le département d'Etat les ait reçues. Des réponses par ailleurs extrêmement laconiques et réticentes. On ne saurait donc passer sous silence l'arrogance et le mépris avec lesquels les fonctionnaires de l'empire répondent aux notes diplomatiques d'un pays dont les ressortissants sont victimes de ces atrocités.
Le fruit logique de la politique cynique et criminelle du gouvernement nord-américain et de la façon dont il manipule un loi assassine en vigueur depuis trente-quatre ans, c'est ce nouvel épisode, six jours plus tard, d'un avion agricole cubain détourné qui s'est écrasé en mer avec dix personnes à bord, dont trois femmes et trois enfants de six, sept et treize ans, qui ont survécu par miracle. Un homme a perdu la vie, et d'autres ont été gravement traumatisés. Ceci, bien entendu, ne constitue pas un crime pour les autorités nord-américaines. Le vol et le détournement d'un engin destiné à la production agricole pour voyager illégalement aux Etats-Unis en violation des lois des deux pays et des règlements de la navigation aérienne internationale, l'action criminelle et insensée qui produit le décès d'une personne, des lésions graves à d'autres et un danger mortel pour des enfants cubains innocents, sont des faits sans gravité pour les autorités à la morale pourrie de la superpuissance hégémonique, notre voisine.
Cette dernière piraterie aérienne contre Cuba est pourtant une question dont il faudra discuter et qui fera l'objet, demain, d'une protestation énergique à la Tribune ouverte anti-impérialiste José Martí.
Le cas précédent, la mort obscure et sinistre des frères Rodríguez Bueno, l'hypocrisie et le cynisme extrêmes des autorités nord-américaines, ont été analysés en partie aux cours des tables rondes de jeudi et de vendredi, mais l'affaire n'est pas close. Nos autorités ont poursuivi leurs enquêtes, puisque le département d'Etat a grossièrement menti dans sa réponse en affirmant ne pas posséder de preuves qu'il se soit agi d'une contrebande d'immigrants. Soit. Voici donc ces preuves, parfaitement vérifiables : il s'agit bel et bien d'un vulgaire trafic d'immigrants.
Le moyen utilisé a été une vedette rapide type Scorpion, de deux moteurs hors-bord, blanche avec une raie bleue le long de la ligne de flottaison, pouvant emporter de six à huit personnes environ. Elle a fait une incursion sur nos côtes le 8 août, à 16 h 30, à l'est de Cojímar. Le nombre de personnes qui sont parties aux Etats-Unis, bien que nous n'ayons pas encore pu le définir exactement, oscillait entre quatorze et dix-huit, dont treize ont été identifiées par nos autorités:
1. Juan Carlos Rodríguez Bueno (décédé).
2. Alexei Rodríguez Bueno (décédé).
3. Enrique Carlos Albis Masot.
4. Estrella del Pilar Díaz Abat.
5. Asley Enrique Albis Díaz (quatre ans).
6. Isabel Jorge Marrero.
7. Olivia de las Mercedes Socorro Jorge (cinq ans).
8. Heriberto Martínez Cruz.
9. Juan Carlos Cruz Vaillant, accusé une fois pour appropriation indue
et un autre fois pour possession de drogue.
10. William Báez Cartaya, condamné à un an de prison (cause
584/1992) pour vol, peine qu'il a purgée. En instance d'une peine de
prison de cinq ans pour vol et abattage de bétail. Très dangereux.
11. Abdiel Nicolás Pé Arcia, agressif, violent et impulsif. En état
d'ébriété, ne cessait de menacer de tuer et de poignarder d'autres
personnes. A eu des démêlés avec la justice à cause de sa conduite
habituellement violente.
12. Enrique Sánchez Martínez, alcoolique invétéré, vol avec effraction
en 1991; condamné pour lésions moins graves en 1992, pour vol
avec effraction en 1992, et dommage à la propriété en 1996. Sorti
de prison le 22 juillet courant. Prévenu et en instance de jugement
pour possession de drogue. Sous caution au moment de son départ.
(Ces quatre derniers individus sont considérés comme dangereux.)
13. Josué Soto Hernández, l'un des deux pilotes de la vedette rapide
immatriculée aux Etats-Unis qui a récupéré et transporté les
personnes susmentionnées, a terminé ses études primaires dans
une école pour enfants ayant des problèmes de conduite. Enfermé à
la base navale de Guantánamo en 1994 après avoir été intercepté
en mer quand il se dirigeait aux USA, s'en est échappé le 2
septembre et a rejoint sa famille. Condamné en 1996 à deux ans de
privation de liberté pour vol. A obtenu ensuite un visa et a abandonné
légalement le pays en avril dernier en compagnie de sa mère et
d'une soeur.
Toutes les personnes voyageant sur cette vedette, sauf les frères morts et dévorés par les requins, sont arrivées aux Etats-Unis, ce que savent pertinemment les autorités de ce pays et bien d'autres personnes.
Pourquoi le FBI n'interroge-t-il pas Josué Soto Hernández qui pilotait la vedette et, s'il l'a fait, pourquoi n'a-t-il pas donné sa version des faits ? Pourquoi n'interroge-t-il pas les adultes qui étaient à bord de la vedette ? Pourquoi n'explique-t-il si les deux frères morts ont été victimes d'une rixe à bord ou s'ils ont été enlevés par une lame à la proue de la vedette surchargée, selon des versions contradictoires fournies par certains des passagers ? S'il est vrai qu'un des frères s'est lancé à l'eau pour tenter d'aider l'autre, pourquoi ont-ils été abandonnés à leur sort et qui en est le responsable ? Pourquoi ne demande-t-on pas à Omar Rodríguez Figuero, demi-frère de Juan Carlos et d'Alexei Rodríguez Bueno, à qui il a remis les douze mille dollars que coûtait le voyage et comment ses frères sont morts ? Pourquoi ne fait-on pas une enquête auprès du père, qui était de visite à Miami et qui connaît parfaitement les faits ? Pourquoi ne mène-t-on pas une enquête au sujet de ceux qui ont menacé de mort les témoins oculaires ? Pourquoi le gouvernement nord-américain ne fait-il pas la lumière sur un crime répugnant qui a coûté la vie des deux jeunes de vingt-trois et de vingt ans, au cours d'un voyage où quinze ressortissants cubains se rendaient illégalement aux Etats-Unis et où des enfants innocents de quatre et cinq ans auraient pu perdre la vie, et tout ça pour de l'argent ? Pourquoi ne met-on pas un terme aux mensonges, à la complicité et à l'impunité ?
C'en est assez de prétextes hypocrites !
Notre peuple et l'opinion publique internationale exigent des réponses sérieuses, claires et précises. Ils sont las de mensonges éhontés.
Cuba n'aura de cesse qu'elle n'ait prouvé au monde toute l'infamie découlant d'une politique hostile et agressive qui se fonde sur le mensonge, l'illégalité, la tolérance et la faiblesse des autorités nord-américaines, ainsi que sur leur complicité avec tous les crimes que leurs alliés mercenaires, terroristes et mafieux commettent contre notre pays. Sans parler de l'incompétence, du chaos et de l'anarchie régnant dans cette politique sinistre.
Si le gouvernement nord-américain ne peut répondre aux questions posées, nous invitons la presse sérieuse de ce pays à approfondir les faits et à exposer la vérité à la population. Un reportage honnête et objectif peut sauver bien des vies.
Editorial du journal Granma, 24 septembre 2000