Table ronde d’information sur Otto Reich, un terroriste au gouvernement nord-américain, tenue dans les studios de la télévision cubaine, le 14 mars 2002.
Randy Alonso. Bonsoir, chers téléspectateurs et auditeurs.
Porte-parole des pires intérêts de l’extrême droite nord-américaine, représentant des objectifs sinistres de la mafia anticubaine, parrain de terroristes notoires comme Luis Posada Carriles et Orlando Bosch, lié au scandale honteux de l’Irangate en tant que menteur professionnel, lobbyste de Bacardi et promoteur de la loi Helms-Burton, catalogue par beaucoup de gens comme un médiocre et un maladroit, Otto Reich a occupé cette semaine-ci le poste de secrétaire d’Etat adjoint aux Affaires latino-américaines après avoir été imposé par l’administration contre l’avis du Congrès.
A peine installé, il a commencé à distiller sa haine maladive et viscérale de la Révolution cubaine.
Notre table ronde de l’après-midi portera donc sur Otto Reich, un terroriste au gouvernement nord-américain. Je suis accompagné par Reinaldo Taladrid, journaliste des Services d’information de la télévision cubaine ; Juana Carrasco, chef de la rédaction internationale du journal Juventud Rebelde ; Arleen Rodríguez Derivet, rédacteur en chef de la revue Tricontinental et animatrice du programme Haciendo Radio ; Eduardo Dimas, commentateur international des Services d’information de la télévision cubaine ; et Rogelio Polanco, directeur du journal Juventud Rebelde.
Nos invités dans les studios sont des membres du ministère des Relations extérieures, du ministère public de La Havane, du ministère de l’Industrie lourde et des pompiers.
(Images de télévision sur le thème.)
Ce 11 mars-ci, l’agence EFE faisait savoir ce qui suit depuis Washington : « Exactement deux mois après que le président George W. Bush a utilisé ses facultés spéciales pour le nommer, le Cubano-Américain Otto Reich a prêté serment aujourd’hui au département d’Etat comme secrétaire d’Etat adjoint aux Affaires latino-américaines, dans le cadre d’une cérémonie où la presse n’a pu assister. »
Quel est donc le nouveau représentant de l’administration nord-américaine face à l’Amérique latine ? Qui est Otto Reich ?
Je vous propose donc de disséquer ce sinistre personnage de la mafia cubano-américaine, maintenant si haut placé.
Eduardo Dimas, à toi la parole.
Eduardo Dimas. Il est né par erreur à La Havane le 16 octobre 1945, d’un émigrant autrichien juif, Walter Reich, et d’une Cubaine. Il a fait des études au collège Baldor jusqu’au bac. Il a émigré aux Etats-Unis avec ses parents en 1960. En 1966, il sort bachelor of Arts de l’université de Chapel Hill, en Caroline du Nord, et en 1973, il obtient une maîtrise de lettres de l’université de Georgetown, une de celles où la CIA recrute justement une bonne part de ses agents et de ses cadres. C’est là que Reich fait la connaissance de Frank Calzón, un terroriste et un agent de la CIA bien connu, avec qui il est toujours lié d’amitié.
Il s’engage dans l’armée en 1967, est reçu officier et jusqu’en 1969, il est fonctionnaire aux questions civiles de l’armée au Panama.
Il revient dans le civil en 1970. En 1970-1971, il est adjoint législatif à la Chambre de représentants. Sa « vie politique » commence.
De 1972 à 1975, il est président de Cormorat Enterprises, une société d’import-export de Miami, et représentant international du département du commerce en Floride.
En 1975-1976, il est coordonnateur du développement communautaire à Miami. De 1976 a 1981, il est directeur à Washington des opérations du Conseil des Amériques.
Durant cette période, Reich est farouchement opposé à la Révolution cubaine. Comme il est loin d’être un phénix, ses prises de position contre celle-ci sont élémentaires.
Bien des gens qui l’ont connu à cette époque le considéraient un agent de la CIA ou du moins comme quelqu’un qui avait des liens avec elle, non seulement parce qu’il avait fait des études à Georgetown et était ami de Frank Calzón qui était, lui, un recruteur, mais aussi parce qu’il a mené des enquêtes secrètes, selon certains.
Il a aussi étudié les raisons de la défaite de la baie des Cochons, mais sans la moindre objectivité et sans évaluer le rôle du peuple cubain dans cette affaire.
De 1981 à 1983, sous Reagan, il est l'administrateur adjoint de l’Agency for International Development des Etats-Unis, la fameuse US/AID, que les agents de la CIA et les terroristes d’origine cubaine utilisent souvent comme façade. Deux exemples : Dan Mitrione, l’agent de la CIA exécuté par des révolutionnaires uruguayens, était membre de l’US/AID ; les trois terroristes qui avaient tenté d’assassiner Fidel Castro en 1971 au Chili l’étaient aussi.
Voici donc un aperçu de Reich jusqu’en 1983.
Randy Alonso. Il vaut la peine de préciser à quel moment Reich est chargé de l’Amérique latine à l’US/AID : c’est une époque où règnent des dictatures militaires dans un grand nombre de pays de la région, où cette agence s’attache à financer les forces réactionnaires du sous-continent, où commence ce qui serait ensuite la grande offensive nord-américaine contre l’Amérique centrale qui a causé, dit-on, plus de 200 000 morts au Guatemala, au Nicaragua, au Honduras et en El Salvador. C’est là un bel exemple des liens de Reich, d’entrée, avec l’extrême droite nord-américaine et avec ses projets pour notre région.
Eduardo Dimas. C’est une époque, en effet, où les dictatures règnent en Amérique centrale, sauf au Nicaragua de la Révolution sandiniste qui avait triomphé justement en 1979 et contre laquelle Reich va jouer un rôle important. Si on regarde maintenant un peu plus au sud, on constate aussi des dictatures militaires en Argentine, au Chili, en Uruguay jusqu’en 1985, au Brésil. Ce n’est donc pas un hasard que Reich occupe ce poste de l’US/AID à ce moment précis.
Randy Alonso. Une agence qui a fourni des fonds abondants à ces gouvernements sous la conduite de Reich, et dont nous connaissons bien le triste rôle tant contre l’Amérique latine que contre Cuba.
Mais Reich n’a pas fait qu’occuper ce poste assez important dans l’administration Reagan. Il a été appelé peu après à un poste bien plus important au département d’Etat, qui a permis à ce sinistre personnage d’être impliqué directement à la sale guerre de son gouvernement, dans les années 80, non seulement contre les sandinistes, mais aussi contre tous les autres pays centraméricains. Reinaldo Taladrid peut nous raconter un certain nombre de choses à ce sujet.
Reinaldo Taladrid. Le poste en question, en 1983, était le suivant : conseiller spécial du secrétaire d’Etat pour la diplomatie publique.
L’histoire de la sale guerre des USA en Amérique centrale, je vais la raconter à partir de rapports publics, dont l’un du General Accouting Office (GAO) qui a enquêté à la demande du Congrès, et d’autres en provenance du Congrès lui-même, en y ajoutant quelques détails de mon cru.
Que dit le rapport du GAO ? « Otto Reich, de son poste, a violé les restrictions imposées au budget annuel du département d’Etat qui lui interdisent d’utiliser des fonds nationaux pour faire de la publicité ou de la propagande non autorisée par le Congrès. »
C’est là le premier de trois grands thèmes : utilisation de fonds indue. Quel était le fond du problème ? Eh ! bien, que les USA n’étaient pas officiellement en guerre contre le Nicaragua, qu’il s’agissait d’actions menées à l’insu du Congrès ou du moins sans son approbation. Si nous traduisons les formules du rapport (« publicité non autorisée ») en bon français, cela veut dire ce qui suit.
D’abord, intoxication des plus éhontées. Comment ? On lui avait donné bien entendu un grand bureau, on lui avait assigné un budget, il participait directement aux réunions de la Maison-Blanche. Alors, ce monsieur, que faisait-il dans son bureau. Tout simplement, il faisait rédiger des articles censément signés par des contras qui se trouvaient dans les camps financés par les Nord-Américains en Amérique centrale et qui ne savaient même pas de quoi ils traitaient. Bref, il falsifiait leur signature et envoyait ensuite les articles aux médias. C’est un délit, bien entendu. Ce n’est pas pour rien que le rapport du General Accounting Office signale : « Il utilisait les noms de meneurs contras pour divulguer des articles dans des organes de presse importants. »
Autre exemple. Il falsifiait sans scrupules les informations, mais d’une façon bien à lui qui est, je crois, une contribution de son groupe aux magouilles politiques: une fois, il a rédigé un rapport informant que le Nicaragua possédait des avions de combats soviétiques Mig, que c’étaient des armes offensives qui mettaient en danger, à le croire, non seulement l’Amérique centrale et les USA, mais jusqu’au monde entier. C’était archifaux bien entendu. Le Nicaragua possédait seulement des hélicoptères armés. Mais le pire, ce n’est pas ce mensonge éhonté. Le pire, c’est qu’Otto Reich faisait le rapport, l’apportait à l’un de ses complices pour qu’il le signe comme son auteur. En l’occurrence, le signataire avait été Robert McFarlane, conseiller à la sécurité nationale. Une fois entériné par ce haut personnage, le rapport faisait l’objet d’une « filtration » à la presse, qui parlait ensuite de « documents obtenus de sources confidentielles », et le tour était joué. Et voilà comme les Mig soviétiques apparaissaient au Nicaragua… Tout ça sortait du bureau d’Otto Reich. Et ça aussi, c’est un délit.
Je me demande : aux Etats-Unis, il n’y a pas si longtemps, pour un scandale privé, intime, de nature sexuelle, on a eu droit à je ne sais combien de fausses déclarations, de rétractations, etc., considérées comme des délits. Et ça, ce n’est pas des fausses déclarations ? Et même de super-fausses déclarations ? De super-mensonges ? Qui mettent même en jeu la sécurité et le prestige des USA et d’une autre nation ?
Randy Alonso. Et d’une région entière, quand on se rappelle les moments de tension qui vivait l’Amérique centrale.
Reinaldo Taladrid. Oui. À les en croire, ces Mig allaient attaquer au moins la Californie - qui était attaquée, c’est vrai, mais par une autre arme dont je parlerai ensuite. Et quelles méthodes ce monsieur utilisait-il pour que le message parvienne haut et clair ? Ecoutez encore le rapport du GAO : « Selon ce que des documents secrets maintenant déclassifiés ont permis de connaître, Otto Reich a même menacé des directeurs de chaînes de télévision et d’autres médias et disposait d’agents spéciaux engagés dans le seul but de surveiller ce que ces médias divulguaient au sujet du conflit interne au Nicaragua, de Cuba et d’autres thèmes. » Typique de la mafia de Miami, comme vous pouvez le constater : des menaces, des agents spéciaux en surveillance, des indics… Et ça, dans l’administration.
Mais il existe un témoignage encore plus révélateur, pas de ce rapport, mais de Francisco Campbell qui était alors conseiller de l’ambassade nicaraguayenne aux Etats-Unis et qui est aujourd’hui président de la Commission des relations internationales du Parlement centraméricain. Ecoutez ce qu’il a dit au journal La Prensa : « Nous étions parvenus à tirer parti des manifestations de solidarité du peuple nord-américain et à les canaliser contre la guerre, et Reich fut chargé de tout faire pour l’empêcher. » Typique, n’est-ce pas ? Le peuple nord-américain, noblement, se rend compte qu’il s’agit d’une guerre injuste et se solidarise avec le Nicaragua, comme ça s’était passé après la guerre du Viet Nam, et Reich est chargé tout simplement de freiner ces sentiments de solidarité, de justice, du peuple nord-américain qui ne voulait pas se retrouver impliqué comme au Viet Nam.
Randy Alonso. Ce bureau de Reich avait deux objectifs essentiels, Taladrid: d’une part, étouffer tout mouvement de solidarité avec le Nicaragua ; de l’autre, créer les conditions nécessaires pour que le Congrès lève l’embargo sur les armes destinées aux contras nicaraguayens.
Reinaldo Taladrid. Cet embargo existait du fait d’expériences antérieures.
Mais je continue de vous lire ce que disait Francisco Campbell : « Depuis ce bureau, Reich s’efforçait d’entraver notre travail, menait une guerre de faible intensité et d’usure à tous les niveaux, nous empêchait de faire des tournées de solidarité dans tout le pays, plaçait des équipes d’espions devant notre ambassade et nous accusait ensuite, nous, d’espionner. Ce Bureau ne cessait d’orchestrer des campagnes antisandinistes selon lesquelles nous poursuivions les juifs ; après, ce n’étaient plus les juifs, mais les personnes de couleur, les Misquitos, au point de parler même de génocide, et ils ont même divulgué des photos dont on a su ensuite qu’il s’agissait de photos prises dans des conflits africains. » Voilà ce que faisait Reich. Belle morale, n’est-ce pas ! Quel respect de la loi !
Campbell poursuit : « Ils insinuaient aussi qu’en vertu de la théorie de l'effet dominos, les sandinistes envahiraient les USA du côté d’Arlington, au Texas, et ils n’arrêtaient pas de divulguer dans le monde entier des choses de ce genre. »
Voilà comme on préparait l’opinion publique : « les sandinistes vont envahir les Etats-Unis. » Rappelez-vous la fameuse phrase de Reagan au sujet d’El Salvador, mais applicable au Nicaragua : « El Salvador est plus de Houston que Houston de New York. » Conclusion : la patrie est en danger ! Et le maître d’œuvre de cette intoxication, c’était Otto Reich.
Voilà comme on intoxique une opinion publique à coups de mensonges, comment on utilise l’argent des contribuables pour couper court à tout sentiment de solidarité. Ça s’est aussi passé et ça se passe aussi contre Cuba, bien entendu.
Pour vous donner une idée de cette propagande, je vais citer de nouveau La Prensa : « Durant ces quinze mois-là, le bureau de Reich a organisé et stimulé 1 570 interviews à la radio et à la télévision, et des réunions avec des conseils de rédaction sur l’Amérique centrale. »
Les gens se laissent utiliser, aussi. Prenez un conseil de rédaction d’un journal qui accepte de recevoir Reich ou l’un de ses acolytes, le conseiller de je ne sais trop quoi de diplomatie publique, qui vous débite tous ses mensonges du haut de son poste : le journal les publie ensuite sans broncher. Pareil à la télévision.
Ecoutez d’ailleurs ce que dit Reich en personne : « Nous sommes parvenus à adresser trois brochures sur le Nicaragua à mille six cents bibliothèques de lycées et d’universités, à cinq cent vingt facultés de relations internationales et de sciences politiques, à cent soixante-deux éditorialistes et à cent sept organisations religieuses. »
Ici, encore, il y a délit, il y a mensonge, il y a violation de la loi, il y a manipulation de la population nord-américaine. Utiliser des photos de conflits africains pour faire croire à un génocide de la part des sandinistes contre les indigènes Misquitos ! Quand certains osent dire que Cuba est une menace, pourquoi s’en étonner ? Reich n’avait-il pas utilisé cette même tactique contre le Nicaragua, contre l’Amérique centrale ?
Mais ce n’est pas tout. Le bureau de Reich avait d’autres visées. Ecoutez le rapport du GAO : « L’utilisation du budget pour faire de la propagande en faveur des contras nicaraguayens et pour collecter des fonds en vue d’acheter des armes pour les antisandinistes. » C’est la seconde facette : collecter des fonds. Je poursuis ma lecture : « La réseau auquel participait Reich a collecté et canalisé de l’argent vers des comptes en banque à l’étranger dans les îles Caïmanes ou sur un compte secret du Lake Resources Bank en Suisse. »
Je tiens à rappeler que bon nombre des personnages clefs impliqués n’ont jamais été entendu par les commissions du Congrès chargées d’enquêter sur le scandale Iran-Contras.
Toujours selon le rapport du GAO, « le bureau de Reich ne suivait pas en règle générale les réglementations fédérales relatives à l’embauche de nombreux individus et de nombreuses compagnies. Et Reich ne connaissait pas normalement les détails des contrats passés par son bureau. »
Ce qui veut dire que ce monsieur ne savait censément pas qui était embauché. Le rapport du GAO ne le dit pas non plus, pas plus qu’il ne dit d’où venaient les fonds.
Le terme d’Iran-Contras est passé à la postérité, mais je préfère l’appeler, moi, le Coca-Contras. Pourquoi ? Tout simplement parce que, pour financer l’achat des armes destinées aux contras, il fallait beaucoup d’argent, beaucoup de monnaies sonnantes et trébuchantes, et cet argent est sorti en bien plus grandes quantités de la vente de drogue, de la vente de cocaïne, que du fameux scandale des armes en Iran. Et ce rapport du GAO n’en dit pas un mot. Comment ça se passait ? Oh, c’était tout bête : des avions décollaient de Homestead en Floride, ou de Californie, atterrissaient sur une base d’El Salvador, Ilopango, déchargeaient les armes et redécollaient bourrés de marihuana et de cocaïne revendues ensuite aux Etats-Unis.
J’ouvre une petite parenthèse. Savez-vous qui était à l’époque à Ilopango, travaillant dans l’équipe de Reich, chargé de réceptionner les avions, de distribuer les arme et de faire en sorte que les appareils repartent aux USA chargés de cocaïne et de marihuana ? Je vous le donne en mille : Luis Posada Carriles ! Reich et Posada Carriles travaillaient dans la même équipe ou dans le même réseau. Autrement dit, Otto Reich - et je le défie bien de me démentir - est complice de ce trafic de drogues puisque ces avions repartaient chargés de cocaïne ! Ce n’est pas moi qui le dis, mais un journaliste du San José Mercury News, Garry Weeb, qui a publié une série de trois articles intitulée « L’alliance obscure », en vue de quoi il a mené une enquête sur la façon dont des officiers de la CIA travaillant pour ce réseau ont vendu de la cocaïne dans le quartier de Watts, à Los Angeles, afin de financer l’achat d’armes. La cocaïne que Luis Posada Carriles envoyait d’Ilopango et qu’Otto Reich se chargeait de faire revendre en douce parvenait donc à Los Angeles. Mais où la vendait-on ? A Bervely Hills ? Non, à Watts, le quartier noir de Los Angeles, le quartier dont Maxine Waters est représentante à la Chambre. Et c’est elle qui a dénoncé tout ceci et qui a contraint le Congrès à former une commission d’enquête. Et le directeur de la CIA à l’époque de Clinton a dû reconnaître qu’effectivement, son agence avait vendu de la cocaïne aux USA mêmes, à Los Angeles, pour acheter des armes. Et c’est de ce trafic qu’est sorti bien plus d’argent que des armes iraniennes. Il est donc plus juste d’appeler cet épisode Coca-Contras, parce que tout le monde, depuis Félix Rodríguez qui avait envoyé Posada Carriles à Ilopango après que la Fondation nationale cubano-américaine fut parvenue à le faire s’enfuir de sa prison vénézuélienne, jusqu'à Luis Posada Carriles en personne, en passant par Donald Greig, qui servait de liaison avec le général Richard Secord et qui travaillait dans le bureau du vice-président d’alors des Etats-Unis, et par Otto Reich, qui se chargeait de camoufler tout ça et de faire croire au peuple nord-américain tout le contraire, autrement dit qu’on le protégeait d’une menace sandiniste, tout le monde, je le répète, a participé d’une manière ou d’une autre à cette contrebande de cocaïne, à ce trafic de drogues, en vue de financer une action politique. Et c’est ce que le rapport du GAO ne dit pas.
Randy Alonso. Il faut rappeler que quand l’un de ces avions avait été abattu au-dessus du Nicaragua, son pilote, Hassenfus, avait déclaré que ceux qui se chargeaient de toute l’opération à Ilopango c’étaient Félix Rodríguez et Luis Posada Carriles, deux contre-révolutionnaires et terroristes que nous connaissons bien, dans le cadre d’une grande opération dirigée par les plus hautes autorités des Etats-Unis. Et Otto Reich savait pertinemment tout ce qu’il se passait, puisqu’il y participait directement à ces opérations en El Salvador et au Nicaragua et quel étaient les gens impliqués.
Reinaldo Taladrid. Qu’il ait été complice d’un trafic de drogues, ça ne fait pas le moindre doute ! De la cocaïne, de la marihuana, pas moins ! Et des mensonges en plus… Il serait condamné par n’importe quel tribunal.
Mais ce n’est pas tout, et il me faudrait bien plus de temps pour parler d’Otto Reich. Des déclarations de pilotes, par exemple. L’un d’eux a raconté à CBS comment il déchargeait la marihuana à Homestead. Un autre a raconté comment on vendait la cocaïne à Los Angeles, comment Posada et Félix Rodríguez étaient eux-mêmes sur les aéroports. En attendant, utilisant l’argent des mécaniciens de Detroit, des agriculteur du Kansas, des Nord-Américains n’ayant rien à voir avec tout ça, Otto Reich disait au peuple nord-américain tout le contraire : défendons-nous des Mig sandinistes - fantômes - et de la menace cubaine ! C’est ça qu’il faisait et c’est ça qu’il refera, parce que c’est tout ce qu’il sait faire…
Mais il y a un troisième aspect dans ce bureau de Reich. Je continue la lecture du rapport du GAO : « Otto Reich a été impliqué dans des activités de propagande larvée et prohibée et a dépassé les limites de ce que l’on peut considérer comme des activités d’information publique. » Vous me pardonnerez les euphémismes de ce genre rapports, parce que cette « propagande larvée » me rappelle les Propagandes silencieuses de Ramonet.
Il ne s’agit pas en l’occurrence de vendre des produits aux gens, mais de leur enfoncer des mensonges dans le crâne, de les imprimer et de leur faire faire le tour du monde. La propagande larvée consistait en ceci.
Le bureau de Reich n’était rien d’autre qu’un bureau de la CIA. Jusqu’à l’administration Reagan, ce travail c’était la CIA qui le faisait, parce qu’elle avait un bureau spécialisé pour ça. Et elle l’avait déjà fait en Europe, par exemple, à la fin de la guerre, pour empêcher les communistes d’arriver au pouvoir en Italie et en France. Mais, avec Reagan, tout ceci est devenu public, légal. Et qui donc s’en est chargé. Tout simplement ceux de la CIA.
Ce n’est pas moi qui le dis. Je vais vous lire un autre rapport, de la commission des Affaires extérieures de la Chambre des représentants de 1988 : «Des officiers de la CIA, experts en actions secrètes et spécialistes des opérations psychologiques du département de la Défense étaient profondément impliqués dans la mise au point des opérations de politique interne et de propagande qui se développaient dans le sombre bureau du département d’Etat, lequel répondait, non aux canaux normaux de celui-ci, mais au Conseil de sécurité national. »
Un rapport de novembre 1987 de la Commission bipartite du Congrès qui avait enquêté sur le scandale Iran-Contras signale : « Dans la pratique, la diplomatie publique s’est convertie en une question de relations publiques et, de lobby aux frais du trésor public. » Par ailleurs, une critique détaillée des opérations de diplomatie publique écrite par un membre de cette commission bipartite a été effacée du rapport final pour divergences entre les membres de la commission. Ce qui veut dire que nous sommes loin de tout connaître des activités du bureau en question.
Que se passait-il donc dans ce bureau ? Eh ! bien, la cible de l’intoxication n’était pas le peuple nicaraguayen, mais le peuple nord-américain, et c’est cette partie-là qui a été effacé du rapport bipartite. Les cibles étaient le grand public, les leaders d’opinion, les patrons, ce qu’on appelle les forces vives. C’étaient eux qu’il fallait intoxiquer. Oui, c’était bel et bien un bureau de la CIA, ce qui explique pourquoi vous y aviez un Otto Reich, un Luis Posada, des gens qui vendaient de la cocaïne aux Etats-Unis mêmes, et qui prenaient pour cible, non l’étranger - car c’est cela que la CIA est censée faire - mais le peuple nord-américain en personne.
On dit que l’être est capable de repentir. Alors, je vais vous lire ce qu’Otto Reich a déclaré hier, mercredi 13 mars, à Washington, selon le journal El Universal: « Il n’a pu échapper à l’ombre des problèmes qui gravitent autour de lui depuis les années 80, quand il a été accusé d’avoir menti au Congrès au sujet de son rôle dans le scandale Iran-Contras. » Et Reich a répondu : « Il n’y a rien de quoi j’ai à rougir. »
Il n’a donc pas à rougir de tout ce qu’il a fait dans ce bureau, d’avoir menti dans ce bureau, d’avoir introduit de la drogue aux Etats-Unis, d’avoir travaillé à l’unisson avec des terroristes qui ont du sang sur les mains, des morts sur la conscience, d’avoir berné le peuple nord-américain en utilisant l’argent de celui-ci, d’avoir pratiquement détruit la région centraméricaine à cause de ce que cette agression lui a coûté non seulement en vies, mais encore en sous-développement, en problèmes sociaux, en particulier des vagues d’émigration. Il n’a pas à se repentir des terribles problèmes qu’il a contribué à provoquer, de la pauvreté, du chômage, de la misère. Quant à aider à les régler, n’y comptez pas. Il n’a rien à se reprocher, dit-il.
Quand un gouvernement met quelqu’un comme Otto Reich à un poste aussi élevé, cela veut dire qu’il gouverne, non pour le peuple et par le peuple, mais contre lui, tout simplement. Cela veut dire qu’il est gangrené quelque part
Randy Alonso. Il ne fait pas de doute que l’Otto Reich des années 80 a été un complice du trafic de drogue, un complice du terrorisme, un complice des massacres dont ont été victimes des centaines de milliers de Centraméricains pendant la sale guerre des Etats-Unis contre cette région. Merci, Taladrid.
Quand le scandale Iran-Contras a éclaté, quand le Congrès a commencé à fouiner, quand la permanence au pouvoir des principaux dirigeants de cette administration a été mise en danger, quand il valait mieux qu’un Otto Reich ne se montre plus à Washington, Reagan l’a nommé ambassadeur au Venezuela où il a continué de parrainer des terroristes. Rogelio Polanco nous en parle.
Rogelio Polanco. Après ces agissements scandaleux en Amérique centrale, après ce bureau du mensonge et de la calomnie, après ce trafic de drogues et d’armes aux Etats-Unis mêmes, Otto Reich méritait bien une récompense : rien moins qu’ambassadeur au Venezuela où il est resté de 1986 à 1989. Bien contre la volonté du gouvernement qui était soumis aux pressions de différents secteurs progressistes, en particulier des étudiants, qui connaissaient bien entendu les antécédents de ce personnage et qui n’avaient pas la moindre envie de le voir comme représentant des USA.
Selon de nombreuses sources, son séjour d’ambassadeur s’est caractérisé par sa médiocrité. Il ne pouvait en être autrement. En plus, le secteur patronal nord-américain lui a aussi reproché du peu qu’il avait fait pour resserrer les relations commerciales entre les deux pays, car il s’était complètement aligné sur les positions du groupe économique vénézuélien d’origine cubaine et sur des positions anticubaines extrémistes. Il a même été vertement critiqué pour son ingérence dans les affaires intérieures du pays quand il s’est opposé publiquement à ce que Fidel Castro assiste à la prise de possession de Carlos Andrés Pérez qui l’avait invité personnellement. Des agissements de proconsul nord-américain, quoi!
En 1989, compte tenu de tous ces fiascos, il a tenté de chercher le soutien de différents secteurs pour rester à son poste, mais sans succès.
En tout cas, l’un des points les plus symptomatiques du séjour de Reich au Venezuela, ç’a été ses relations au terrorisme, ce qui ne doit pas nous étonner. Il s’est lié rien moins qu’à Orlando Bosch, au point que le sénateur Christopher Dodd qui s’est farouchement opposé à ce que Reich soit nommé au poste qu’il occupe aujourd’hui, a écrit dans un rapport sur ce point : « Tout le temps que Reich a été ambassadeur au Venezuela, il a servi en quelque chose de parrain de Bosch. »
En effet, une fois arrivé au Venezuela, Reich - on le sait par des dépêches déclassifiées - a demandé au département d’Etat si Bosch pouvait bénéficier d’un visa d’entrée aux USA. Inutile de dire, n’est-ce pas, qui est Orlando Bosch, nous en avons parlé plus d’une fois ici, l’un des terroristes les plus notoires du continent qui se promène aujourd’hui librement aux Etats-Unis. A un autre moment, Reich a informé Washington que des amis de Bosch - on sait quels sont les amis de Bosch- étaient prêts à le faire sortir au plus vite du Venezuela quatre heures à peine après sa libération. Il était donc tout à fait au courant des démarches entreprises par la mafia anticubaine de Miami et par l’extrême droite nord-américaine pour acquitter Bosch, le faire sortir du Venezuela et lui assurer l’impunité.
Randy Alonso. Des démarches dans lesquelles il a joué lui-même un rôle important.
Rogelio Polanco. Auxquelles il a participé directement. Les preuves existent. Peu de temps après l’arrivée de Reich, Bosch a été acquitté et est gagné les Etats-Unis. A ce moment, la mafia a joué son va-tout. On connaît les démarches entreprises par la « grande méchante louve » pour obtenir qu’il puisse entrer aux Etats-Unis et aussi ce qu’on dit les autorités nord-américaines de l’époque.
Randy Alonso. Je voudrais m’arrêter sur ce moment-là parce qu’il est important. Taladrid nous a parlé du bureau public du département d’Etat où Reich se convertit en fabriquant de mensonges. Cette histoire de Bosch est aussi un autre bel exemple de l’art de Reich de vivre dans le mensonge : il devait bien entendu justifier qu’il puisse réclamer l’entrée aux USA d’un terroriste recherché par les autorités nord-américaines en personne. Alors, il ne s’est pas contenté d’enquêter auprès de ses amis du département d’Etat si Bosch pouvait bénéficier d’un visa, il a fait mieux : il a prétendu que si Bosch était acquitté et restait au Venezuela, il courait le risque d’être assassiné par les Cubains et qu’il devait donc recevoir la protection du gouvernement nord-américain.
Rogelio Polanco. Oui, un mensonge de plus, une calomnie de plus d’un expert en la matière ! Il a affirmé que Bosch devait être protégé sans retard, entrer aux USA, parce que, selon ses sources, un commando cubain allait l’assassiner.
L’Attorney General adjoint de l’époque, Joe Whitley, avait pourtant affirmé : « Orlando Bosch persiste résolument dans son idéologie de la violence terroriste. Il a menacé et réalisé des actions terroristes violentes contre de nombreuses cibles, y compris dans des nations amies des Etats-Unis et leurs hauts fonctionnaires ; il a exprimé à maintes reprises sa satisfaction d’avoir causé des lésions graves, voire la mort. Ses actions sont celles d’un terroriste qui bafoue les lois ou la décence humaine, et recourt à la violence indépendamment de l’identité de ses victimes. » Voilà ce que disait le vice-ministre nord-américain de la Justice à l’époque dans un rapport repoussant le pourvoi présenté par les amis de Bosch devant une cour fédérale pour en éviter l’extradition. On sait ce qui s’est passé, pourtant : Bosch a bénéficié d’une remise de peine de la part du président en 1990 et il se balade librement dans les rues de Miami !
Randy Alonso. On trouve beaucoup de choses sur Internet à propos de ce sinistre personnage - on peut y passer des heures - et j’ai pu y lire, entre autres, qu’il avait organisé en 1989 une fête à laquelle il avait invité des centaines de personnalités vénézuéliennes pour tenter de les convaincre d’intercéder auprès du gouvernement nord-américain afin que celui-ci le maintienne à son poste d’ambassadeur, parce qu’il y avait une très forte opposition à ce qu’il reste au Venezuela, à cause de sa médiocrité, de son ingérence dans les affaires du pays. Mais ça a raté parce qu’il a dû partir. Certains disent qu’il a démissionné cette même année. Toujours est-il qu’il a été le protagoniste d’un des épisodes les plus scandaleux - et Dieu sait s’il y en a - de l’histoire des ambassadeurs nord-américains dans ce pays : avoir contribué à l’acquittement d’un des terroristes les plus notoires, Orlando Bosch, recherché alors par la justice nord-américaine, avoir soutenu les démarches de la mafia de Miami auprès des autorités nord-américaines et devant le président en particulier pour que celui-ci lui concède la remise de peine.
On sait par ailleurs que Reich se rend fréquemment à Miami, a des récentes réitérées avec la mafia anticubaine auprès de laquelle il reste très actif.
Donc, Reich rentre aux USA à la fin de sa mission - si on peut appeler ça comme ça - diplomatique à Caracas. Il se consacre alors à faire du lobby à Washington pour promouvoir auprès des législateurs des lois favorables aux intérêts des grandes compagnies nord-américaines et soutenir à fond toutes les actions anticubaines présentées au Congrès. Rappelons que nous sommes au début des années 90, au moment où l’Union soviétique est en train de se désintégrer et finit par disparaître, où le gouvernement nord-américain renforce ses pressions contre notre pays, resserre le blocus… Et c’est alors, au beau milieu de cette offensive contre la Révolution cubaine qu’Otto Reich est nommé - tenez-vous bien ! - ambassadeur suppléant à la commission des Droits de l’homme à Genève. Nous sommes en 1991. Arleen Rodriguez nous parle de cette époque.
Arleen Rodríguez. Je crois que cette nomination a été la première grande offense à l’Amérique latine - avant cette désignation par décret que nous sommes en train d’analyser. Nommer un terroriste notoire - et je dis terroriste parce que Reich a promu le terrorisme d’Etat de son pays en Amérique centrale - comme ambassadeur suppléant devant la Commission des droits de l’homme de Genève, en substitution, ni plus ni moins, de quelqu’un dont tout le monde se souvient, un vrai clown, quelqu’un qui se faisait passer pour paralytique, mais que tout le monde a vu ensuite en train de faire des exercices et descendre de l’avion à Paris agile comme un lapin !
Donc, Otto Reich occupe ce poste pendant deux ans, 1991 et 1992, dans le cadre, bien entendu, de la politique anticubaine de Washington. Rappelons que la grande campagne contre notre pays à Genève avait commencé en 1987, justement pour contrecarrer le rôle et l’influence que Cuba y exerçait par sa dénonciation constante des violations des droits de l’homme commises en Amérique latine, et en particulier en Amérique centrale avec les cas d’El Salvador et du Guatemala. C’est aussi l’époque où les Etats-Unis parviennent à imposer la désignation d’un représentant du Secrétaire général de l’ONU au sujet des prétendues violations de droits de l’homme à Cuba., un représentant qui démissionne l’année suivante parce que sa mission n’avait aucun sens.
C’est justement durant les deux années de Reich à la CDH que les Etats-Unis exercent le plus de pressions. C’est aussi le moment où des opportunistes, une fois le camp socialiste effondré, pensent l’occasion propice de s’en prendre à Cuba à cette Commission où, depuis de nombreuses années, les pays du Nord se livraient à des manipulations à des fins politiques et continuent d’ailleurs de le faire.
Il faut aussi rappeler que c’est à cette époque que Washington tente d’utiliser la Communauté européenne d’alors pour qu’elle parraine des résolutions contre Cuba. C’est finalement l’Europe de l’Est qui s’en chargera. C’est à l’époque de Reich que la Tchécoslovaquie accepte de parrainer et de présenter une résolution qui impose un Rapport spécial pour les droits de l’homme à Cuba, et ce jusqu’en 1998 où cette manœuvre des Etats-Unis est finalement battue aux voix.
Voilà donc les états de service de ce personnage à Genève, où il a été nommé bien entendu, tout comme son prédécesseur, Armando Valladares, sous les pressions de la mafia de Miami qui a toujours été derrière des individus pareils. Même s’il ne semble pas que ce soit la meilleure proposition de cette mafia.
Mais j’envisage cette nomination surtout dans le cadre de l’offensive politique des USA contre l’Amérique latine. Placer Reich à ce poste, en effet, ne signifiait pas seulement une recrudescence de la politique anticubaine des Etats-Unis - une preuve de plus, après le passage de Valladares, que Washington est totalement obsédé par Cuba à la CDH et en fait son instrument de pressions politiques favori - mais cela impliquait une terrible offense envers les peuples centraméricains. Les crimes contre ceux-ci avaient en effet redoublé pendant cette période, justement à l’époque où Otto Reich jouait un rôle si marquant dans la recrudescence de la politique nord-américaine dans cette sous-région.
Randy Alonso. La politique des Etats-Unis était on ne peut plus claire. D’abord, Washington nomme un terroriste comme Armando Valladares, un type qui avait posé des bombes dans notre pays, qui y avait fait du terrorisme. Ensuite, il nomme Otto Reich qui a été une des pièces de la politique de terrorisme d’Etat menée par son pays en Amérique centrale, une politique qui a abouti à la mort de centaines de milliers de personnes dans cette sous-région. Voilà donc quels sont les défenseurs des droits de l’homme parlant au nom des USA à la commission de Genève !
Arleen Rodríguez. Oui, c’est un fait que les USA ne se trouvent pas à la Commission de Genève comme un pays de plus dans le cadre de la mission qui a été confiée à celle-ci, autrement dit contribuer à l’analyse des violations flagrantes, massives et réitérées des droits de l’homme partout dans le monde, mais qu’ils y mènent une politique qui vise ouvertement Cuba, comme le prouve le fait que Washington ne cesse d’y nommer comme représentant des individus d’origine cubaine d’extrême droite parmi les plus virulents et les plus extrémistes qui soient. La nomimation de Reich venait donc confirmer ce que nous ne cessons de répéter : les USA visent spécialement Cuba à la Commission des droits de l’homme.
Randy Alonso. Je te remercie. Les années 90 ont marqué une recrudescence des politiques les plus agressives et les plus criminelles des USA contre la Révolution cubaine, avec l’aide, bien entendu, de la mafia cubano-américaine et de ses plus sinistres personnages. Et Otto Reich y a contribué directement. Juana Carrasco nous en parle.
Juana Carrasco. Disons donc que, durant toute cette décennie-là - mais ça continue aujourd’hui même - Otto Reich s’est escrimé à entraver le commerce de Cuba, à renforcer le blocus, à soutenir les groupuscules contre-révolutionnaires internes, à mener des activités subversives dans des secteurs comme la presse et les scientifiques, à utiliser la Section d’intérêt des Etats-Unis à La Havane, à défendre le loi Helms-Burton, à défendre la société Bacardi, à tout faire pour le petit Elián González ne soit pas rendu à son père. Et il a utilisé essentiellement deux organisations : l’US-Cuban Business Council (le Conseil des affaires cubano-américaines) et le Center for a Free Cuba (le Centre pour une Cuba libre), de Frank Calzón. Voyons donc à quelles activités de nature « universitaires » - il a en effet participé intensément à des programmes, des forums, à des séminaires, à des tables rondes - s’est consacré Reich durant cette étape.
L’US-Cuban Business Council travaille spécifiquement dans les secteurs politiques, universitaires et politiques, en vue de décourager l’établissement de liens commerciaux, d’investissements ou d’affaires de sociétés nord-américaines avec Cuba et aussi, dans la mesure du possible, des sociétés de n’importe quel autre pays. Au nom de quel argument ? La défense du droit de propriété. De qui ? Des sociétés nord-américaines nationalisées dans les premières années de la Révolution et non indemnisées, selon eux. C’est la rhétorique de la loi Helms-Burton.
Quel est le second objectif de cette organisation ? Mener des programmes et des études universitaires dans le seul but de désinformer l’opinion au sujet de la situation socio-politique et économique de Cuba. Dans quel but ? Renforcer la politique de blocus et tenter de stimuler la subversion interne.
Ainsi donc, en 1991, Reich assiste à une réunion de la Fondation nationale pour la démocratie (la NED selon le sigle anglais) où il affirme : « Tant que Fidel Castro sera à la tête de la Révolution cubaine, Cuba ne changera pas. » Conclusion : il fallait que l’administration nord-américaine continue d’exercer les plus fortes pressions pour provoquer des changements au plus haut niveau de notre Révolution. Comme, nous le savons, c’est un spécialiste de la « publicité diplomatique » fondée sur le mensonge, il a continué d’en dire : par exemple, que « Cuba n’avait pas la moindre intérêt à nouer et à développer des relations économiques avec l’Amérique latine », qu’il fallait renverser la Révolution cubaine et que ce renversement allait de toute façon avoir lieu de manière violente. Rappelons que nous sommes en 1991, voilà onze ans, et que ce renversement allait se produire dans l’immédiat. C’est une bien mauvaise pythonisse ! Il insistait qu’il fallait utiliser contre Cuba la même politique qui avait donné tant de fruits contre l’Union soviétique dans les années 80. Cette NED avait en effet travaillé pour semer la subversion en Union soviétique et dans les autres pays socialistes d’Europe, et il fallait donc rééditer ces manœuvres contre la Révolution cubaine.
Qu’avait donc suggéré Reich à cette Fondation ? De soutenir les groupuscules contre-révolutionnaires à Cuba et d’impliquer dans cette opération des dirigeants latino-américains.
Quant à l’autre organisation, l’US-Cuba Business Council - je ne sais trop ce que vient faire Cuba là-dedans, parce que c’est une affaire des Etats-Unis - elle prévoyait de mener en 1999 et en 2000 des activités subversives dans notre pays, tout en cherchant des soutiens aux USA mêmes. Elle publiait un bulletin mensuel, Voces de Cuba, qu’elle prétendait distribuer non seulement aux USA, mais aussi dans notre pays avec la collaboration de la Section d’intérêts de La Havane, afin qu’il parvienne surtout à des travailleurs de la presse, à des scientifiques, à des intellectuels. Les nouvelles de ce bulletin reposaient censément sur des informations téléphoniques fournies depuis Cuba. Inutile de dire que c’étaient des nouvelles absolument dénaturées.
Par ailleurs, Reich a participé, je l’ai dit, à de nombreuses conférences, à des congrès, où il apparaissait comme un grand spécialiste de Cuba, y défendant la politique de sanctions contre nous, la politique d’hostilité permanente.
Randy Alonso. La haine viscérale d’Otto Reich contre la Révolution cubaine et Fidel Castro n’est pas une mode chez lui, elle vient de loin, et elle s’est manifestée avec encore de plus de rage et de virulence dans les années 90 où, selon la théorie de l'effet dominos, la Révolution cubaine allait s’effondrer d’elle-même sous le poids des événements.
Juana Carrasco. Une grande partie de l’opposition qui s’est déclarée face à sa nomination au département d’Etat vient justement de ce trait-là : c’est un homme qui va à contre-courant, c’est un vrai obsédé, atteint d’une haine et d’une hostilité maladives envers la Révolution cubaine. Et une des choses qui l’empêchent de dormir, c’est les voyages toujours plus nombreux de Nord-Américains dans notre pays. Il a toujours fait pour les empêcher.
Par ailleurs, comme c’est un menteur impénitent pour qui le mensonge est une façon de vivre, il a violemment critiqué le rapport rédigé aux Etats-Unis pour analyser les retombées du blocus sur la santé publique à Cuba.
Randy Alonso. Rédigé, soit dit en passant, par l’une des institutions de santé les plus prestigieuses des Etats-Unis.
Juana Carrasco. En 1998. Et Reich a dit que tout ceci était faux. Notre peuple sait bien pourtant, par son propre expérience, que c’est vrai, et que le rapport ne dit même pas tout.
Reich a aussi promu un certain nombre de projet de loi au Congrès, surtout pour punir les sociétés de pays tiers qui feraient des investissements dans ce qu’il appelle, lui, les anciens biens nord-américains notre pays. Un point que l’on retrouve dans la loi Helms-Burton. Mais je ne vais pas parler de ce dernier point, qui sera abordé plus tard.
Le comble, c’est que ce Business Council a prétendu faire de Reich la personne chargée de collecter les dons en médicaments et en aliments destinés à Cuba, selon la version présentée par l’ennemi juré de Cuba, le sénateur Jesse Helms ! C’étaient bien entendu des conditions absolument inacceptables. D’autant que ces dons devaient être distribués à Cuba par les groupuscules contre-révolutionnaires ou par de prétendues organisations privées de notre pays !
En 1994, Reich s’est présenté à une audience du Congrès pour s’opposer à un projet de loi parrainé par Charles Rangel en vue de lever le blocus contre Cuba et pour réclamer au contraire une recrudescence des sanctions.
En mars 1995, il a assisté à une table ronde organisée par la Fondation Heritage, une des « usines à penser » les plus ultra-conservatrices des Etats-Unis, et il y a déclaré textuellement : « Rien ne ferait plus plaisir à Castro qu’une invasion des Etats-Unis, mais ceux-ci ne vont pas le faire parce que ce serait entrer dans son jeu. » Comme si nous pouvions nous réjouir d’une invasion qui coûterait tant de vies à notre peuple ! Mais comme Reich est un Pinocchio invétéré, il ne sait vivre que dans le mensonge…
Il passe son temps à dénigrer la Révolution cubaine, à dénaturer la situation socio-politique de notre pays. Il a même prétendu un moment que le gouvernement nord-américain envoie des messages à nos forces armées, à nos militaires pour que ceux-ci se joignent à une action subversive, contre-révolutionnaire. Comme il est habitué aux forces armées des autres pays latino-américains, il pense que les nôtres aspirent à faire un coup d’Etat !
En 1996, il est devenu ni plus ni moins que conseiller de politique extérieure pour l’Amérique latine du candidat présidentiel républicain Robert Dole. Vous pouvez imaginer la politique qu’il prônait ! Mais les campagnes présidentielles sont un excellent bouillon de culture pour les manigances d’individus comme Otto Reich. Si Dole avait gagné, il pensait occuper un poste élevé au gouvernement.
En tout cas, les actions et les magouilles de Reich ont toujours été soutenus par deux personnages qui sont partie prenante de toute activité contre-révolutionnaire contre Cuba : les législateurs Lincoln Díaz-Balart et Ileana Ros-Lehtinen.
Dimas me disait tantôt que Reich a fait partie de la direction du Centre pour une Cuba libre aux côtés de Frank Calzón.
Randy Alonso. Une organisation créée par celui-ci en 1997.
Juana Carrasco. Et Frank Calzón est un agent recruteur de la CIA. Et dans cette organisation, Reich a participé aux actions du Deuxième Volet de la loi Torricelli. Bref, tout ce qui s’est fait contre Cuba dans les années 90, vous pouvez être sûrs qu’Otto Reich y participait activement.
Randy Alonso. J’ajoute qu’il a participé pendant pas mal de temps au programme « Choque de opiniones » de la CNN en espagnol où il défendait les vues les plus réactionnaires de l’extrême droite nord-américaine et se présentait en porte-parole de la mafia anticubaine.
Arleen Rodríguez. Et pas seulement contre Cuba.
Randy Alonso. Non, contre n’importe quoi.
Arleen Rodríguez. J’ai vu plusieurs débats. Il se présentait aussi surtout comme un porte-parole de la guerre froide, le type qui avait toujours le discours le plus réactionnaire sur l’Union soviétique qu’il présentait comme le diable…
Juana Carrasco. Tu dois sans doute penser, Randy, à un débat qu’il a eu avec l’avocat José Pertierra au sujet du cas Elián González. Mais ce n’est pas tout. Non seulement il a réclamé à cor et à cri que le petit Elián reste aux USA, séparé de son père et de sa famille, non seulement il a tout fait pour entraver le commerce entre les deux pays, mais il a aussi fait des pieds et des mains pour empêcher quelque chose d’aussi simple que des matchs de base-ball entre Cuba et les Etats-Unis !
Randy Alonso. Le débat dont je parle a eu lieu sur la PBS, le 2 décembre 1999, face à l’avocat José Pertierra. Ce sinistre personnage s’y est montré dans toute sa nudité, défendant à outrance qu’Elián Gonzalez devait rester aux Etats-Unis, séparé de son père, de sa famille et de son pays, et tout ça pour défendre les intérêts les plus perfides de la mafia terroriste et criminelle de Miami.
Passons à un autre thème. On dit que, depuis quelques jours, les invités latino-américains du département d’Etat sont invités à boire un verre de rhum Bacardi. Et ce n’est pas parce que le secrétaire d’Etat aime précisément cette boisson, mais parce que Reich, chargé de recevoir les Latino-Américains, est l’un des grands protégés de Bacardi & Martini, cette société qui a tenté de promouvoir systématiquement des actions contre la Révolution cubaine et a été le principal bailleur de fonds pour obtenir le vote au Congrès de la loi de l’Esclavage - comme Raúl Castro a qualifié la loi Helms-Burton. C’est là un bel exemple, un de plus, de la haine viscérale de cet individu envers non seulement le peuple cubain, mais tous les peuples du monde. Rogelio Polanco a des choses à nous dire là-dessus.
Rogelio Polanco. « La Mafia s’empare de Bacardi », voilà comment on pourrait intituler ce nouveau chapitre d’Otto Reich qui a reçu de fortes sommes d’argent de cette transnationale qui a tenté de priver notre pays de la marque Havana Club.
C’est en 1994 que Reich a commencé à faire du lobbying avec sa société RMA-International en faveur de Bacardí-Martini Inc., dont il a reçu beaucoup d’argent, au moins 600 000 dollars, selon des sources de la mafia elle-même. Cet argent récompensait bien entendu les pressions exercées pour faire voter la loi infâme et criminelle Helms-Burton et la section 211 relative aux marques et brevets qui a apporté tant de bénéfices à Bacardi. C’est aussi la période durant laquelle Reich est cadre du Business Council, créé en 1993 et au sein de laquelle on trouve Bacardi et d’autres transnationales qui le soutenait en vue de précipiter une transition pacifique vers une Cuba post-révolutionnaire. Bacardi, bien sûr, comme l’un des principaux piliers de ce Council, mais aussi Kelley Drie and Warren, Chiquita, Coca-Cola, Ford-Motors, General Motors, le Miami Herald, Pepsi-Cola, Texaco, et bien d’autres.
Aussi bien comme conseiller juridique de Bacardi à travers sa société RMA-International, que comme président du Business Council, Reich a participé à de nombreuses réunions, dont, en 1995, une audience de la sous-commission pour l’Amérique de la commission des Relations internationales de la Chambre des représentants, qui s’est prononcé en faveur de la recrudescence du blocus contre notre pays.
C’est aussi avec le soutien d’Helms et du trio de législateurs anticubains qu’il a engagé de nombreuses actions légales pour empêcher des investissements de sociétés étrangères dans notre pays. Là, il agissait de connivence avec son ami de l’université Georgetown et agent de la CIA, Frank Calzón. Son point clef, c’était le renforcement du blocus.
Reich a joué un rôle fondamental dans l’approbation de la loi Helms-Burton, offrant ses prétendus « conseils ». Rappelons qu’il s’agit d’une loi extraterritoriale, le prototype d’une loi carrément colonialiste vis-à-vis des autres pays, d’une loi qui détaille par le menu ce que devra être une Cuba post-révolutionnaire et qui codifie l’ensemble du blocus. Qui stipule par ailleurs que le blocus ne sera levée qu’une fois payées toutes les indemnisations relatives aux biens nord-américains confisqués, comme ils disent, et rendues tous les biens à leurs anciens propriétaires, ce qui inclut, bien entendu, tous les mafieux cubains installés aux Etats-Unis. Cette même loi stipule aussi que le président des Etats-Unis devra nommer un « coordinateur » pour surveiller cette période de transition et pour distribuer l’aide nord-américaine à ce gouvernement de transition. Remarquez bien que cette loi ne parle jamais d’un gouvernement cubain : elle parle constamment d’un gouvernement de transition, d’un proconsul nord-américain, de ce « coordinateur » qui serait consulté pour nommer - voyez un peu quelle coïncidence - un Conseil d’affaires Etats-Unis/Cuba ! Exactement le titre de l’organisation de Reich ! Ni plus ni moins !
Ceci apparaît à la section 203 de la loi Helms-Burton. Ce conseil serait chargé de coordonner les activités du gouvernement nord-américain et du secteur privé pour répondre aux changements survenus à Cuba. Le scénario serait donc le suivant : la Révolution s’est effondrée, les biens nord-américains nationalisés seraient rendus à leurs propriétaires, ces gens-là seraient indemnisés, et c’est alors que ledit Conseil commencerait à organiser des rencontres périodiques entre les représentants des secteurs privés nord-américains et cubains pour faciliter le commerce bilatéral. On dit que l’idée vient de Reich : autrement dit que le président de cette organisation devienne le président de ce même Conseil chargé de tout ça. Et tout ceci a été mis au point alors qu’il existe encore une Révolution cubaine, un gouvernement souverain à Cuba ! Et pourtant, vous voyez, là-bas, ils ont déjà nommé un proconsul chargé de la transition démocratique à Cuba…Je crois que c’est une preuve de l’infamie de cette loi, de l’ingérence de Reich, l’envahisseur nommé par ses maîtres nord-américains pour après la Révolution. Mais comme tous les Cubains le savent, ce poste restera vacant, parce que ce scénario ne se tournera jamais !
Randy Alonso. Dan Risk, ancien conseiller du sénateur Jesse Helms et rédacteur - on le sait maintenant - de la loi en question, a reconnu que Reich avait été l’un de ceux qui avaient apporté le plus de conseils lors de sa rédaction et qu’il avait assisté à l’audience législative du Congrès qui avait discuté de ce projet criminel à titre d’expert légal.
Le rôle de Reich dans tout ça n’est pas un hasard. D’une part, ses liens directs avec Bacardi dont il a reçu des centaines de milliers de dollars ; de l’autre, le rôle assigné au fameux Business Council dans cette loi. Mais il faut ajouter que celle-ci prévoit d’autres assignations de fonds à des groupes comme le Center for a Free Cuba dont il est un des cadres. Et, de fait, depuis 1996, l’US-Cuba Business Council et le Center for a Free Cuba ont reçu plus de trois millions de dollars du gouvernement nord-américains pour mener de activités contre la Révolution cubaine.
Rogelio Polanco. La loi Helms-Burton ou loi Bacardí.
Randy Alonso. Oui, beaucoup l’appellent comme ça, à juste titre, Inutile de dire qu’une bonne partie de ces trois millions a fini dans la poche de Reich. Je te remercie, Polanco.
(Projection de vidéos.)
Randy Alonso. La participation active de Reich à la politique anticubaine des différentes administrations nord-américaines, surtout depuis les années 90, a énormément à voir avec ses liens étroits avec l’extrême droite de ce pays et en particulier avec la mafia terroriste de Miami. Là-dessus, Taladrid a des choses à nous dire.
Reinaldo Taladrid. Je voudrais revenir à un point de mon intervention précédente. Je disais que la participation de Reich au trafic de drogues avait été dénoncé par un journaliste du San José Mercury News, Gary Weeb. Eh ! bien, je tiens à dire que celui-ci a été licencié pour cette dénonciation. Or, rappelez-vous, quelques années plus tard, le directeur de la CIA reconnaissait que tout était vrai. Curieusement, la grande presse de l’époque l’avait attaqué non sur le fond de ses articles, mais sur des problèmes personnels. Oui, mais quand, quelques années plus tard, ce même grande presse a dû publier le résultat de l’enquête qui donnait raison à ce journaliste, elle l’a fait au lendemain des élections, quand personne ne s’intéressait à ce genre de choses. Par exemple, le Washington Post l’a fait en page 5, en tout petit. C’est là un bon exemple des agissements d’une certaine presse. N’oublions pas par ailleurs que Reich avait créé une espèce de bureau de censure dans le style de la Gestapo, pour poursuivre les journalistes, intimider la presse. Ce genre de méthodes reste, bien entendu. Mais c’est le prix que vous avez à payer quand vous introduisez des mafieux dans votre administration !
Tu me demandes donc de parler des liens de Reich avec la mafia. En fait, il ne s’agit pas de liens : Otto Reich fait tout simplement partie intégrante de la mafia terroriste cubano-américaine.
J’ai choisi certains moments pour le prouver. Un peu par ordre chronologique.
Prenons l’époque dont parlait Polanco, quand il était ambassadeur au Venezuela. En 1987, par exemple, il organisait des réunions privées, financées sur l’argent du gouvernement, où l’on trouvait des gens comme Huber Matos, ou comme Carlos Alberto Montaner, dont certains disent que c’est un des terroristes les plus précoces du continent.
Randy Alonso. Puisque tu parle de ça, je tiens à signaler que l’un des alliés les plus solides de l’ambassadeur Reich, c’était Huber Matos, un contre-révolutionnaire bien notoire, qu’il recevait à l’ambassade, avec qui il coordonnait des plans et des actions au Venezuela.
Reinaldo Taladrid. En fait, Hubert Matos a toujours cherché à rivaliser en financement avec la mère de toutes les mafias anticubaines, autrement dit la Fondation nationale cubano-américaine. Par exemple, il avait tenté de lancer quelque chose comme Telecid, et la FNCA a rétorqué en lançant Télé Martí. Matos en fait s’est usé dans cette espèce de guerre entre gangs de mafieux. Il se peut que Reich ait misé sur le mauvais cheval au départ, avec Matos. Après, il a misé sur la Fondation, et là, je peux te dire qu’il a signé avec elle une alliance inconditionnelle.
Je disais donc qu’à ces réunions privées avec Matos et Carlos Alberto Montaner, Reich leur avait promis ce qui suit : « Washington est prêt à contribuer à la cause anticubaine en accroissant son aide financière aux organisations contre-révolutionnaires installées au Venezuela. » Si je cite ça, c’est parce que vous verrez que, comme toujours, qui sème le vent récolte la tempête. Parce que tous ces groupes contre-révolutionnaires cubains basés au Venezuela qui ont reçu de l’argent de Miami et même du gouvernement nord-américain participent à une conspiration visant à renverser un gouvernement légitime : comme ambassadeur, Reich a stimulé et financé ces groupes qui mènent aujourd’hui des actions illégales et subversives pour renverser le gouvernement vénézuélien en place. Otto Reich est au départ de tout ceci.
En 1991, Otto Reich commence à travailler à un projet de la Fondation - en fait, il devient un peu l’ambassadeur de Bush pour tous les projets anticubains - qui s’intitule « Mission Martí » en vue, ni plus ni moins, que de former les futurs dirigeants de Cuba. Tu imagines un peu les cours qu’on devait y donner ! Comment faire disparaître l’argent de la municipalité de Miami pour le faire reparaître dans les coffres de la Fondation ; comment faire payer pour un mètre carré de bitume sept fois plus que la normale ; comment acheter une société de téléphone espagnole, la faire disparaître de la circulation et jeter à la rue des milliers de travailleurs… Alors, tu peux comprendre pourquoi cet argent que la Fondation vole de partout -- de la mairie de Miami, d’Espagne et d’un peu partout - finit un jour par refaire son apparition dans une prison de Panama. Je ne blague pas : les quatre terroristes incarcérés au Panama viennent de recevoir un chèque de cinq cent mille dollars à se distribuer entre eux ! Oui, j’imagine que ce genre de chose faisait partie des cours qu’on donnait dans le cadre de la « Mission Martí ». Il devait y avoir aussi des séminaires et des cours pratiques.
Randy Alonso. Comment poser des bombes, par exemple.
Reinaldo Taladrid. Oh ! pour ça, il y avait sûrement Martín Pérez ou Pepe Hernández, spécialiste des fusils calibre 50 capables de traverser de gros blindages. C’était peut-être la façon dont ils estiment qu’il faut organiser des sommets ibéro-américains : avec des attractions de tir à la cible !
Randy Alonso. Ou de pose de bombe dans un grand amphi rempli d’étudiants.
Reinaldo Taladrid. Ou d’assassinat d’un prix Nobel à l’occasion d’une promenade en calèche dans une ville déclarée Patrimoine de l’humanité, Cartagena de Indias, ou de mitraillage d’une station balnéaire ou de sabotage d’un avion en plein vol… La « Mission » de la Fondation nationale cubano-américaine devait sans doute enseigner des matières de ce genre. Et le sieur Otto Reich a participé à la formation des cadres pour ce projet !
Mais il a été aussi un des parrains de Radio Martí. Et à deux titres : d’abord, pour en obtenir l’approbation quand il était chef de ce fameux bureau de diplomatie publique.
Randy Alonso. C’est exact. Elle a été approuvée quand il était le chef de tous les mensonges.
Reinaldo Taladrid. Rappelle-toi Alexander Haigh, qui était alors secrétaire d’Etat et qui a deux phrases célèbres. La première lors de l’attentat contre Reagan quand il a dit : « J’ai bien tout sous mon contrôle », ce qui a failli lui coûter le poste. La seconde, quand il a dit qu’il fallait « aller à la source du mal », et le mal bien entendu, c’était l’Union soviétique qui en était même l’empire, c’était Cuba. L’important, c’était d’aller chercher les causes, mais jamais les bonnes, celles qui provoquent les conflits sociaux dans l’histoire.
Otto Reich a donc joué un rôle clef dans Radio Martí : la première fois à sa création ; la seconde, dans les années 90, pour la faire inclure dans la programmation de La Voix des Amériques, qui promet plus d’argent.
On a dit ici que des gens comme Reich sont des fanatiques, des idéologues. Je ne le crois pas : ce sont tout simplement des gangsters qui utilisent la politique comme manière de vivre, qui en font une sorte d’industrie. Ce ne sont pas des fanatiques, sauf d’eux-mêmes, et ce sont des gangsters, qu’ils soient secrétaire d’Etat adjoint, ou qu’ils dirigent un bureau de diplomatie publique et qu’ils soient cadre d’une Fondation terroriste !
Cette NED, par exemple, dont a parlé Juana Carrasco, dit bien qu’il s’agit de gangsters, qu’il s’agit d’une mafia. Et ce n’est pas de la rhétorique ou de l’exagération. Il existe une étude d’un professeur de l’université de Pennsylvania, John Nicole, qui prouve que de 1983 à 1988, les années où Reich était au département d’Etat, le gouvernement a assigné à cette NED trois cents ou quatre cent mille dollars, je ne me rappelle plus bien, et que cette somme a abouti dans les coffres de la Fondation cubano-américaine et a servi à financer les campagnes électorales de politiciens pour que ceux-ci votent ensuite les projets qu’elle leur présente. Ainsi donc, l’argent des contribuables passait de la NED à la FNCA pour financer des activités politiques véreuses, illégales. Oui, ce sont bel et bien des gangsters, des mafieux, qui opèrent aux dépens du contribuable nord-américain et du système nord-américain. C’est bien là le danger.
Quand je disais qu’Otto Reich était un des parrains de Radio Martí, je ne le disais pas pour rien. Ce qu’a fait ces derniers temps Radio Martí est exactement dans le style de ce que faisait l’autre avec son fameux bureau de diplomatie publique. Quand l’ancienne maire de Ciudad Panama, Mayín Correa, très liée à la Fondation, ose attester que les trente Cubains péris en mer alors qu’ils faisaient route vers la Floride sont vivants au Panama, et ça uniquement pour semer le chaos, pour faire du mal, n’est-ce pas dans le style de la philosophie de Reich. Et si vous croyez que quelqu’un comme Reich va se repentir de ce genre de choses, alors là, vous vous trompez. Que lui importe le mal moral infligé aux familles ? Vous pouvez être sûr qu’il approuve cette femme.
Ou alors quand Radio Martí manipule des informations et ressasse pendant toute une journée que les portes de l’ambassade du Mexique à La Havane sont ouvertes, n’est-ce pas le style d’intoxication que faisait Reich dans son bureau ?
Alors, vous pouvez être sûrs qu’avec Otto Reich à son nouveau poste, les provocations et les mensonges de Radio Martí vont augmenter, peu importe les graves conséquences morales que cela pourra avoir sur les familles cubaines, comme dans le cas de trente sinistrés. Mais il ne se repentira pas, soyez-en sûrs, parce que c’est « pour la bonne cause ».
Le 29 septembre 1997, Reich participe à une audience du Congrès. Maintenant, il y ira aussi, mais pour introduire des idées. Il aime bien ça.
Randy Alonso. Non, ce n’est pas sûr que ça lui plaise autant, maintenant…
Reinaldo Taladrid. Tu as raison. Parce que maintenant toute l’Amérique latine va lui tomber dessus. Je voudrais bien voir comment il va régler les problèmes du sous-continent, les problèmes qu’il a contribué à créer en Amérique centrale, comment il va régler les problèmes de pauvreté, de chômage, les causes de l’émigration qu’il a contribué à provoquer par la sale guerre à laquelle il a participé directement.
Donc, cette audience dont j’allais vous parler… Une audience convoquée par la « grande méchante louve », Ileana Ros-Lehtinen, en vue d’examiner le prétendue danger que représentait la centrale nucléaire en construction à Juraguá, dans notre pays. Devinez donc qui était le principal intervenant ? Je vous le donne en mille. Notre bonhomme, Otto Reich ! Converti en un expert des centrales nucléaires et des dangers qu’elles peuvent provoquer ! Si c’est contre Cuba, vous pouvez sûr que ce monsieur témoignera sous serment les pires mensonges devant une commission du Congrès… Pas de scrupules, ni de repentir : c’est encore une fois « pour la bonne cause » !
Mais si j’ai choisi cette audience - ce ne sont pas les mensonges qui manquent, vous pouvez me croire - c’est parce qu’en 1997, Otto Reich avait sorti une thèse - il faut dire que ce n’est pas l’imagination qui lui fait défaut - selon laquelle « Cuba constituait un danger pour le commerce continental ». Et là, en fait, je lui donne raison : si le commerce continental auquel aspire Reich, c’est le commerce sous l’égide de la Zone de libre-échange des Amériques, la ZLEA, alors, c’est sûr que par son exemple Cuba prouve autre chose et montre d’autres vérités. Et là, Cuba est bel et bien un danger. Et comme ce sinistre projet de la ZLEA mijote depuis déjà pas mal de temps, il se peut très bien que Reich ait sorti sa théorie en pensant à ça…
Quant au Center for a Free Cuba, Reich, on l’a dit, en a été un cadre, aux côtés de toute une série de personnages de la mafia, depuis le président de Bacardí, Cutilla, jusqu’à la femme du propriétaire d’une grosse compagnie d’assurances, Elena Amos, en passant par Modesto Maidique, la star de la Florida International University, et son mentor, Mme Kirkpatrick, cette dame qui avait déclaré que Pinochet n’était pas un dictateur mais un gouvernant autoritaire.
Mais Reich a aussi été vice-président d’une autre organisation, le RAP, dont je pourrais reparler ensuite. Et là, il a été très lié à Joaquín Jack Otero - parce que tous ces gens américanisent leur prénom - qui en était le président.
Otero, qui était membre de ALF-CIO, les syndicats nord-américains qui ont une longue histoire, a été très lié à la création du Comité syndical pour une Cuba libre, qui est une autre organisation de plus. Qui se crée en fait pour avoir de l’argent. Quand vous avez trois cent millions, ou cent ou trente, le gros de cet argent sert aux dirigeants, pas aux employés, et ça sert à avoir des bureaux, des télécopieurs, des voitures, des budgets, des réunions, etc. alors, autant créer des tas d’organismes pour pouvoir récupérer l’argent des contribuables : des comités pour ci, des fondations pour ça, des comités pour Cuba libre et des comités pour Cuba je ne sais quoi, des centres pour des syndicats libres. Et Otto Reich a été mêlé à tous ces micmacs.
Au début de mars 2001 - ce n’est qu’un exemple - Otto Reich a participé, en compagnie de Jorge Mas Santos, de Joe García, de Francisco Pepe Hernández et de Domingo Moreira, à un dîner à l’organisation Diálogo Interamericano en vue de débattre des relations avec Cuba.
Il existe des organisations d’un certain prestige, d’une certaine autorité dans le monde universitaire, mais il y a des choses que j’ai du mal à comprendre.
A ce repas, vous avez Jorge Mas Santos, qui est aussi bien complice de fraudes économiques que capable d’envoyer de l’argent au Panama pour financer des terroristes. Un complice du terrorisme, donc. Vous avez Joe García, le contremaître de la Fondation, le contremaître de Mas Santos, celui qui se charge d’exécuter. Vous avez Pepe Hernández, l’homme du fusil calibre 50, qui s’est spécialisé toute sa vie dans ce genre de choses, ancien officier de l’armée nord-américaine, le propriétaire du fusil prévu pour tuer Fidel Castro.
Et ce sont des individus de cet acabit qui se réunissent pour discuter de l’avenir des relations avec Cuba ? N’est-ce pas le comble ? Quelles relations, d’ailleurs ? On sait pertinemment ce que ces gens-là veulent de Cuba ! Et pourtant ils sont invités à des débats universitaires… et Otto Reich est là aussi, bien entendu,
Au sujet de sa dernière nomination, j’ai sélectionné un certain nombre de déclarations. Je vais commencer par Raymond Molina - nous en avons parlé ici voilà quelques jours - organisateur de pose de bombes, trafiquant de drogues, l’homme qui a tenté de suborner la communauté noire de Miami pour qu’elle vote pour lui, mais qui s’est fait remballer, l’homme qui aspirait à la mairie de Miami et qui, une fois battu, est parti au Panama pour devenir le chef de la mafia dans ce pays, qui est chargé de la fugue de Posada Carriles et de soudoyer la moitié du gouvernement panaméen, s’il le faut, pour y arriver. Eh ! bien, cet individu a déclaré qu’ «il soutenait la candidature de Reich afin de pouvoir obtenir en échange un poste de consultant pour l’Amérique latine et toucher un salaire plus élevé ». Au moins, lui, il est honnête : ce qu’il veut, c’est plus d’argent, parque le salaire de la Fondation, apparemment, ne lui suffit pas. A moins qu’il ne veuille deux emplois : la Fondation et représentant de Reich. Il s’est déclaré par ailleurs satisfait des procédures utilisés pour nommer Reich, qui, comme vous le savez, ont été des procédés irréguliers. Comme quoi, il aime qu’on viole la loi, qu’on se moque du Congrès des Etats-Unis, qu’on lui passe par-dessus malgré la décision contraire de la Commission des relations extérieures. Qu’il soit satisfait de la violation de la loi, ça n’a rien de surprenant : c’est un habitué ! Il aime ça.
Mais vous en avez bien d’autres qui sont aux anges. Le superbatistien Díaz Balart, par exemple, ou la « grande méchante louve », Ileana Ros-Lehtinen, ou encore Mas Santos, et son contremaître Joe García, et Dennis Hays, le membre de la royauté devenu maintenant employé… Rappelez-vous que celui-ci avait été chef du bureau Cuba au département d’Etat et qu’il a fini employé de la Fondation. En fait, il a jeté bas le masque : avant, il était employé de la Fondation en catimini, et maintenant, il l’est au plein jour. Belle trajectoire, n’est-ce pas ? De chef du Bureau Cuba du département d’Etat à employé de la Fondation nationale cubano-américaine, qui pose des bombes, donne de l’argent pour du terrorisme… On nous accuse parfois d’insulter des fonctionnaires publics. Dans ce cas, les faits sont têtus et parlent d’eux-mêmes. Ce n’est pas ma faute. Il était peut-être même employé de la Fondation quand il concevait la politique nord-américaine envers Cuba. Maintenant, en tout cas il l’est ouvertement.
Fin 2001, Otto Reich a participé avec Melquíades Martínez, secrétaire au Logement actuel, à un dîner organisé par le Conseil pour la liberté de Cuba, autrement dit le clone de la Fondation. Rappelez-vous la grande dispute pour l’argent de Mas Canosa…
Randy Alonso. Ninoska, Martín Pérez et compagnie…
Reinaldo Taladrid. Et alors un groupe s’est cloné. Génétiquement parlant, les deux groupes ne sont pas différentiables. Vous avez maintenant la Fondation nationale cubano-américaine Incorporated, la cellule-mère, et le Conseil pour la liberté de Cuba, qui en est le clone, et qui est un peu plus folklo à cause de Ninoska, mais pour l’essentiel c’est bonnet blanc et blanc bonnet. Et Otto Reich était là, pour que vous voyiez que là où il y a la mafia, il y a Reich ! C’est l’âme damnée de toutes les mafias, qu’elles soient clonées ou pas !
J’en reviens aux réactions. Jorge Mas Santos, le président de l’Incorporated - de l’original, pas du clone - s’est dit « très reconnaissant au président Bush d’avoir choisi quelqu’un ayant l’expérience, l’intégrité et les idéaux d’Otto Reich ». Rien que ça ! De l’expérience, ça ne fait pas de doute qu’il en a dans certaines besognes Ses idéaux, on les connaît. Mais son intégrité, alors, là, il faut la chercher à la loupe ! Si l’intégrité, c’est violer à tout prix n’importe quelle loi, de passer par-dessus le Congrès et le peuple nord-américain et tout le monde pour imposer les visées de la mafia, alors, il est intègre, sans conteste !
La « grande méchante louve », elle, a dit qu’elle soutenait cette « décision courageuse », tandis que la Fondation en tant que Fondation - avant, c’était Mas Santos à titre personnel - a déclaré que « la politique envers l’Amérique latine était maintenant en de bonnes mains. »
Il serait bon, d’ici à un an, de comparer cette déclaration avec les résultats concrets : si la paix règne en Amérique latine, si le chômage diminue, si les richesses sont mieux distribuées, si les indicateurs sociaux s’améliorent, si le trafic de drogues diminue… On verra bien si tous ces problèmes se règlent avec Otto Reich.
J’ai gardé la déclaration de Ninoska Pérez, le porte-parole du clone, pour la bonne bouche : « L’action du gouvernement aujourd’hui souligne son attachement à la restauration de la liberté et de la dignité humaine à Cuba. » autrement dit, pour cette dame, la dignité humaine signifie mentir au Congrès, mentir au peuple nicaraguayen, mentir aux peuples centraméricains, introduire de la cocaïne aux USA, de la marihuana en Floride, faire du trafic d’armes, approuver des lois en vue de soumettre un peuple. Drôle de concept de la dignité humaine !
Mais ce n’est pas tout. Elle continue : « Le fait qu’un descendant de Cubains - il n’est plus Cubain, mais descendant, et elle ne se trompe pas, je crois - comme Reich occupe un poste si important dans l’administration actuelle a une grande signification et donne de l’espoir en cette année qui marque le centenaire de la République fondée en 1902. »
Quelle leçon d’histoire pour le peuple cubain, pour tous ceux qui nous écoutent ! Quelle leçon d’histoire que cette phrase de Ninoska Pérez ! La satisfaction que leur donne le fait de faire partie d’un gouvernement, parce qu’ils fêtent le centenaire de la République de 1902. Et c’est bel et bien leur rêve : être une province de l’empire et avoir un ministre à Rome. Leur rêve. C’est absolument clair : avoir un ministre dans l’empire et la province occupée… C’est bien la république qu’ils fêtent. Oui, une vraie leçon d’histoire au sujet de ce que représente cette nomination pour Cuba et aussi pour l’Amérique latine.
Randy Alonso. Merci, Taladrid. Mais Otto Reich n’a pas été lié seulement, toutes ces années-là, à ce que la mafia a de pire et aux actions les plus néfastes des gouvernements nord-américains ; il a aussi été associé aux causes antiouvrières et à la violation des droits du travail. Arleen Rodríguez peut nous en dire plus.
Arleen Rodríguez. Je suis d’accord avec Taladrid que ce monsieur est loin d’être un idéologue. C’est un fondamentaliste de la pire espèce. Et ceci explique cela.
Plus je cherche et j’analyse, et plus je me rends compte que je me trouve devant le plus parfait bandit que j’aie jamais vu. Partout où on trame quelque chose de sinistre, partout où on triche, partout où on invente quelque chose contre les intérêts des peuples, vous retrouvez Otto Reich !
Voilà pourquoi il est important de souligner que ce n’est pas seulement contre Cuba que cet individu apparaît, mais aussi dans le cadre de causes antiouvrières. Parmi les critiques les plus virulentes qui se sont élevées face à sa nomination - ou plutôt à l’oukase par lequel il a été nommé - c’est qu’il reste vice-président de la société Worldwide Responsible Apparel Production (WRAP), liée à l’industrie textile nord-américaine. Cette société, créée en juin 2000, est censée évaluer les usines textiles et de chaussures des Etats-Unis sur le plan de la qualification professionnelle pour y empêcher toute surexploitation. Or, les critiques affirment qu’elle fait exactement le contraire, qu’elle couvre et protège toute une série de violations, depuis les pires conditions d’exploitation du travail dans les maquilas - ou usines de montage à la frontière mexicaine - jusqu’aux entreprises qui utilisent le travail des enfants dans bien des parties du monde. Ce sont d’ailleurs les organisations qui défendent les droits des travailleurs des maquilas qui ont été les plus virulentes dans leur dénonciation de la surexploitation du travail et des salaires de misère.
Et cette WRAP, dont Otto Reich est vice-président, est un appendice de l’American Apparel and Footware Association qui monopolise 80 p. 100 de la production de vêtements et de chaussures des Etats-Unis et qui se caractérise précisément par ses activités et ses législations antisyndicales. Je voudrais vous lire un extrait d’un éditorial signé par Alex Dubró et publié l’an dernier à l’occasion des débats déclenchés par la nomination de Reich : « Cet individu, dont les industries favorites ont toujours été l’alcool, le tabac et les armes, que fait-il maintenant dans l’industrie textile ? » Selon Dubró, il s’agit d’un programme fictif lancé par l’industrie de la confection pour miner le mouvement croissant contre la surexploitation des travailleurs. Toujours selon lui, Reich s’est associé dès le début à une opération où certains des facteurs désagréables de la guerre froide se combinent avec une nouvelle approche fondée sur les relations publiques en vue de maintenir la production dans des conditions d’exploitation et de non-syndicalisation.
Ici même, dans ces studios, de nombreuses tables rondes, surtout internationales, ont dénoncé les actions qui se mènent aux USA contre la syndicalisation et contre les mouvements ouvriers qui osent protester, du moins ceux qui ont survécu parce qu’on sait à quel point la syndicalisation a chuté dans ce pays.
Donc, ces gens-là visent à constituer un réseau mondial. Autrement dit, la WRAP, en tant qu’appendice de l’American Apparel and Footware Association, cherche à se convertir en un réseau mondial qui superviserait les conditions de travail dans les usines de confection du monde entier.
Alex Dubró continue d’écrire dans son article : selon Terry Colinstuor, la WRAP, qui est censément en faveur de la surveillance du travail enfantin et des conditions d’exploitation, a été créé comme un projet dominé par l’industrie, justement pour éluder qu’on ne supervise de l’extérieur les conditions de travail. Autrement dit, c’est un truc, et tout le monde le considère ainsi, sauf l’industrie en soi bien entendu.
Mais ce n’est pas tout. Après avoir signalé que cette organisation prône le travail non syndicalisé, l’auteur se demande ce que fait Otto Reich là-dedans : « En tant que vice-président, il n’a aucun antécédent ni dans l’industrie de confection ni dans la promotion des droits des travailleurs ; il n’a jamais eu la moindre connexion avec ça. N’empêche qu’il a une connexion tout à fait spécifique avec la direction de la WRAP, en l’occurrence Joaquín Otero, dont Jack est le pseudonyme, ancien membre du Conseil exécutif de la Fédération américain du travail-Conseil des organisations industrielles (AFL-CIO), une star du Comité du travail pour une Cuba libre en 1990, qui recevait des financements du gouvernement nord-américain par l’intermédiaire de l’American Institute for Free Labor Development, appartenant aussi à l’AFL-CIO. C’était l’un des instituts créé à des fins extraterritoriales pendant la guerre froide et appartenant à l’AFL-CIO en vue de combattre le communisme en luttant contre les syndicats qui étaient influencés par les mouvements de gauche dans le monde entier. Il avait des connexions étroites avec la CIA et avait été fondé par le gouvernement nord-américain, par l’intermédiaire de l’US/AID. Dans les années 80 et 90, il a aussi reçu des financements du Fonds national pour la démocratie. En résumé, ce Fonds international des droits du travail auquel étaient affiliées toutes ces personnes, est bien connu pour son rôle qui consistait à chercher des alliés dans les pays américains et à leur fournir des fonds en vue de créer et de maintenir des organisations syndicales alignées sur les partis de droite. »
Voilà donc le rôle que joue ici Otto Reich.
Et l’éditorialiste de se poser la question : « Qu’est-ce que peut faire un professionnel de l’anticommunisme, ces jours-ci [il se réfère à l’an dernier], sinon dénoncer Cuba qui est son obsession ? De toute évidence, il est là parce qu’il soutient l’exploitation des ouvriers aux côtés des trois autres personnages mentionnés. S’il existe une explication plus précise à la présence de Reich dans l’industrie des confections, lui seul le sait, parce que tous ces jours-ci il évite la presse. »
Voilà ce qu’on commentait très sérieusement à l’époque où croissait la vague d’opposition à la nomination d’un homme au passé si lugubre et si triste comme responsable de la politique nord-américaine pour l’Amérique latine au département d’Etat.
Randy Alonso. C’est que Reich a toujours été, et l’est toujours, un lobbyiste et un représentant des pires causes. Là-dessus, ses états de services sont costauds. Eduardo Dimas peut nous donner des détails.
Eduardo Dimas. Oh, juste un petit morceau de cette histoire ! Eh! bien, oui, à partir de 1998, Otto Reich devient un lobbyiste, un membre des groupes de pression. Les lobbyistes sont des gens que les grandes transnationales, les grosses entreprises paient pour qu’ils influent sur les décisions des représentants et des sénateurs du Congrès. Et Reich va représenter le intérêts de trois grosse entreprises: Lockheed Martin, qui est une société du complexe militaro-industriel qui produit entre autres les avions F-16 : Bacardí, et l’American Tobacco Company au moment où cette société était soumise à des enquêtes fédérales et à des demandes devant les tribunaux.
Mais l’affaire principale, c’était Lockheed Martin, dont il était aussi conseiller des ventes pour l’Amérique latine. Le Chili souhaitait acheter des avions F-16 pour une valeur de six cent millions de dollars et Lockheed Martin souhaitait bien entendu que le Congrès autorise ces ventes. Mais il existait un moratoire de l’époque de Carter, de 1977, interdisant les ventes de produits de haute technologie aux pays latino-américains en vue de maintenir les questions militaires à un « profil bas », et ce dans un double but : maintenir la tranquillité dans la région - rappelez-vous que la région était infestée de dictatures, si bien que les USA y maintenaient le contrôle de la situation - et éviter le déclenchement d’une course aux armements.
La vente des F-16 aurait donc représenté pour Lockheed Martin un profit de six cent millions de dollars, et c’est donc Reich qui était chargé d’exercer des pressions, de faire du prosélytisme, d’inviter à dîner, bref de faire toutes les magouilles que l’on fait dans ces cas-là pour obtenir une décision favorable du Congrès. Si ces ventes s’étaient faites, cela aurait provoqué bien entendu une rupture de l’équilibre militaire, parce que d’autres pays auraient alors chercher à acheter des avions à leur tour, soit à Lockheed Martin soit à d’autres transnationales de l’armement : le Brésil, le Pérou, l’Argentine et d’autres nations. Voilà donc quel était l’affaire fondamentale et le grand objectif de Reich.
Parce qu’il faut dire aussi, et personne ne l’a encore fait, que cet homme, du fait de sa situation familiale et d’autres facteurs, a toujours besoin de beaucoup d’argent.
En ce qui concerne Bacardí, on en a déjà parlé. De fait, comme le dit Polanco, la loi Helms-Burton devait s’appeler loi Bacardí.
J’en viens à l’American Tobacco Company. Vous savez que sous l’administration Clinton, les lieux où l’on pouvait fumer en public ont été beaucoup restreints ; des milliers de personnes ont déposé des plaintes devant les tribunaux pour les dommages et les cancers causés par la fumée de cigarette. Alors, la grosse affaire de monsieur Reich était d’empêcher que cette société, mais les autres grosses entreprises du tabac des USA aient à payer ces dommages et intérêts et ce en faisant voter au Congrès des lois dans ce sens.
Oui, encore et toujours les mauvaises causes ! Chez lui, c’est maladif… C’est du toc, non, c’est du naturel.
Et voilà pourquoi tant de gens contestent cette nomination : comment quelqu’un qui a été lobbyiste, qui a défendu les intérêts de sociétés déterminées, qui a défendu des ventes d’armes qui pourraient rompre l’équilibre militaire dans une région où le phénomène du militarisme a sévi si longtemps et provoquer des situations graves, peut-il donc occuper le poste suprême vis-à-vis de cette même région?
Randy Alonso. J’ai sous les yeux un article publié le 8 février par la revue Guardian Unlimited. L’auteur, Dunkan Campbell l’intitule
« Amis du terrorisme ». Il écrit : « La décision du gouvernement nord-américain de faire revenir Otto Reich à ces instances prouve bien l’hypocrisie de la guerre contre le terrorisme. » Vous avez une nouvelle preuve de l’opposition croissante à cette nomination. Arleen…
Arleen Rodríguez. Je ne connais pas d’autres cas qui aient soulevé une opposition aussi généralisée et si massive.
Ecoutez ce que dit Larry Birns, du Conseil des affaires continentales : « En nommant Reich, l’administration nord-américaine fait un pas en arrière dans le renforcement des relations avec l’Amérique latine. Otto Reich est un idéologue de droite radical [autrement dit, un fondamentaliste, pour utiliser un terme qu´ils prétendent prendre comme un synonyme]. Tout d’abord, ce n’est pas un diplomate, mais un idéologue compulsif. Je suis convaincu qu’il sera pour l’administration Bush une espèce de Montesinos. »
Larry Birns signale aussi que tout le monde connaît la haine maladive de Reich envers le régime du président cubain Fidel Castro, qu’il suffit de l’écouter une seule fois pour le comprendre, au point que cet homme réclame même une invasion militaire des USA pour en finir avec le régime cubain. En fait, de mon point de vue, cette attitude de Reich a beaucoup à voir avec sa formation et avec ses liens avec l’époque Reagan et le document de Santa Fe qui réclamait aussi une invasion militaire.
La vague de protestation contre cette nomination est si forte qu’il existe même une page Internet sur ce point, créée par des associations universitaires et des centres d’études pour indiquer qui est ce personnage. Il s’agit donc d’une information absolument publique. Et un point commun de ces dénonciations, c’est le tort que cette nomination peut causer aux rapports avec l’Amérique latine.
Ces informations indiquent aussi explicitement que cette nomination est le prix politique qu’a dû payer Bush à l’extrême droite d’origine cubaine qui a pris en otage la politique nord-américaine envers Cuba depuis des décennies. On signale aussi que Reich est obsédé par Cuba et qu’il n’a cessé d’exercer des pressions pour durcir la politique de blocus dans l’espoir que le peuple cubain, étouffé par lui, se soulèvera un jour et en finira avec la Révolution.
En fait, il en finirait avec lui-même, puisque Révolution et peuple cubain ne font qu’un…
Selon les documents qui circulent sur Internet, cette nomination aurait de graves conséquences pour les Etats agricoles des USA désireux de vendre des produits à Cuba, car la présence de Reich implique le maintien de la même politique, de la politique du groupe qui a abouti à l’enlèvement du petit Elián González, un épisode qui a fait tant de tort à l’image des Etats-Unis par la façon dont les choses s’étaient déroulés.
On signale aussi que c’est quelqu’un de médiocre, que c’est un politique médiocre, qui n’est pas le moindre talent pour conduire la politique dans une région aussi conflictuelle que l’Amérique latine, compte tenu de la situation colombienne et de l’instabilité régnante dans plusieurs pays du cône Sud.
Le Centre de politique internationale, qui est l’un des critiques les plus virulents, signale que la confirmation de Reich au poste de secrétaire d’Etat adjoint met en danger la possibilité de l’administration Bush de mener une politique publique vis-à-vis de l’Amérique latine et que nommer à un poste continental si important un politicien connu de longue date comme obsédé par une seule chose, c’est adresser un message décourageant aux professionnels du département d’Etat. Cet homme, loin d’unir, divise, et les politiques qu’il stimule ne pourront que diviser, tant à l’intérieur qu’à l’étranger.
De son côté, le Conseil des affaires continentales considère Reich comme quelqu’un d’extrême droite, comme un leader de la faction ultra de la communauté cubano-américaine, et rappelle qu’il a joué un rôle extrêmement controversé à la tête du fameux bureau de diplomatie publique à l’époque de Reagan et de la guerre contre le Nicaragua.
Le sénateur Christopher Dodd, démocrate du Connecticut, a fait une très longue déclaration, s’opposant fermement à la nomination de Reich : « Je ne crois pas que dans les circonstances actuelles, il soit la personne indiquée à ce poste à cette époque critique. »
Le sénateur démocrate du Massachusetts, John Kerry, a affirmé qu’il était inquiet, non du fait des positions conservatrices ou non de ce candidat, non des activités qu’il a menées. Autrement dit, le sale boulot qu’il a fait avant…
Oscart Arias, ancien président du Costa Rica et prix Nobel de la Paix, a écrit dans Los Angeles Times que la nomination de Reich serait un recul réel pour la coopération continentale et que le fait qu’il avait été complice de la campagne menée pour vendre des avions F-16 au Chili, mettant ainsi fin à la politique nord-américaine de ne pas vendre des systèmes d’armes de pointe à l’Amérique latine, le faisait beaucoup douter des objectifs qu’il suivrait sur le continent.
L’ancien représentant Lee Halmilton, qui avait été président de la Commission des relations internationale de la Chambre au moment du scandale Iran-Contras, a affirmé que « la nomination de Reich ferait du tort à la politique latino-américaine des Etats-Unis, car il est très conflictuel et il la rendrait encore plus difficile à appliquer ».
Voilà quelques échantillons des critiques qui se sont élevées, non seulement en Amérique latine, mais un peu partout. On comprend pourquoi Bush a dû le nommer par décret pour un an. Je voudrais rappeler, moi, Randy, ce que tu as écrit l’an dernier dans Juventud Rebelde, quand cette nomination était déjà sur le tapis : « Du Washington à la sauce Bacardí. » Tu avais cité un certain nombre de critiques, que je ne peux pas lire toutes, parce qu’une foule de gens se sont opposées à cette nomination de Reich. Tu écrivais en conclusion : « Compte tenu des antécédents de ce personnage, il y a tout lieu d’attendre que la politique extérieure de l’empire vis-à-vis de l’Amérique latine se caractérisera par la cubanisation du scénario, l’ouverture des ventes militaires à toute la région, encore plus de chantages et de pressions sur les organismes internationaux, et le tout arrosé de quelques gouttes de Bacardí. Une pilule difficile à avaler, vrai ! »
De fait, le sinistre personnage qui est maintenant, depuis cette semaine, secrétaire d’Etat adjoint aux Affaires latino-américaines, a commencé à faire des siennes. Mardi, il a fait des déclarations on ne peut plus cyniques, avec le culot qui le caractérise, se prononçant rien moins que contre la corruption. Juana Carrasco commente.
Juana Carrasco. Ecoutez d’abord ce qu’il a dit : « Nous n’allons pas les laisser entrer aux Etats-Unis d’Amérique, ils ne vont pas prendre leur retraite à Key Biscayne, ils ne vont pas aller non plus à Disney World, et leurs femmes en vont pas aller faire leurs achats sur la 5e avenue… Ils ne vont pas aller à Houston se faire faire des examens cardiaques. Si nous sommes sûrs qu’un individu ou des individus ont volé le trésor public de leur pays, nous n’allons pas les laisser entrer. Je ne les veux pas pour voisins, pas plus que je ne souhaite pour voisins des criminels de guerre ou des trafiquants de drogues. »
Croyez-le si vous le voulez, mais c’est ainsi que Reich répond à la question que posait Taladrid sur la façon de régler les problèmes d’Amérique latine : en combattant la corruption. Ce monsieur ne veut pas de gens corrompus pour voisins, ce monsieur ne veut pas de trafiquants de drogues pour voisins, ce monsieur ne veut pas de terroristes pour voisins ! Sans commentaires…
Ainsi donc, Reich ne va pas délivrer de visas ou il va les supprimer aux gens dans ce cas. A supposer qu’il le fasse, il est certain que la population nord-américaine va diminuer parmi ceux qui y vivent depuis belle lurette, et surtout parmi la communauté anticubaine de Miami !
Ça ferait rire, si ce n’était aussi cynique, de telles déclarations dans la bouche d’un tel personnage !
En fait, ce que fait et dit Otto Reich a beaucoup à voir avec la morale. Pas la sienne, bien entendu, parce qu’il n’en a pas. Mais en tout cas avec la morale de ceux qui auraient dû approuver sa désignation à ce poste et qui n’ont même pas pu voter par oukase de Bush.
Quel est donc le fond du problème ? C’est que ce monsieur va devoir maintenant formuler, interpréter et mettre en œuvre la politique latino-américaine des Etats-Unis, ce qui va entrer en contradiction avec ses intérêts et ses affaires. C’est un individu qui a représenté les compagnies dont Dimas a parlé, ce qui entre en contradiction avec la politique latino-américaine.
Outre ses vues d’extrême droite, tout le monde connaît dans les milieux politiques le sale rôle qu’il a joué dans la politique de son pays. Mais ce n’est pas tout. Il y a beaucoup de doutes quant à ses affaires financières privées.
Tu as parlé, Dimas, de sa femme et de ses problèmes privés. Il vient de divorcer de Connie Zynn Dillinger qui lui a été intenté un procès qu’elle a gagné, ce qui implique que Reich doit payer pas mal d’argent, comme cela est courant aux Etats-Unis. Ce qui explique en partie ses problèmes financiers.
L’autre point à régler, c’est celui de sa société conseil, la RAM, qui représente Bacardi et les autres. Il doit définir sa situation pour pouvoir occuper son nouveau poste. Quelle solution a-t-il proposé, et qui inquiète de nombreux hommes politiques aux Etats-Unis ? Eh ! bien, il propose un arrangement : il conserve sa société conseil, mais celle-ci ne fonctionnera pas, toutes ses affaires passeraient aux mains d’une société de Virginie qui lui paierait une espèce de commission pour le transfert de la clientèle. Evidemment, personne n’y croit. La clientèle, c’est Bacardí, qui lui a versé six cent mille dollars ; ce sont aussi les trois millions que le gouvernement lui a versés au nom du Centre pour une Cuba libre chargé précisément de semer la subversion dans notre pays. Voilà comment Reich tente de continuer de recevoir l’argent de ces sociétés, en inventant une société fantôme en Virginie. En Virginie qui est, soit dit en passant, un Etat producteur de tabac… Est-ce que ça aurait à voir avec l’American Tobacco ? Je ne sais…
Derrière tout ça, on perçoit une opération trouble au sujet de laquelle Reich veut obtenir le soutien de législateurs. C’est un cas évident de conflit d’intérêts. Mais vu les antécédents de ce menteur invétéré…
Ce n’est pas une accusation gratuite. En novembre 2001, déclarant rien moins que devant la commission d’éthique de la Maison-Blanche, Otto Reich a omis quelque chose dans ses déclarations : il a remis au Sénat un rapport selon lequel il n’avait jamais exercé de pressions en faveur de Bacardí. Le comble, vrai ! Ainsi donc, monsieur Otto Reich n’aurait jamais été un lobbyist de Bacardí ! Alors qu’il existe un rapport de 1995 qui dit que Otto Reich, les directeurs de Bacardí et Lincoln Díaz-Balart se sont réunis pour échanger des vues sur différents aspects de la loi Helms-Burton en vue de la faire adopter au Congrès…
Cet individu est vraiment le summum de l’impudicité, du cynisme, le summum de toutes les magouilles et de toutes les sales histoires survenus dans ce pays-là. Et il a pourtant le front de déclarer qu’il va refuser l’entrée des Latino-Américains corrompus, qu’il n’en veut pas pour voisins. A moins que ce ne soit parce que les Etats-Unis sont si pleins de ce genre d’individus qu’il n’y a plus de place pour d’autres !
Randy Alonso. En effet. Et jusqu’au département d’Etat. Où se trouve maintenant l’individu qui a aidé à corrompre la société nord-américaine en y introduisant des drogues, l’individu dont les affaires sont si sales et si troubles… Et c’est cet individu-là qui déclare la guerre à la corruption. Mais il y longtemps qu’il mène une autre guerre, sa guerre particulière contre la Révolution cubaine et contre Fidel Castro.
Dès son entrée en fonction, Otto Reich a montré que son obsession était et restait Cuba et qu’il y consacrerait son temps à son nouveau poste. Voyons donc un extrait de ce qu’il a déclaré, lundi, à une télévision porte-parole de la mafia :
Reporter de Canal 51. Le Cubano-Américain Otto Reich a pris possession cet après-midi à Washington comme secrétaire d’Etat adjoint aux Affaires latino-américaines. Il nous a accordé une interview exclusive quelques minutes avant. Jorge Lewis nous en parle.
Jorge Lewis. Au sujet de la révision en cours de la politique cubaine des Etats-Unis, il nous a déclaré :
Otto Reich. Le président a ordonné une révision de la politique envers l’île et m’a demandé de m’en charger, car il est évident que la politique antérieure n’a donné l’attention suffisante ni la priorité suffisante à Cuba. Il faut donc examiner ce qui n’a pas marché et comment on peut atteindre cet objectif d’une transition pacifique et rapide à la démocratie.
Jorge Lewis. Sur l’embargo nord-américain, il a ajouté :
Otto Reich. L’embargo est tout simplement un élément d’une composante, qui est la composante économique, de plusieurs composantes que doit inclure une politique extérieure. Ces composantes sont politiques, économiques, diplomatiques, informatives, de différents éléments. Dans certains cas, on doit donner la priorité à certains plus qu’à d’autres. [sic, traduction littérale]
Randy Alonso. C’est clair : Otto Reich propose une guerre totale contre Cuba.
Rogelio Polanco. Otto Reich a répété à plusieurs reprises, ces jours-ci, une petite formule : "Nous trouverons les moyens d’entrer en communication avec le peuple cubain et de parvenir à une transition démocratique aussi rapide et pacifique que possible. » Il a aussi affirmé : « La politique des Etats-Unis envers Cuba sera dans le droit fil de notre politique dans le monde entier : faire progresser la cause de la liberté. » Tout ça vient d’une interview accordée le 16 janvier au torchon de la mafia, mais il a repris ces mêmes idées ces jours-ci.
Le 8 mars, il a affirmé que la révision de la politique envers Cuba « comprendrait tous les domaines, dont les sanctions économiques » et qu’ « elle serait prête dans les prochaines semaines. » Le blocus ne sera pas affaibli : « Si le gouvernement cubain ne change pas de politique, je ne vois pas comment nous pourrions alléger les sanctions économiques et commerciales contre Cuba. »
Cette semaine-ci, il a réitéré que le blocus ne serait pas allégé, parce que ce serait redonner du souffle à « un régime failli, corrompu, dictatorial et assassin ». Rien que ça ! Si ce n’est pas de l’insolence, ça !
Il est évident que cet homme va chercher à accroître l’hostilité contre Cuba, va chercher la confrontation, va chercher à provoquer des incidents, à empoisonner le climat bilatéral. Car il n’est pas le seul à faire des déclarations de ce genre. Des subalternes refusent la moindre possibilité d’amélioration des rapports entre les deux pays, nageant à contre-courant des tendances qui se font jour dans toujours plus de secteurs qui sont hostiles à cette politique de blocus et réclament des relations normales. Par ailleurs, par cette rhétorique, Otto Reich vise à imposer des conditions politiques inacceptables à notre pays.
La preuve en est aussi le soutien prioritaire qu’il accordera à ce qu’il appelle l’opposition interne, à ces groupuscules contre-révolutionnaires minuscules, soutenus et financés par la Section d’intérêts des Etats-Unis à La Havane, financés aussi par l’US/AID et d’autres sources subversives des Etats-Unis dont on connaît l’ingérence.
Reich a aussi parlé d’accroître le « courant d’information », comme ils appellent ça, par tous les moyens possibles, ce qui implique, forcément, la consolidation des radio et TV Martí, qui ont provoqué tant d’incidents et réalisé tant de provocations contre notre pays, comme la toute récente de l’ambassade du Mexique.
Il a aussi parlé de réglementer les déplacements de nos diplomates aux Etats-Unis, de renforcer la politique rigoureuse consistant à traquer les voyages et les échanges de Nord-Américains et d’appliquer des punitions exemplaires à ceux qui violent cette interdiction et des réglementations toujours plus rigides dans ce sens.
Par ailleurs, l’Université internationale de la Floride vient de recevoir un million de dollars pour un « Projet de transition démocratique à Cuba ».
Randy Alonso. Financé par l’US/AID et approuvé par le département d’Etat.
Rogelio Polanco. De nouveau, des fonds publics sont utilisés aux dépens du peuple nord-américain pour semer la subversion dans notre pays. Inutile de dire que Reich est favorable au renforcement de la loi Helms-Burton, à l’accroissement des pressions sur les investissements étrangers dans notre pays, aux intérêts de ceux qui le paient, comme Bacardí et compagnie, qu’il continuera de manipuler la question des droits de l’homme et la prétendue guerre contre le terrorisme, ce nouveau cheval de bataille de l’administration Bush en politique extérieure.
Il faut donc dire que Reich continue de nager à contre-courant des intérêts les plus légitimes du peuple nord-américain, mais que ses déclarations ne sauraient intimider Cuba. Personne n’intimide notre pays et notre peuple, à plus forte raison un vulgaire terroriste devenu fonctionnaire du gouvernement nord-américain. Aucun proconsul, aucun trafiquant d’influence, aucun corrompu, aucun trafiquant d’armes et de drogues, aucun menteur ne pourra rien contre la dignité et le courage de notre peuple.
Il faut réviser la politique, certes, nous sommes d’accord. Mais celle des Etats-Unis envers Cuba, et la réviser de pied en cap, pour en finir une bonne fois pour toutes avec l’hypocrisie, avec l’ingérence dans les affaires intérieures, avec le « deux-poids-deux-mesures », avec l’immoralité, avec l’arrogance, toutes caractéristiques de la façon dont les USA agissent envers Cuba et le reste du monde.
Oui, certes, il faut réviser la politique, mais pour lever le blocus criminel contre notre pays.
Je le répète : aucun fonctionnaire de cet acabit, aucun terroristes ne pourra rien contre la dignité, le courage et l’exemple de Cuba.
Aujourd’hui, par cette table ronde, nous venons de faire un bras d’honneur à ce terroriste devenu fonctionnaire du gouvernement nord-américain.
Randy Alonso. Il me reste à ajouter que l’arrivée d’Otto Reich, qui signifie l’entrée dans l’administration de ce que la mafia cubano-américaine a de plus sinistre, signifie aussi le renforcement des pressions contre notre région.
Cet homme, qui a été soldat au Panama, arrive au pouvoir au département d’Etat pour s’occuper des relations avec l’Amérique latine au moment précis où l’on parle au Panama de relaxe ou de remise de peine ou de solutions au profit de Luis Posada Carriles, le terroriste qui est son ami et son protégé, et à quelques jours d’une tournée de Bush en Amérique centrale, en El Salvador où il aura une réunion avec les président centraméricains. Je crois que c’est là un autre facteur qui indique vers où se dirige la politique de l’administration vis-à-vis de l’Amérique latine et ce qu’on peut attendre de cette prétendue révision de la politique envers Cuba.
Je vous remercie de m’avoir accompagné à cette table ronde et d’avoir donné à l’opinion publique assez de preuves sur ce sinistre personnage, maintenant responsable de la politique latino-américaine de la Maison-Blanche. Je remercie aussi nos invités.
Compatriotes, un sinistre personnage est nouveau secrétaire d’Etat adjoint aux Affaires latino-américaines. Un terroriste vient de s’installer dans les hautes sphères du pouvoir par la méthode de l’oukase.
Représentant des pires intérêts de l’extrême droite nord-américaine, fidèle allié de la mafia anticubaine, complice du génocide dont les peuples centraméricains ont été victimes durant la sale guerre des Etats-Unis, participant direct du scandale Iran-Contras, fabriquant professionnel de mensonges, complice du trafic de drogues, parrain de terroristes notoires comme Luis Posada Carriles et Orlando Bosh, lobbyiste de Bacardi et promoteur de la loi criminelle Helms-Burton, promoteur de la course aux armements en Amérique latine, Otto Reich est repoussé par de nombreux politiques et de nombreuses personnalités des Etats-Unis et d’Amérique latine.
L’administration nord-américaine pourra-t-elle se proposer une politique sérieuse envers l’Amérique latine pour combattre le trafic de drogues, lutter contre le grave fléau du terrorisme et garantir la stabilité des nations, alors que le responsable de cette même politique dans la région est précisément un trafiquant de drogues, un terroriste et un vendeur d’armes ?
Les Etats-Unis pourront-ils donc faire croire à la vérité de ce qu’ils disent à l’Amérique latine si leur principal porte-parole est un professionnel du mensonge ?
L’Amérique latine pourra-t-elle trouver un interlocuteur digne de ce nom à Washington chez un personnage que tout le monde considère comme médiocre, compulsif, balourd, maladivement obsédé de la Révolution cubaine ?
Quant à Cuba, que le capo Reich sache que ses rodomontades agressives et perfides, qui distillent une haine viscérale de notre peuple, ne nous intimident pas et ne nous empêchent pas de dormir sur nos deux oreilles !
Comme Fidel l’a dit hier au cours de la cérémonie émouvante du 13 mars : « Rien ne pourra plus empêcher que bien d’autres peuples du monde marchent sur les traces que notre Révolution laisse à son passage dans l’Histoire. D’une façon ou d’un autre, nous vaincrons ! Nous le jurons ! »
Nous restons sur le pied de guerre !
Bonsoir à tous.