Allocution prononcée par Raúl Castro Ruz, président des
Conseils d’État et des ministres, à la troisième session ordinaire de la
huitième législature de l’Assemblée nationale du pouvoir populaire, au palais
des Congrès, le 1er août 2009, An L de la Révolution
Compañeras et compañeros
Nous
venons d’avoir des journées de travail intense. J’ai expliqué à Holguín, le 26
juillet, que j’allais être bref parce que j’estimais que nous aurions à
discuter en profondeur des questions plus complexes à différentes réunions de
la semaine.
Nous
avons consacré toute la journée du 29 au Septième Plénum du Comité central du
parti, en présence du Bureau politique et du Secrétariat, et avec la
participation à titre d’invités des membres du Conseil d’État et du Conseil des
ministres, autrement dit les principaux dirigeants du parti, de l’État, du
gouvernement et des cadres des organisations de masse, en représentation du
reste de la société. J’aborderai plus loin certains points abordés à ce Plénum,
bien que notre presse ait publié hier là-dessus une brève information.
Le
lendemain, le Conseil des ministres a tenu une réunion ordinaire qui a adopté
le deuxième ajustement des dépenses de l’année courante et un train d’accords
permettant de faire face à la situation financière tendue que traverse notre
économie.
Parallèlement,
durant toute la semaine, les commissions de l’Assemblée nationale se sont réunies, les députés ayant
reçu une information détaillée, et elles ont débattu du fonctionnement de tous
les domaines d’activité du pays. Aujourd’hui, nous avons analysé et décidé à
cette séance plénière-ci d’autres questions importantes. Ont été adoptées les
lois concernant le Système national des musées et la Cour des comptes de la
République, ce qui a été précédé d’un vaste processus de divulgation, d’analyse
et d’harmonisation des différentes opinions à tous les niveaux.
La
première loi, celle qui concerne le Système national de musées, constitue un
instrument indispensable à la conservation de notre patrimoine historique et
culturel pour les générations actuelles et futures.
De son
côté, la loi concernant la Cour des comptes de la République porte création
d’un organe public en substitution du ministère d’Audit et de Contrôle actuel,
en vue d’aider l’Assemblée nationale et le Conseil d’État dans l’exercice de
leur mandat constitutionnel : contrôler tous les organismes de l’État et
du gouvernement.
Cet
organe jouera un rôle essentiel pour élever l’ordre, la discipline économique,
le contrôle interne et l’affrontement résolu à toute manifestation de
corruption, ainsi qu’aux causes et aux conditions qui peuvent favoriser la
négligence et les délits de n’importe quel dirigeant ou fonctionnaire.
Il
contribuera à dégager les responsabilités administratives et pénales aussi bien
des fauteurs directs de délits que des fauteurs collatéraux, ces derniers
étant, comme le définit la loi, les cadres, dirigeants ou fonctionnaires
administratifs qui, par manque d’exigence, par conduite négligente ou par
inobservance des contrôles établis, favorisent les violations de la discipline,
ou ne les contrecarrent pas ou n’en informent pas aussitôt.
L’Assemblée
nationale vient d’élire à la tête de cette Cour des comptes la députée Gladys
Bejerano Portela, qui pourra compter sur mon appui le plus total dans
l’exercice de ses fonctions, mais à qui j’exigerai qu’elle les exerce dûment.
De même, nous serons attentifs, tant au parti qu’au gouvernement, à ce que les
dirigeants des autres instances agissent avec autant de zèle.
Ce
sont là de questions toujours essentielles, à plus forte raison aux moments que
nous vivons.
En
décembre 2008, à la dernière session de l’Assemblée, j’ai averti que 2009
allait constituer un défi difficile à relever pour les Cubains, après les
pertes et les dommages – 10 milliards de
dollars – causés par trois cyclones dévastateurs. Le premier, Gustav, a
commencé à nous toucher le 30 août et le troisième, Paloma, a causé des dégâts
jusqu’au 9 novembre. Autrement dit, en à peine soixante-douze jours, Cuba a
perdu environ 20 p. 100 de son Produit intérieur brut, le fameux PIB. À quoi il
faut ajouter l’incertitude qu’impliquent la crise économique et financière
mondiale et ses retombées inévitables sur notre économie.
Nous pensions alors enregistrer une croissance
de 6 p. 100. Mais, dès avril, quand nous avons été contraints de faire le
premier ajustement du plan, nous avons réduit cette attente à 2,5 p. 100. Puis,
après avoir constaté que la croissance du PIB a été de 0,8 p. 100 au premier semestre,
nous calculons que nous conclurons l’année avec une croissance de 1,7 p. 100.
Nos
exportations ont décru sensiblement à cause de la chute de leurs cours. Le
nickel, par exemple, dont le cours moyen avait été l’an dernier de 21 100
dollars la tonne, s’est vendu au premier semestre de cette année-ci à 11 700
dollars. Ces cours ont même été inférieurs dans les premiers mois et nous en
sommes arrivés à envisager la fermeture temporaire de certaines usines de
nickel.
Le
tourisme connaît une situation paradoxale : alors que nous avons accueilli
2,9 p. 100 de visiteurs de plus que pour la même période de l’an dernier, nos
recettes ont diminué à cause de la détérioration de la parité du dollar face
aux autres monnaies principales. Bref, plus de touristes mais moins de
recettes.
D’un
autre côté, le coût de nos importations a diminué dans une plus grande mesure,
ce qui a permis d’équilibrer à peu près notre balance commerciale, mais l’effet
cumulé d’engagements contractés auparavant et des difficultés additionnelles
d’accès à des sources de financement a compliqué encore plus la situation
financière du pays.
Bien
que nous soyons fermement décidés à honorer chaque obligation contractée, nous
avons été contraints de renégocier des dettes, des paiements et d’autres
engagements avec l’étranger, ce qui est assez commun par les temps qui courent
dans le monde entier. Nous avons trouvé en général la compréhension et la
confiance de nos partenaires, auxquels nous ratifions aujourd’hui notre
reconnaissance et notre certitude que les accords passés seront exécutés.
Nous
avons mis en marche récemment de
nouveaux procédés permettant de hâter les transactions avec l’étranger, ce qui
implique l’élévation de la discipline et du contrôle dans ce domaine.
Nous avons été conséquents face à la nécessité d’ajuster les dépenses aux
revenus. Je ne suis pas économiste, et il ne m’a pas incombé durant toutes ces
années de Révolution de me consacrer en détail au développement de l’économie,
mais je pars d’une logique élémentaire, comme je l’avais déjà dit à la session
parlementaire précédente : personne, ni un individu ni un pays, ne peut
dépenser indéfiniment plus qu’il ne perçoit. 2 + 2 fera toujours 4, jamais 5. J’ajoute
aujourd’hui, comme je l’ai dit voilà trois jours au Plénum du Comité central,
que, dans les conditions de notre socialisme imparfait et à cause de nos
propres insuffisances, bien souvent 2 + 2 = 3.
Nous nous sommes attelés à la mise au point des plans
économiques de l’année prochaine dont les grandes lignes ont déjà été
approuvées par le Conseil des ministres. J’en mentionnerai deux :
planifier la balance des paiements sans déficit, et même avec une réserve qui
permettrait de faire face à des imprévus, et donner la priorité absolue à la
croissance des productions et des services apportant des revenus en devises.
Telle est la ligne que nous avons adoptée au Septième
Plénum et que toutes les institutions doivent exécuter, sous la conduite du
ministère de l’Économie et de la Planification, un important organisme de
l’Administration centrale de l’État que nous avons tous l’obligation d’aider,
de soutenir et surtout de suivre.
Nous continuerons cette année-ci d’adopter des mesures
pour renforcer nos institutions et le fonctionnement du gouvernement et de l’État.
Quatre nouveaux vice-présidents du Conseil des ministres ont été nommés qui,
aux côtés des deux déjà existants, ont la mission de superviser des ministères,
des institutions nationales et d’importants programmes de développement. Nous
avons continué de restructurer l’appareil d’État en fusionnant plusieurs
organismes de l’Administration centrale et d’autres organes, ce qui a permis de
réduire les dépenses, le transport et les effectifs, sans parler de la
paperasserie inutile. Ce processus se poursuivra graduellement afin d’élever
l’efficacité de la gestion gouvernementale. La cohésion et le travail
harmonieux et intégré des organes de direction collectifs du parti, de l’État
et du gouvernement se renforcent.
Malgré les tensions existant dans notre économie, on constate de modestes
progrès. L’équilibre monétaire interne est l’un des plus favorables de vingt
dernières années. Les prix, bien qu’élevés, restent stables. Par ailleurs,
l’incorporation des gens au travail a augmenté. Sauf exceptions, les
productions agropastorales et industrielles, le transport vu dans son ensemble
s’accroissent, et les services sociaux à notre population, en particulier la
santé, l’éducation et les activités culturelles et artistiques, sont garantis à
notre population.
En matière de santé, indépendamment des déficiences que
nous connaissons tous, nous avons prouvé sans conteste notre capacité à faire
face à des épidémies de toutes sortes.
Nous
sommes l’un des rares pays au monde à pouvoir affirmer qu’il a contrôlé la
pandémie du virus A H1N1. Ainsi, jusqu'à hier soir, alors que cette maladie
croît indéfectiblement dans plus de cent soixante et onze nations et que, selon
les chiffres fournis par les États à l’Organisation mondiale de la santé, l’on
comptait plus de
Je
pourrais mentionner d’autres exemples, comme le fait qu’à ce jour nous avons pu
éviter les coupures de courant si gênantes pour la population pour déficit de
production, hormis les coupures motivées par la maintenance des réseaux de
distribution d’électricité ou pour d’autres causes.
Ceci aurait été impossible sans la stratégie tracée par
le companero Fidel et les mesures
suivantes adoptées en matière de production et d’économie d’énergie électrique.
Dans les premiers mois de l’année, on le sait, la demande
avait fini par dépasser largement la consommation planifiée dans des
circonstances où il s’avérait impossible d’importer davantage de pétrole. Les
décisions adoptées ont permis d’invertir cette situation en juin, même si les
résultats n’ont pas été aussi favorables en juillet. Il semblerait que l’élan
initial soit en train de céder, comme cela arrive d’ordinaire, ce qui est un défaut
qui caractérise pas mal nos cadres et fonctionnaires. Il faut être encore plus
rigoureux pour le reste de l’année et à l’avenir sur ce point crucial. C’est
très simple : il n’existe pas d’autre solution que de s’ajuster
strictement au plan.
On a appliqué des mesures exceptionnelles, comme le
retrait du service à des organes donnés pour avoir dépassé la consommation planifiée,
avec tous les inconvénients que cela entraîne, et on a infligé des amendes à
bon nombre de petits malins pour avoir trafiqué les compteurs d’électricité de
leurs domiciles. J’avertis ces derniers que nous agirons encore plus
sévèrement, y compris en coupant l’électricité aux récidivistes pour des
périodes prolongées, voire, le cas échéant, de manière définitive.
Bien que l’on soit parvenu à freiner la hausse de la
consommation électrique dans le secteur public, elle continue d’augmenter dans
le secteur résidentiel. Sans vouloir ignorer les températures élevées de ces
mois-ci, le fait que nous soyons en période de vacances et d’autres raisons
objectives, mais conscient qu’il existe encore des possibilités de réduction,
j’appelle notre peuple à économiser le plus possible. Il incombe aux
organisations de masse dans les îlots de jouer un plus grand rôle dans ce sens,
sous la direction du parti, par des actions rationnelles et dûment coordonnées visant
à convaincre la population.
Il
existe de nombreux besoins, et il faut savoir sérier les priorités. Leur
satisfaction dépendra de notre capacité à travailler plus et mieux. Ce qu’il
faut bannir définitivement, en tout cas, c’est l’attitude irresponsable de
consommer sans que personne ou presque personne ne s’inquiète de savoir ce
qu’il coûte au pays de garantir cette consommation et surtout s’il est vraiment
en condition de le faire.
Nous
savons combien il est douloureux, par exemple, de n’avoir pas de logement,
mais, comme je l’ai dit à plus d’une reprise, régler cette situation ne dépend
pas de simples vœux : il y faut du temps, des ressources et surtout du
travail, et tout ceci est encore plus difficile si, comme cela arrive
généralement, les bâtisseurs font défaut.
Dans
certaines provinces, il n’y a même pas assez de gens disposés à être
enseignants ou agents de police, ou à faire des travaux qui exigent qu’on s’y
consacre à fond ou un effort physique. J’en ai parlé à la session de
l’Assemblée nationale précédente, et j’ai été au courant et je continuerai de
l’être de la façon dont marche l’incorporation de la population à ces tâches.
C’est
une question où il s’impose de chercher des solutions ajustées à la réalité, en
plus des appels à l’honneur des gens, qui sont eux aussi importants.
Dans
l’enseignement, plus de 7 800 retraités ont repris le chemin des classes et 7
000 autres ont ajourné leur retraite, ce qui, de pair avec les professeurs qui
ont renoncé à partir et à ceux qui se sont réincorporés, nous permet de pouvoir
compter à la prochaine rentrée scolaire sur presque 19 000 enseignants de
plus. Je suis sûr que l’exemple de ces compañeras
et compañeros poussera ceux qui
ne l’ont pas encore fait à adopter cette même conduite et que, par ailleurs,
ceux qui atteignent l’âge de la retraite resteront si possible à leur poste un
temps de plus, un petit temps de plus, touchant la pension correspondante en
plus de leur salaire. Ce sont là des chiffres considérables.
Une
modeste hausse des salaires dans ce secteur, on le sait, a été adoptée
récemment. Nous aurions voulu qu’elle soit supérieure et – c’est du moins ce
que nous avions tenté – que l’effort de nos instituteurs et professeurs soit
rétribué plus justement, mais, en étudiant cette question plus en profondeur,
nous n’avons pu adopter que cette hausse-là dans la conjoncture actuelle, et
c’est bien ainsi que ces travailleurs dévoués l’ont compris.
Les
dépenses sociales doivent être en accord avec les possibilités réelles, ce qui
impose de supprimer celles dont il possible de se passer. Il peut s’agir d’activités
bénéfiques, voire louables, mais qui ne sont tout simplement plus en conformité
avec notre économie.
À cet
égard, on étudie les moyens de réduire les chiffres d’élèves en internat et
semi-internat dans les établissements d’enseignement de tous les niveaux.
Ainsi, il existe des écoles du premier et du deuxième cycle du second degré à
la campagne, à des endroits où leur participation à des travaux agricoles n’est
plus requise et dont les élèves proviennent en majorité de zones urbaines. Ces
institutions seront transférées en ville à mesure que les conditions
matérielles et organisationnelles seront assurées.
Cette
décision vise à diminuer davantage les grosses dépenses dans l’éducation sans
porter atteinte à sa qualité, ce qui évitera par ailleurs à environ cinq mille
professeurs de longs trajets quotidiens aller-retour et rehaussera le rôle de
la famille dans la formation des enfants. Il faudra toutefois continuer de
disposer de quelques internats en zones rurales.
Il est
un autre domaine où l’on avance solidement : l’harmonisation des places
offertes par les établissements d’enseignement avec les exigences actuelles et
prospectives du développement socio-économique de chaque territoire.
Toujours
au profit de la rationalité, on adoptera d’autres décisions dans
l’enseignement, la santé publique et le reste des secteurs budgétisés afin
d’éliminer des dépenses qui sont tout simplement insoutenables, qui ont
augmenté au fil des années, qui sont par ailleurs peu efficaces ou, pis encore,
qui font que certains ne sentent même pas le besoin de travailler.
C’est
dans le cadre de cette conception qu’on a réglementé le multi-emploi comme
solution de rechange pour mieux tirer profit des potentialités des travailleurs
et comme moyen d’élever les salaires. Elle touche les étudiants en âge de
travailler, une pratique répandue dans le monde qui, non contente de satisfaire
des besoins personnels, contribue à mieux les préparer à la vie professionnelle
et surtout à la vie tout court.
Il
nous faut connaître nos limitations, non pour en prendre peur ou pour les
brandir comme prétexte à ne rien faire, mais pour décider de la meilleure
alternative et s’attacher à la mettre en pratique.
Le 26
juillet dernier, j’ai parlé des résultats obtenus dans la production de lait et
dans la distribution des terres en friches, et j’ai signalé qu’il était urgent
de tirer profit, de la manière la plus intensive possible, des terrains
existant aux alentours de la quasi-totalité des villes et villages.
La
première expérience a démarré à Camagüey. Y participent tous les organes et
organismes, sous la direction de l’administration de la province, à partir de
leurs propres ressources et en recourant largement à la traction animale. Il
est prévu de commencer à étendre cette expérience en janvier prochain à une
commune principale de chaque province.
« Agriculture suburbaine », tel est
le nom de ce programme qui se déroulera sur les terres entourant les villes et
localités jusqu’à une distance qui permette à leurs habitants d’y travailler en
dépensant le moins de carburant possible.
Cette
nouvelle tâche a été confiée au ministère de l’Agriculture, spécifiquement au
député Adolfo Rodríguez Nodal et à son équipe de travail réduite qui ont obtenu
des résultats saillants en agriculture urbaine, fruit de leur exigence et de leur
action systématique, comme le prouvent les quatre contrôles annuels qu’ils
réalisent dans tous les provinces et communes du pays.
Foin,
donc, de tracteurs et de carburants, même à supposer que nous en ayons assez.
L’idée de ce programme est de travailler essentiellement avec des bœufs, car il
s’agit de petites exploitations, exactement comme un nombre croissant de
producteurs sont en train de le faire avec d’excellents résultats. J’en ai
visité certaines, et j’ai pu constater qu’ils ont converti les terres qu’ils
travaillent en vrais jardins où chaque pouce de terrain est mis à profit.
On
travaille aussi à perfectionner le système de collecte des produits agricoles
selon une conception intégrale. Comme la presse en a informé, il s’applique
déjà dans les provinces havanaises, bien qu’il se heurte à de nombreux et vieux
problèmes qui se sont éternisés, tout autant que la bureaucratie qui a géré
cette activité pendant si longtemps. On y apportera les ajustements nécessaires
en fonction des résultats et on le généralisera au reste du pays. On est en
train de conclure la remotorisation de cent quarante-cinq vieux camions qui
sortiront rajeunis des ateliers et qui seront consacrés à l’approvisionnement
de la capitale. On fera sans retard la même opération sur cinquante-cinq autres
camions pour porter le total à deux cents.
C’est
dans cet esprit qu’il faut travailler, non seulement dans l’agriculture, mais
dans chaque activité de la production et des services qui apporte des revenus à
la nation et se substitue à des importations.
Nous
devons continuer d’incorporer le plus grand nombre possible de personnes à des
tâches stratégiques, telle la production d’aliments que nous avons déjà
signalée comme une question de sécurité nationale, en recourant à toutes les
formes de propriété existantes et dans l’ordre requis.
Nous
pouvons compter sur de nombreux diplômés universitaires, qui dépassent
largement les besoins dans certaines spécialités, mais si nous ne parvenons pas
à changer les mentalités et à créer les conditions objectives et subjectives
qui garantissent que l’on puisse disposer opportunément de la force de travail
qualifiée, qui travaillera la terre ? Qui travaillera dans les usines et
les ateliers ? Qui créera en définitive les richesses matérielles dont
notre peuple a besoin ? On a parfois l’impression que nous sommes en train
d’avaler le socialisme avant de le bâtir et que nous aspirons à dépenser comme
si nous étions dans le communisme.
Je
passe à un autre point. Les sept premiers mois de l’année ont été témoins d’une
activité marquante de Cuba dans l’arène internationale. Même nos ennemis les
plus jurés ne peuvent nier que le prestige de cette petite île grandit.
Nous venons de céder à l’Égypte la présidence du
Mouvement des pays non alignés qui, de l’avis des pays membres, s’est
revitalisé ces trois dernières années sous la conduite de Cuba et qui fait
preuve d’une cohésion et d’une influence supérieures dans les instances
mondiales les plus variées.
Les peuples et gouvernements latino-américains et
caribéens, donnant une preuve supplémentaire des profonds changements survenus
ces cinquante dernières années à partir de la victoire de la Révolution cubaine
et du fait que les prétentions de nous isoler sur ce continent ont échoué, ont
réclamé unanimement et toujours plus fortement la levée du blocus étasunien au
Sommet des Amériques tenu à Port-of-Spain.
L’Alliance bolivarienne des peuples de Notre Amérique (ALBA)
et toute la région ont remporté une victoire éclatante à San Pedro Sula
(Honduras) lorsque, surmontant l’opposition des États-Unis, décision a été
prise d’éliminer sans aucune condition l’exclusion anachronique de Cuba de
l’Organisation des États américains, bien que nous ayons réitéré une fois de
plus que nous n’avions pas la moindre intention d’y retourner, pour des raisons
évidentes que vous connaissez tous.
Cuba
participe activement aux différents mécanismes d’intégration de la région. Son
entrée au Groupe de Rio comme membre à part entière, en décembre dernier, a été
un fait d’une grande importance.
Nos
relations politiques et économiques avec le Venezuela et les autres nations de
l’ALBA, et avec d’autres pays de la région et du monde progressent d’une
manière soutenue et ferme. L’ALBA, forum d’intégration et de solidarité, se
consolide, tout en commençant à être en butte aux actions de l’impérialisme.
Cette
Assemblée nationale vient d’adopter une Déclaration sur le Honduras. Cuba a
condamné catégoriquement le coup d’État dans ce pays, soutenu résolument le retour
immédiat et inconditionnel du président légitime à son poste et exprimé sa
solidarité avec cette nation sœur. Ce qu’il advient au Honduras sera décisif
pour l’avenir de Notre Amérique. Le peuple hondurien dira le dernier mot.
Malgré les difficultés économiques et financières, nous avons honoré nos
engagements moraux en matière de coopération et de solidarité.
Les deux nations centraméricaines avec lesquelles nous
n’avions pas de relations diplomatiques les ont rétablies ces derniers mois.
On pourrait se demander : quel est le pays isolé sur
ce continent ? Pas Cuba, à ce qu’il semble…
Nous avons observé avec attention l’attitude de la
nouvelle administration étasunienne envers notre nation. Si nous nous en tenons
strictement aux faits, il faut dire alors que le blocus économique, commercial
et financier reste intact et fonctionne dans toute sa rigueur, comme le
prouvent la traque dont font l’objet nos transactions avec des pays tiers et les
amendes infligées toujours plus à des sociétés étasuniennes et à leurs filiales
étrangères. De même, Cuba constitue d’être inscrite sans la moindre
justification sur la liste des États promoteurs du terrorisme international que
dresse tous les ans le département d’État.
Les
mesures positives, quoique minimales, annoncées le 13 avril dernier à la veille
du Sommet des Amériques, compte tenu de l’opposition de tout le continent au
blocus, et selon lesquelles les restrictions aux voyages des Cubains vivant
dans ce pays et aux envois de fonds familiaux seraient levées et certaines
opérations de télécommunications permises n’ont pas encore été appliquées à ce
jour. Il est important que cela se sache, parce qu’il existe pas mal de
confusion et de manipulation dans la presse internationale à cet égard.
Il est
vrai que l’agressivité et la rhétorique anticubaines ont cédé dans
l’administration étasunienne et qu’après six années de suspension sur décision
de Bush, les conversations entre les deux gouvernements sur le thème migratoire
ont repris le 14 juillet dernier et qu’elles se sont déroulées d’une manière
sérieuse et constructive. Cuba a répété qu’elle continuera d’appliquer
scrupuleusement, comme jusqu’à présent, les accords migratoires et elle a
dénoncé que la Loi d’ajustement cubain et la politique « pieds secs/pieds
mouillés » toujours appliquées par l’administration étasunienne
stimulaient les départs illégaux et la contrebande de personne
Voilà
quelques semaines, la secrétaire d’Etat Hillary Clinton a déclaré :
« …nous nous ouvrons au dialogue avec Cuba, mais qu’il soit très clair que
nous voulons des changements fondamentaux dans le régime cubain. »
Je me
vois donc dans l’obligation, avec tout le respect que je lui dois, de répondre
à Mme Clinton et, au passage, à ceux qui dans l’Union européenne
nous réclament des gestes unilatéraux en vue de démonter notre régime politique
et social.
On ne
m’a pas élu président pour restaurer le capitalisme à Cuba ni pour brader la
Révolution. J’ai été élu pour défendre, pour maintenir et pour continuer de
perfectionner le socialisme, pas pour le détruire ! (Applaudissements prolongés.)
C’est
là quelque chose qui doit être
absolument clair, parce qu’il représente la ferme volonté du peuple cubain qui
a adopté en février 1976 par référendum, au vote direct et secret de 97,7 p. 100
des électeurs, la Constitution de la République dont l’article premier
stipule : « Cuba est un Etat socialiste de travailleurs, indépendant
et souverain, organisé avec tout et pour le bien de tous, en tant que
république unitaire et démocratique, en vue de la jouissance de la liberté
politique, de la justice sociale, du bien-être individuel et collectif et de la
solidarité humaine. »
Et,
plus récemment, en 2002, concrètement du 15 au 18 juin, un total de 8
Je
saisis l’occasion pour réitérer que Cuba est disposée à soutenir avec les
États-Unis un dialogue respectueux, entre égaux, sans la moindre offense à
notre indépendance, à notre souveraineté et à notre autodétermination. Nous
sommes prêts à parler de tout, je le répète : de tout, mais des choses
d’ici, de Cuba, et des choses de là-bas, des États-Unis, non à négocier notre
système politique et social. Nous ne leur demandons pas, nous, ce genre de
choses. Alors, respectons mutuellement nos différences.
Nous
ne reconnaissons pas au gouvernement de ce pays, ni à aucun autre ni à aucun
groupe d’État, la moindre juridiction sur nos affaires souveraines.
À
Cuba, depuis le triomphe de la Révolution, il n’y a jamais eu d’exécutions
extrajudiciaires, de personnes disparues, de personnes torturées… Permettez-moi
de rectifier : à Cuba, oui, il y a eu des tortures, mais sur la base
navale de Guantánamo imposée à notre patrie voilà plus de cent ans à la suite
de l’infâme amendement Platt votée par le Congrès des Etats-Unis comme
condition à la fin de l’occupation militaire de ce pays. Là oui, on a torturé,
et cette base fait partie du territoire cubain, même si nous ne l’avons pas
installée, nous. Je dis donc à Mme Hillary Clinton, la secrétaire
d’État, avec tout le respect que je lui dois : si vous voulez discuter de
tout, eh bien, nous discuterons de tout, de nos choses à nous, mais aussi de vos
choses à vous !
L’administration
a annoncé la fermeture de sa prison de Guantánamo, en écho à une juste
réclamation de l’opinion publique mondiale, mais les choses ne terminent pas
là : nous ne renonçons pas ni ne renoncerons jamais à la rétrocession
inconditionnelle de ce pan de territoire cubain.
Puisque
je viens de redire que nous sommes disposés à régler le contentieux avec les
États-Unis, je tiens à préciser que nous abordons cette question avec la plus
grande sérénité et sans la moindre hâte. Voilà cinquante ans que nous marchons
sur le fil du rasoir : nous sommes bien entraînés à ça et nous sommes
capables de résister cinquante autres années d’agressions et de blocus (applaudissements).
On entend dire dans les milieux de pouvoir étasuniens qu’il faudra attendre
la disparition de la génération historique de la Révolution, un pari sinistre sur
ce qu’on appelle le « facteur biologique », ou, ce qui revient au
même, sur la mort de Fidel et celle de nous tous.
Ceux qui pensent ainsi courent à l’échec, parce que les
générations de patriotes révolutionnaires qui nous succéderont, en premier lieu
notre magnifique jeunesse, ne se désarmeront jamais sur le terrain
idéologique ; et, à leur côté et aux côté du Parti, en toute première
ligne il y aura à jamais les mambis du
XXIe siècle, nos glorieuses Forces armées révolutionnaires qui ont
été capables, cette fois-ci, d’entrer victorieuses dans Santiago de Cuba le 1er janvier
1959, avec leur commandant-en-chef à la tête (applaudissements).
Je n’ai pas mentionné le ministère de l’Intérieur parce
qu’il n’existait pas encore quand nous sommes entrés dans Santiago et que je le
considère en fait comme un membre de la même famille qui poursuit les mêmes
objectifs.
Nos cinq Héros, incarcérés depuis onze ans
dans des prisons étasuniennes pour avoir combattu les plans terroristes contre
Cuba, sont un exemple éloquent de cette attitude. Le mouvement mondial en
faveur de leur libération ne cesse de s’étendre, et cette Assemblée a adopté
aujourd’hui un appel aux parlements et peuples du monde pour dénoncer cette
injustice. D’ici, nous adressons à Gerardo, à Ramón, à Antonio, à Fernando et à
René une forte accolade et leur disons notre admiration pour leur fermeté
inébranlable, qui est d’ores et déjà un
symbole de la Révolution cubaine (applaudissements).
Il me reste une autre question importante à aborder et dont notre presse a
parlé hier : le Septième Plénum du Comité central a décidé d’ajourner le
Sixième Congrès du parti prévu pour la fin de l’année.
La tâche qui attend les communistes et tout notre peuple
est grande : définir avec la plus vaste participation populaire possible la
société socialiste à laquelle nous aspirons et que nous sommes en mesure de
construire dans les conditions actuelles et futures de Cuba, fixer le modèle
économique qui régira la vie de la nation au profit de nos compatriotes et assurer
l’irréversibilité du régime sociopolitique du pays, seule garantie de sa
véritable indépendance.
On peut donc comprendre l’ampleur des études en cours qui
concernent les principaux aspects de l’activité nationale, au milieu des
urgences et tensions associées à la situation économique.
Ce qui comprend, entre autres points, l’unification
monétaire en vue de supprimer la double monnaie – qu’il a fallu établir à un
moment donné – l’élimination de gratuités, à l’exception de celles que stipule
la Constitution, et de subventions indues, le système de rétribution salariale
selon le principe socialiste : « De chacun selon ses capacités ;
à chacun selon son travail. »
Un congrès formel qui n’approfondirait pas ces questions
stratégiques et ne dicterait pas des lignes directrices vers l’avenir serait
dénué de sens et de contenu. Bref, il s’agit, compañeros, de prendre le taureau par les cornes et d’identifier
nos principaux problèmes, ce qui prendra forcément un petit peu de temps.
Conformément à ce qu’a adopté le Septième Plénum du
Comité central – la note a été publiée hier dans la presse – il s’impose
d’abord de conclure la préparation de tout le parti, puis de procéder à une
analyse avec l’ensemble de la population et, enfin, de ne tenir le Congrès lorsque ce grand processus aura pris fin. Tel
sera le vrai Congrès où tous les problèmes seront discutés par les communistes
et par tout le peuple.
Si nous voulons réaliser un Congrès pour de bon, dans une
situation comme la nôtre, chercher des solutions aux problèmes et regarder vers
l’avenir, il faut qu’il en soit ainsi. C’est le peuple, avec son parti à
l’avant-garde, qui doit en décider.
En cinquante ans de Révolution, nous avons acquis
l’expérience suffisante dans la consultation du peuple. La plus récente à
l’échelle nationale a été l’analyse de mon discours du
Les prises de position les plus réitérées concernaient la
production d’aliments, la décision irrévocable de construire le socialisme, la
substitution d’importations, l’élévation de la production, la situation
économique et sociale, le concept selon lequel on ne peut dépenser plus que ce
que l’on perçoit, les manifestations de corruption et la délinquance, la
préparation à la défense et le rôle des cadres politiques et administratifs.
Comme vous pouvez le constater, ce sont là des thèmes très en rapport avec la
teneur du Congrès et l’avenir du pays. Je tiens à préciser que ce processus a
été conçu comme un ballon d’essai en prévision de ce Congrès du parti.
Son ajournement ne veut absolument pas dire, tant s’en
faut, que sa préparation se paralyse : cette décision implique qu’il faut
prendre des mesures irrévocables, comme la rénovation des organes de direction
supérieurs du parti.
Le Comité central est formé de magnifiques compañeros, mais beaucoup n’occupent
plus les responsabilités qu’ils avaient lors de leur élection voilà douze ans,
alors que cette période, qui aurait dû être de cinq ans, s’est prolongée à
cause du retard accumulé dans la tenue du Congrès.
L’article 46 des Statuts du parti stipule :
« Entre deux Congrès, le Comité central peut convoquer une Conférence
nationale pour aborder des points importants de la politique du parti. La
Conférence nationale sera habilitée à incorporer de nouveaux membres à
l’organisme et à en séparer ou libérer ceux qu’elle jugerait utiles. Le nombre
de participants et la modalité de leur élection, ainsi que les normes devant régir
la préparation et le déroulement de la Conférence nationale sont fixés par le
Bureau politique. »
C’est en accord avec cet article que le Septième Congrès
a décidé de convoquer une Conférence nationale, essentiellement pour élire les
nouveaux organismes de direction, à savoir le Comité central, le Bureau
politique et le Secrétariat, qui sont responsables de poursuivre et de conclure
les préparatifs du Congrès. Nous n’avons jamais réalisé auparavant une réunion
de ce genre et nous pouvons l’organiser dans des délais relativement brefs, ce
que nous ferons.
Dès le 1er janvier 1959, notre ligne
invariable a été d’analyser avec le peuple chaque problème important, aussi
difficile qu’il soit. Si nous avons survécu un demi-siècle à toutes les
difficultés et agressions, c’est parce que la Révolution est l’œuvre de
l’immense majorité des Cubains.
Solidement unis,
nous serons conséquents avec la longue histoire de lutte de notre
peuple, avec les enseignements de Fidel et avec notre engagement éternel envers
ceux qui sont tombés.
Je vous remercie. (Ovation.)