RÉFLEXIONS DU COMPAÑERO FIDEL
Pax romana
Je reprends pour l’essentiel les déclarations de l’ambassadeur étasunien
en Colombie, William Brownfield, la presse et la
télévision de ce pays, la presse internationale et d’autres sources. L’étalage
de technologie et de ressources économiques utilisés est impressionnant.
Alors que les hauts gradés colombiens s’escriment à signaler que
l’opération de sauvetage d’Ingrid Betancourt a été absolument leur, les
autorités étasuniennes déclarent : « Elle a été le résultat d’années
de coopération militaire intense entre les deux armées. »
« "Le fait est que nous sommes arrivés à nous entendre d’une
manière rarement atteinte, sinon avec nos vieux alliés, surtout de l’OTAN" »,
a signalé Brownfield, faisant référence par là aux
relations entre les forces de sécurité colombienne qui ont reçu plus de quatre
milliards de dollars en aide militaire depuis 2000. »
« …à plusieurs occasions, le gouvernement étasunien a dû prendre
des décisions au plus haut niveau dans cette opération. »
« Les satellites espions étasuniens ont contribué au dépistage des
otages durant une période d’un mois qui a commencé le 31 mai et pris fin avec
le sauvetage de mercredi. »
« Les Colombiens ont installé le long des cours d’eau, la seule
voie de communication à travers la forêt vierge, des équipements de
surveillance vidéo télécommandés fournis par les USA, qui prennent des vues
rapprochées et panoramiques, ont indiqué des autorités colombiennes et
étasuniennes. »
« Des avions de reconnaissance étasuniens ont intercepté des
conversations de rebelles par radio et téléphone satellitaire et recouru des
appareils qui permettent de percer la frondaison de la forêt vierge. »
« "Le déserteur touchera une somme considérable provenant des
presque cent millions de dollars de
récompense offerts par le gouvernement" », a déclaré le commandant
général de l’armée colombienne. »
D’après
Le leader des FARC, décédé récemment, était né le 12 mai 1932, selon le
témoignage de son père. Paysan pauvre proche du parti libéral, partisan de Gaitán, il lança la lutte armée voilà soixante ans. Il fut
guérillero avant nous, en réaction aux massacres de paysans par l’oligarchie.
Le Parti communiste – où il entra ensuite – était soumis, comme tous les
autres d’Amérique latine, à l’influence de celui de l’Union soviétique, et non
de celui de Cuba. Il était solidaire de notre Révolution, mais non subordonné.
Ce sont les narcotrafiquants, et non les FARC, qui ont déclenché la
terreur dans ce pays par leur lutte pour le marché étasunien, faisant exploser
non seulement de puissantes bombes, mais même des camions bourrés de plastic
qui détruisirent des installations, et tuèrent ou blessèrent une quantité
incalculable de personnes.
Jamais le Parti communiste colombien ne s’est proposé de conquérir le
pouvoir par les armes. La guérilla était un front de résistance, non l’instrument
fondamental de la conquête du pouvoir révolutionnaire, comme ça s’est passé à
Cuba. En 1993, à leur huitième Congrès, les FARC décidèrent de rompre avec le
Parti communiste. Leur chef, Manuel Marulanda, prit
la direction des guérillas de ce dernier qui s’était toujours caractérisé par
un sectarisme hermétique au sujet de l’admission de combattants et par ses
méthodes de cloisonnement rigides à la direction.
Marulanda, qui possédait un intelligence naturelle et des dons
de dirigeant notables, ne put jamais faire d’études, quand il était adolescent,
au-delà du primaire. Il concevait une lutte prolongée, ce qui est là un point
de vue que je ne partageais pas. Je n’ai jamais eu la possibilité d’échanger
avec lui.
Les FARC se renforcèrent considérablement au point de dépasse les dix
mille combattants. Beaucoup sont nés durant cette guerre et ne connaissent rien
d’autre. D’autres guérillas rivalisèrent dans la lutte avec les FARC. Le
territoire colombien était devenu alors la plus grande source de production de
cocaïne au monde ; la violence extrême, les enlèvements, les impôts et les
exigences des producteurs de drogues étaient devenus le pain quotidien.
Les forces paramilitaires, armées par l’oligarchie et dont les rangs se
nourrissaient de la grande quantité d’hommes qui prêtaient service dans les
forces armées et qui étaient démobilisés chaque année sans le moindre emploi
assuré, finirent par créer en Colombie une situation si complexe qu’il
n’existait plus qu’une seule issue : la paix véritable, même si elle était
aussi lointaine et difficile que bien d’autres objectifs de l’humanité. Le
choix que Cuba a défendu durant trois décennies.
Tandis que les journalistes cubains discutent à leur Huitième Congrès des nouvelles techniques
d’information, des principes et de l’éthique des communicateurs sociaux, je
réfléchis sur ces événements-là.
J’ai dit clairement que nous étions partisans de la paix en Colombie.
Mais nous ne sommes pas en faveur de l’intervention militaire étrangère ni de
la politique de force que les Etats-Unis prétendent imposer coûte que coûte,
quel que soit le prix que doive payer le peuple colombien qui a déjà tant
souffert.
J’ai critiqué avec énergie et en toute franchise les méthodes
objectivement cruelles de l’enlèvement et de la rétention de prisonniers en
pleine forêt vierge. Mais je ne suggère à personne de déposer les armes dans la
mesure où ceux qui l’on fait ces cinquante dernières années n’ont pas survécu à
la paix. Si j’ose me permettre de suggérer quelque chose aux guérilleros des
FARC, c’est tout simplement de déclarer par n’importe quel moyen leur
disposition à libérer les séquestrés et les prisonniers en leur pouvoir, sans
la moindre condition. Je ne prétends pas qu’ils m’écoutent ; je fais mon
devoir en exprimant ce que je pense. Toute autre attitude ne servirait qu’à primer
la déloyauté et la trahison.
Je n’appuierai jamais la pax romana que l’Empire prétend imposer en Amérique latine.
Fidel Castro Ruz
Le 5 juillet
2008
20 h 12