RÉFLEXIONS DU COMPAÑERO FIDEL
La politique cynique de
l’Empire
Il ne serait pas honnête de ma part de faire silence après le discours
qu’Obama a prononcé, le 23 mai dans
l’après-midi, devant
Qu’a-t-il affirmé devant
les annexionnistes?
« Durant toute ma vie, l’injustice a régné à
Cuba. Durant toute ma vie, le peuple cubain n’a jamais connu la vraie liberté.
Deux générations durant, le peuple cubain n’a jamais connu la démocratie. …en
cinquante ans, nous n’avons jamais vu d’élections … nous ne supporterons pas cette
injustice ; nous chercherons ensemble la liberté de Cuba… Voilà la parole que je vous donne ; voilà
l’engagement que je prends devant vous… Il est temps que l’argent des Cubano-Américains rende leurs familles moins dépendantes du
régime castriste. Je maintiendrai l’embargo. »
La teneur
du discours de ce fort candidat à la présidence des Etats-Unis m’exempte
d’avoir à expliquer les motifs de ces Réflexions.
José Hernández, l’un
des dirigeants de
Le groupe de José
Hernandez souhaitait renouer le pacte passé avec Clinton que le clan Más Canosa [président de
Je peux traduire le
discours du candidat Obama par la formule
suivante : plus de faim pour notre pays ; liberté aux envois de fonds
familiaux à titre d’aumônes ; liberté aux visites à Cuba à titre de
publicité pour l’hyperconsommation et le mode de vie intenable qui le
sous-tend.
Comment Obama va-t-il se colleter avec le problème gravissime de la
crise alimentaire ? Les grains, il faut les distribuer entre les êtres
humains et les animaux domestiques, mais aussi les poissons qui, d’année en
année, sont toujours plus petits et toujours moins abondants dans les mers
surexploitées par les grands chalutiers pêchant à la traîne, une méthode
qu’aucun organisme international n’a été capable de freiner. Il n’est pas
facile de produire de la viande à partir du gaz et du pétrole. Obama surestime les possibilités de la technique dans la
lutte contre les changements climatiques, quoiqu’il soit plus conscient que
Bush des risques encourus et du peu de temps disponible. Il pourrait consulter
Gore, qui est lui aussi démocrate et qui a renoncé à être candidat, et qui sait
bien, lui, à quel rythme les changements climatiques s’accélèrent. Son proche
rival politique, bien que non aspirant, Bill Clinton, expert en lois
extraterritoriales telles que
Qu’a dit dans son
discours de Miami celui qui est incontestablement, des points de vue social et
humain, le candidat à la candidature présidentielle étasunienne aux idées les
plus avancées ?
« Pendant deux cents ans, les Etats-Unis ont
affirmé sans ambages qu’ils ne permettraient pas une intervention étrangère sur
le continent. Or, nous sommes témoins d’une grave intervention : la faim,
les maladies, le désespoir. D’Haïti au
Pérou, nous pouvons faire mieux les choses
et nous devons le faire : nous ne saurions accepter la
mondialisation des ventres creux. »
Magnifique
définition de la mondialisation impérialiste que ces « ventres
creux » ! Soyons-en reconnaissants. Mais, voilà deux cents ans,
Bolívar luttait pour l’unité de l’Amérique latine, et voilà plus de cent ans,
Martí donnait sa vie pour combattre l’annexion de Cuba par les Etats-Unis.
Quelle différence y a-t-il entre ce que proclamait Monroe et ce que, deux
siècles plus tard, Obama proclame et revendique dans
son discours ?
Il a dit presque à la
fin :
« Je réinstallerai un Envoyé spécial pour les Amériques
dans ma Maison-Blanche [comme l’avait Bill Clinton]… Nous étendrons le Peace Corps et demanderons à davantage de
jeunes Etasuniens d’aller à l’étranger pour renforcer la confiance et les liens
entre nos peuples… Nous pouvons forger notre avenir, au lieu d’être forgés par
lui. »
Belle
formule, à nouveau, parce que c’est reconnaître par là l’idée, ou la crainte,
que l’Histoire fait les personnages, et non à rebours.
Les Etats-Unis
d’aujourd’hui n’ont rien à voir avec les Treize Colonies qui formulèrent
Dans son discours, Obama juge que
La révolution armée
n’aurait peut-être pas été nécessaire sans l’intervention militaire des
Etats-Unis [dans la guerre d’Indépendance cubaine], sans l’amendent Platt et sans le colonialisme économique que tout ceci a
entraîné dans l’île.
La première chose que
les dirigeants cubains ont apprise de Martí, c’est créer une organisation
appelée à faire
Je ne conteste pas la
vive intelligence d’Obama, ses dons de polémiste et
son esprit de travail. Il maîtrise les techniques de la communication et
dépasses ses rivaux en matière de concurrence électorale. J’observe avec
sympathie sa femme et ses filles qui l’accompagnent et l’encouragent tous les
mardis ; c’est là sans doute un tableau humain réconfortant. Je me vois
toutefois contraint de lui poser plusieurs questions délicates, sans attendre
pour autant des réponses de lui :
1.
Est-il
correct que le président des Etats-Unis ordonne l’assassinat de personnes dans
le monde, sous quelque prétexte que ce soit ?
2.
Est-il
éthique que le président des Etats-Unis ordonne de torturer d’autres êtres
humains ?
3.
Le
terrorisme d’Etat est-il vraiment un instrument que doit utiliser un pays aussi
puissant que les Etats-Unis pour instaurer la paix sur la planète ?
4.
Une Loi
d’ajustement, appliquée pour punir un seul pays, Cuba, et le déstabiliser, même
si cela coûte la vie d’enfants et de mères innocents, est-elle bonne et
honorable ! Si elle est bonne, pourquoi ne donne-t-on pas le droit de
séjour automatique, non seulement aux Cubains, mais aussi aux Haïtiens, aux
Dominicains et autres Caribéens, et ne fait-on pas pareil à l’égard des
Mexicains, des Centraméricains et des Sud-Américains
qui tombent comme des mouches sur le mur érigé à la frontière mexicaine ou dans
les eaux de l’Atlantique et du Pacifique ?
5.
Les
Etats-Unis peuvent-ils se passer des immigrants qui cultivent des légumes, des
fruits, des amandes et d’autres gâteries pour les Etasuniens ? Qui
balaierait les rues, qui servirait de domestique, qui réaliserait
les travaux les plus rudes et les plus mal payés ?
6.
Les
descentes de police contre les sans-papiers, qui touchent même des enfants nés
aux Etats-Unis, sont-elles justes ?
7.
Le vol
de cerveaux et les saignées continuelles des meilleures intelligences scientifiques
et intellectuelles des pays pauvres sont-ils moraux et justifiables ?
8.
Vous
affirmez, comme je l’ai noté au début des mes Réflexions, que votre pays avait,
voilà bien longtemps, averti les puissances européennes qu’il n’admettrait pas
d’intervention de leur part dans le continent. Or, votre pays, tout en
rappelant cette mise en garde, réclame le droit d’intervenir partout dans le
monde, fort de ses centaines de bases militaires, de ses forces navales,
aériennes et spatiales disséminées à travers la planète. Est-ce là la façon
dont les Etats-Unis expriment leur respect de la liberté, de la démocratie et
des droits de l’homme ?
9.
Est-il
juste d’attaquer par surprise et à titre préventif une soixantaine de sombres
recoins du monde, comme les appelle Bush, quel qu’en soit le prétexte ?
10.
Est-il
honorable et sensé de gaspiller des billions de dollars dans le complexe
militaro-industriel rien que pour fabriquer des armes qui peuvent liquider
plusieurs fois la vie sur
Vous feriez mieux d’apprendre, avant de le juger, que
notre pays, grâce aux programmes d’éducation, de santé, de sports, de culture
et de science qu’il applique non seulement chez lui, mais encore dans d’autres
pays pauvres du monde, et au sang qu’il a versé par solidarité avec d’autres
peuples, malgré le blocus économique et financier et les agressions de votre
puissant pays, constitue la preuve qu’on peut faire beaucoup avec très peu.
Nous n’avons même pas permis à notre meilleure alliée, l’URSS, de tracer notre
destinée.
Quand ils coopèrent avec d’autres pays, les
Etats-Unis ne peuvent dépêcher que des spécialistes liés au secteur militaire,
tout bonnement parce qu’ils n’ont pas les personnels capables de se sacrifier
pour d’autres et d’apporter un appui significatif à un pays en difficultés,
bien que nous ayons connu à Cuba d’excellent médecins étasuniens et qu’ils
aient coopéré avec nous. Ils ne sont pas coupables du fait que votre société ne
les éduque pas massivement dans cet esprit.
Nous n’avons jamais subordonné la coopération de
notre pays à des conditions idéologiques. Nous l’avons même offerte aux
Etats-Unis quand le cyclone Katrina a durement frappé
Notre Révolution peut convoquer des dizaines de
milliers de médecins et de techniciens de la santé. Elle peut aussi convoquer
massivement des enseignants et des citoyens disposés à partir vers n’importe
quel recoin du monde pour remplir n’importe quel noble objectif. Non pour
usurper des droits ni s’emparer de matières premières.
La bonne volonté et la bonne disposition des
personnes offrent des ressources infinies qui ne se conservent pas ni ne
tiennent dans les coffres-forts des banques. Et qui n’émanent pas de la
politique cynique d’un Empire.
Fidel Castro Rúz
25 mai 2008
22 h 35