Réflexions du compañero
Fidel
POURQUOI EXCLUT-ON CUBA ?
Hier, vendredi
3 avril, vers
Comme
je lui ai expliqué dans une lettre écrite dans l’après-midi, j’ai été
favorablement impressionné par notre rencontre et je l’ai remercié de cette
occasion d’avoir des détails sur sa lutte au Nicaragua.
Je lui
ai fait part de ma tristesse devant les cadres qui ont failli et j’ai rappelé Tomás
Borge, Bayardo, Jaime Wheelock, Miguel D´Escoto et d’autre qui sont restés
fidèles aux rêves de Sandino et aux idées révolutionnaires que le Front
sandiniste a apportées au Nicaragua.
Je
l’ai prié de me faire parvenir le plus fréquemment possible des nouvelles au
sujet des vicissitudes d’un petit pays du Tiers-monde face aux ambitions
insatiables du G-7.
J’ai
envoyé à Rosario Geología de Cuba para
todos, un ouvrage que j’ai reçu voilà trois jours, une merveilleuse présentation
de la nature de notre île à travers des centaines de millions d’années,
illustré de belles images et photos, écrit par douze scientifiques cubains et
qui, combinant récits et analyses, constitue un joyau littéraire. Je le lui
avais montré et elle avait été très intéressée.
Avec
Daniel, j’ai longuement conversé du « fameux » Sommet des Amériques
qui se tiendra du 17 au 18 avril à Port-of-Spain, capitale de
Trinité-et-Tobago.
Ces
sommets ont déjà une histoire et, soit dit en passant, plutôt ténébreuse. Le
premier s’est tenu à Miami, capitale de la contre-révolution, du blocus et de
la sale guerre contre Cuba, du 9 au
L’URSS
s’était effondrée, et notre pays était en pleine Période spéciale. On tenait
pour sûre la chute du socialisme dans notre patrie, comme cela s’était passé en
Europe de l’Est d’abord, en Union soviétique ensuite.
Les
contre-révolutionnaires faisaient leurs valises pour rentrer victorieux à Cuba.
Bush père avait perdu les élections, surtout à cause de son équipée belliciste
en Iraq. Clinton se préparait à l’ère post-Révolution cubaine en Amérique
laine. Le Consensus de Washington était pleinement
en vigueur.
La
sale guerre contre Cuba était sur le point de conclure sur un succès. La Guerre
froide se terminait sur la victoire de l’Occident et une nouvelle ère s’ouvrait
pour le monde.
Les
présidents d’Amérique du Sud et d’Amérique centrale accoururent avec
enthousiasme au Sommet de Miami de 1994, encouragé par l’invitation de Clinton.
Le
président argentin, Carlos Menem, était en tête de liste des présidents
sud-américains qui assisteraient au rendez-vous, suivi de Lacalle, son voisin
uruguayen de droite, du Chilien Eduardo Frei, de la démocratie-chrétienne, du
Bolivien Sánchez de Lozada, du Péruvien Fujimori, du Vénézuélien Rafael Caldera.
Rien d’étonnant qu’ils aient entraînés le Brésilien Itamar Franco et Fernando
Enrique Cardoso, son successeur à la présidence, le Colombien Samper et
l’Equatorien Sixto Durán.
La
liste des participants de Miami pour l’Amérique centrale était conduite par le
Salvadorien Calderón Sol, du parti ARENA, et la Nicaraguayenne Violeta Chamorro
qui, par suite de la sale guerre contre les sandinistes, avait été imposée par Reagan
et Bush père.
Ernesto Zedillo représentait le Mexique.
Derrière ce sommet, se
profilait un objectif stratégique de l’impérialisme : le rêve d’un traité
de libre-échange du Canada à la Patagonie.
Hugo Chávez, président
de la République bolivarienne du Venezuela, ne ferait son apparition à ces
sommets qu’en 2001, à Québec. George W. Bush ne jouait pas encore son sinistre
rôle dans l’arène internationale.
L’Histoire a voulu que
notre Héros national et défenseur de l’indépendance de notre pays, José Martí,
ait connu la première grande crise économique du capitalisme aux États-Unis qui
a duré jusqu’en 1893. Il avait compris que l’union économique avec les USA
signifierait pour l’Amérique latine la fin de son indépendance et de la culture
de ses peuples.
Le président des
États-Unis avait adressé en 1888 au peuples d’Amérique et du royaume d’Hawaii,
dans le Pacifique, une invitation du Sénat et de la Chambre des représentants à
une conférence internationale à Washington afin d’étudier, entre autres choses,
l’ « adoption par chaque gouvernement d’une monnaie d’argent commune à
cours obligatoire dans les transactions commerciales réciproques des citoyens
de tous les États d’Amérique ».
Les membres du Congrès
devaient avoir bien étudié, sans aucun doute, les conséquences de ces mesures.
Presque deux ans après,
la Conférence internationale américaine convoquée par les États-Unis recommanda
la mise en place d’une union monétaire et la frappe d’une ou deux monnaies lui
servant de base dans les pays représentés.
Finalement, après un
mois de prorogation, comme le raconte Martí lui-même, la délégation étasunienne
à la Commission monétaire internationale déclara, en mars 1891, « que la création d’une
monnaie d’argent… était un rêve
fascinant qui ne pouvait se tenter sans un consensus avec les autres puissances
de la planète ». Elle recommanda aussi l’utilisation de l’or et de
l’argent dans la nouvelle monnaie éventuelle.
C’était là une
prémonition de ce qui surviendrait cinquante-cinq ans plus tard quand la
conférence de Bretton Woods concéda aux USA le privilège de battre monnaie en
tant que devise internationale et d’utiliser l’or et l’argent.
Cet événement permit à
Martí de faire l’analyse politique et économique la plus impressionnante que
j’aie lue de ma vie, publiée en mai 1891 dans La Revista Ilustrada de New York, où il s’opposa absolument à cette
idée.
Durant notre rencontre,
Daniel m’a fait connaître un grand nombre de paragraphes de la Déclaration
finale encore en discussion du prochain Sommet de Port-of-Spain.
L’Organisation des
États américains dicte les règles du jeu, dans le cadre du rôle que lui a
assigné Bush en tant que secrétaire permanente du Sommet des Amériques. La
Déclaration finale contient exactement cent paragraphes, comme si l’institution
aimait les chiffres ronds pour dorer la pilule et donner plus de force au
document. Dans le style des Cent meilleures poésies de la langue espagnole…
J’y ai découvert soit
dit en passant un grand nombre de concepts inadmissible ; ce sera l’épreuve
du feu pour les peuples caribéens et latino-américains. Serait-ce donc un
recul ? Blocus et en plus exclusion après cinquante ans de
résistance ?
Qui
en sera responsable? Qui donc exige
maintenant notre exclusion? Ne comprend-on donc pas que
l’époque des accords d’exclusion contre notre peuple est absolument
révolue ? La Déclaration sera assortie d’importantes réserves par des
chefs d’État, qui tiendront à faire comprendre que, malgré les modifications
introduites au terme de dures discussions, certaines idées sont inacceptables
pour eux.
Cuba s’est toujours
dite disposée dans les nouvelles circonstances à coopérer du mieux possible
avec les activités diplomatiques des pays latino-américains et caribéens. Ceux
qui doivent le savoir le savent bien, mais on ne saurait nous demander de
garder le silence devant des concessions inutiles et inadmissibles.
Même les pierres
parleront !
Fidel Castro Ruz
Le