Réflexions du compañero Fidel
RIEN NE FORÇAIT OBAMA À AGIR CYNIQUEMENT
Dans les derniers
paragraphes de mes réflexions d’il y a deux mois, le
Et j’avais ajouté:
« Le
monde a appris ce matin, vendredi 9, qu’ "Obama le bon", pour
reprendre l’énigme posée par le président vénézuélien Hugo Chávez aux Nations
Unies avait reçu le Prix Nobel de la paix. Je ne partage pas toujours les
positions de cette académie, mais je dois reconnaître que c’est une mesure
positive dans les circonstances actuelles. Elle compense le revers essuyé par
Obama à Copenhague quand Rio de Janeiro, et non Chicago, a été désigné comme
organisatrice des Jeux olympiques de 2016, ce qui a provoqué de violentes
attaques de la part de ses adversaires d’extrême droite. »
« Beaucoup
jugeront qu’il n’a pas gagné pour l’instant le droit de recevoir une telle
distinction. Je souhaite voir dans cette décision, plutôt qu’un prix au
président étasunien, une critique de la politique génocidaire suivie par nombre
de présidents de ce pays qui ont conduit le monde au carrefour où il se trouve
aujourd’hui, une exhortation à la paix et à la recherche de solutions qui
permettrait à notre espèce de survivre. »
Il est évident que j’observais avec soin le président noir élu dans une
société raciste en proie à une profonde crise économique, sans préjuger à
partir de ses déclarations de la campagne électorale et de sa condition de chef
du pouvoir exécutif yankee.
Presque un mois après, j’ai écrit ce qui suit dans
des Réflexions intitulée : De la
science-fiction :
« Le peuple étasunien n’est pas coupable, mais bel et bien victime
d’un système insoutenable et, pis encore, d’ores et déjà incompatible avec la
vie de l’humanité. »
« L’Obama intelligent et rebelle qui a souffert l’humiliation et le
racisme durant son enfance et sa jeunesse le comprend, mais l’Obama élevé dans
le sérail et compromis avec le système et les méthodes qui l’ont conduit à la
présidence des États-Unis ne peut résister à la tentation d’exercer des
pressions, de menacer, voire de tromper les autres. »
« Il est obsédé par son travail. Aucun autre président des USA ne
serait peut-être capable de se lancer dans un programme aussi intense que celui
qu’il se propose de réaliser dans les huit prochains jours. »
J’analysais dans ces
Réflexions-là, comme on peut le constater, la complexité et les contradictions
implicites dans sa longue tournée à travers l’Asie du Sud-est et je me demandais :
« De quoi pense traiter notre
illustre ami durant cette intense tournée ? » Ses conseillers
avaient précisé qu’il parlerait de tout avec la Chine, la Russie, le Japon, la
Corée du Sud, etc.
Il est évident qu’Obama
préparait le terrain au discours qu’il allait prononcer à West Point le 1er
décembre 2009. Ce jour-là, il s’est donné à fond. Il a élaboré et classé avec
soin cent soixante-neuf phrases destinées à presser chacune des
« touches » qui l’intéressaient pour obtenir que la société
étasunienne appuie sa stratégie de guerre. Il a eu des effets de manche qui
auraient fait pâlir Cicéron dans ses Catilinaires.
J’ai eu l’impression ce jour-là d’écouter George W. Bush : ses arguments et
sa philosophie ne se différenciaient en rien de ceux de son prédécesseur.
Exception faite d’une petite feuille de vigne : il s’opposait à la
torture.
Le chef de
l’organisation à laquelle on attribue l’acte terroriste du 11 septembre a été recruté et entraîné par l’Agence
centrale de renseignement pour combattre les troupes soviétiques, et il n’était
même pas Afghan.
Cuba a fait savoir ce
même jour qu’elle condamnait cet acte et a annoncé d’autres mesures. Nous avons
aussi averti que la guerre n’était pas la voie à prendre pour combattre le
terrorisme.
L’organisation des
Talibans – qui veut dire « étudiants » - est née au sein des forces
afghanes qui se battaient contre l’URSS et n’était pas ennemie des Etats-Unis.
Une analyse honnête permettrait de retracer la véritable histoire des événements
qui ont engendré cette guerre-là.
Aujourd’hui, ce ne sont
pas les soldats soviétiques, mais les troupes étasuniennes et celles de l’OTAN
qui occupent ce pays à feu et à sang. La politique que la nouvelle
administration offre au peuple étasunien est celle de Bush qui a ordonné
d’envahir l’Iraq alors que ce pays n’avait rien à voir avec l’attentat des
tours jumelles.
Le président des États-Unis
n’a pas dit un mot des centaines de milliers de personnes innocentes, dont des
enfants et des vieillards, qui sont mortes en Iraq et en Afghanistan, et des
millions d’Iraquiens et d’Afghans qui souffrent des conséquences de la guerre,
sans avoir la moindre responsabilité dans les faits survenus à New York. La
phrase par laquelle il a conclu son allocution : « Que Dieu bénisse
les États-Unis », semblait, plutôt qu’une prière, un ordre donné au Ciel.
Pourquoi donc Obama
a-t-il accepté le prix Nobel de la paix alors qu’il avait déjà décidé de porter
la guerre en Afghanistan jusqu’à ses dernières conséquences ? Rien ne le forçait à agir cyniquement!
Il a annoncé ensuite
qu’il irait recevoir son prix dans la capitale norvégienne le 11 et qu’il se
rendrait au Sommet de Copenhague le 18.
Il ne reste plus qu’à
attendre à Oslo un autre discours théâtral, un nouveau compendium de phrases
visant à occulter le fait réel que nous avons affaire à une superpuissance
impériale qui possède des centaines de bases militaires disséminées de par le
monde, dont les interventions militaires dans notre continent remontent à plus
de deux siècles, et les actions génocidaires au Vietnam, au Laos et dans
d’autres pays d’Asie, d’Afrique, du Moyen-Orient, des Balkans, et partout dans
le monde, à plus d’un siècle.
Le hic maintenant pour
Obama et ses alliés les plus riches, c’est que la planète qu’ils dominent d’une
poigne de fer est en train de se déliter entre leurs doigts.
Le crime commis par
Bush contre l’humanité est de notoriété publique : avoir ignoré le
Protocole de Kyoto et n’avoir pas fait pendant dix ans ce qu’il aurait fallu
faire depuis belle lurette. Obama n’est pas un ignare ; il connaît, tout
comme le connaissait Gore, le grave danger qui nous menace tous, mais il
vacille et se montre faible face à l’oligarchie irresponsable et aveugle de son
pays. Il n’agit pas comme l’a fait un Lincoln pour régler le problème de
l’esclavage et maintenir l’intégrité du pays en 1861, ou comme un Roosevelt
face à la crise économique et au fascisme. Mardi, il a lancé une pierre timide
dans les eaux agitées de l’opinion internationale : Lisa Jackson, administratrice
de l’Agence de protection de l’environnement, a informé que le réchauffement
mondial serait considéré comme une menace à la santé publique et au bien-être
du peuple étasunien, ce qui permettrait à Obama d’adopter des mesures sans
passer par le Congrès.
Aucune des guerres qui
ont eu lieu tout au long de l’Histoire ne représente un danger pire.
Les nations les plus
riches s’efforceront de faire retomber sur les plus pauvres le fardeau des
actions nécessaires au sauvetage de l’espèce humaine. Il faut au contraire
exiger aux plus riches le maximum de sacrifices, le maximum de rationalité dans l’emploi des ressources et
le maximum de justice envers notre espèce.
Il
est probable que ce qu’on obtiendra tout au plus à Copenhague, c’est un minimum
de temps pour aboutir à un accord obligatoire qui serve vraiment à chercher des
solutions. Si c’est le cas, le Sommet aura signifié au moins une modeste
avancée.
On verra bien!
Fidel Castro Ruz
Le