Réflexions
du compañero Fidel
LE DISCOURS D’EVO
Il est des moments dans l’histoire où un discours est
de rigueur, serait-il aussi bref que l’Alea
jacta est de César franchissant le Rubicon. Et il fallait le traverser le
jour où les ministres de
Nous étions le lundi 21 novembre, et les agences de
presse s’attachaient à divulguer et à commenter le Sommet de l’OTAN à Lisbonne,
où cette institution belliciste proclamait, d’un ton arrogant et grossier, son
droit d’intervenir dans n’importe quel pays du monde où ses intérêts seraient
censément menacés.
Elle ignorait royalement le sort de milliards de
personnes, ainsi que les vraies causes de la pauvreté et des souffrances de la
majorité des habitants de la planète.
Le cynisme de l’OTAN méritait une réponse, qui est
venu des lèvres d’un indigène aymara de Bolivie, au cœur même de l’Amérique du
Sud, où une civilisation plus humaine avait fleuri avant que la conquête, le
colonialisme, le capitalisme en plein essor et l’impérialisme n’eussent imposé
leur domination par la force brute, fondée sur le pouvoir des armes et de
technologies plus avancées.
Evo Morales, le président de ce pays élu par
l’immense majorité de son peuple, a, se fondant sur des arguments, des données
et des faits irréfutables, et sans doute sans même connaître l’infâme document
de l’OTAN, répondu à la politique que les gouvernements étasuniens ont suivie
tout au long de l’histoire envers les peuples latino-américains et caribéens.
Une politique de force qui s’est exprimée par des
guerres, des crimes, des violations des constitutions et des lois ; par la
formation d’officiers des institutions armées aux conspirations, aux coups
d’État, aux crimes politiques ayant servi à renverser des gouvernements
progressistes et à installer des régimes répressifs auxquels ils ont offert
systématiquement un soutien politique, militaire et médiatique.
Jamais discours n’a été plus opportun.
Utilisant bien souvent des expressions de sa langue
aymara, Evo a affirmé des vérités qui passeront à l’histoire.
Je vais m’efforcer de résumer ce qu’il a dit en le
reprenant textuellement.
« C’est pour moi une énorme satisfaction
d’accueillir à Santa Cruz de
« Bienvenue en Bolivie, la terre de
Túpac Katarí, la terre de Bartolina Sisa, de Simón Bolívar et tant d’autres qui
se sont battus voilà deux cents ans pour l’indépendance de ce pays et de bien
d’autres en Amérique.
« L’Amérique latine… vit ces dernières
années de profondes transformations démocratiques, à la recherche de l’égalité
et de la dignité des peuples…
« …suivant les pas d’Antonio José de
Sucre, de Simón Bolívar, de tant d’autres dirigeants indigènes, métis, créoles
qui ont vécu voilà deux cents ans.
« Voilà une semaine exactement, le 14
novembre, nous avons fêté le bicentenaire de l’armée bolivienne, dans laquelle,
en 1810, les indigènes, les métis et les créoles s’étaient organisés
militairement pour combattre la domination espagnole.
« Les peuples d’Amérique latine ont, ces
derniers temps, décidé une nouvelle fois de se libérer, et cette deuxième
libération ne sera pas seulement sociale et culturelle, mais encore économique
et financière.
« …cette Neuvième Conférence des
ministres de
« En 1985… seuls ceux qui avaient de
l’argent, une profession et qui parlaient espagnol avaient le droit d’être élu
et d’élire.
« Moins de 10 p. 100 de la population
bolivienne pouvaient donc participer aux élections, être élus ou élire les
autorités, et plus de 90 p. 100, nous, nous n’avions pas ce droit… différents
processus ont eu lieu… différentes réformes, mais c’est seulement en 2009 que
le peuple bolivien tout entier a eu pour la première fois le droit de se doter
d’une nouvelle Constitution qui entérinait notre État plurinational.
« …dans les autres Constitutions, bien
entendu, les secteurs les plus marginalisés… n’avaient pas le droit d’être élu
ni d’élire les autorités de l’État, de
« Il a fallu attendre cent quatre-vingts
ans pour pouvoir opérer de profondes transformations et incorporer ces secteurs
historiquement marginalisés en Bolivie. Aujourd’hui, si je ne me trompe, je
crois que c’est le seul pays d’Amérique, voire au monde, où la moitié des
ministres sont des femmes.
« Bien entendu, indépendamment des normes de
« L’important, c’est que là où les
mouvements indigènes ne sont pas nombreux, dans l’altiplano, dans la vallée de
l’Est bolivien, on a créé des circonscriptions spéciales pour qu’ils soient
représentés.
« Les circonscriptions uninominales
permettent aussi à nos frères les indigènes d’être représentés à l’Assemblée
législative plurinationale…
« C’est ainsi que nous avons permis la
présence de ces frères indigènes autrefois abandonnés, condamnés à l’extermination.
« Tout ça n’existait pas avant…
« …quand j’étais très jeune, je
critiquais parfois les forces armées comme dirigeant syndical. Ensuite, quand
je suis arrivé à la présidence, je me suis rendu compte qu’une bonne partie des
forces armées viennent des communautés paysannes, surtout de
« Je veux vous dire, chers ministres,
que maintenant la participation existe pour de bon, qu’avant seule la couleur
de la peau déterminait votre place dans l’échelle hiérarchique de la société.
Maintenant, un indigène, un dirigeant syndical, un intellectuel, un membre des
professions libérales, un entrepreneur, un militaire, un général, n’importe qui
peut être élu président démocratiquement. Avant, ça n’existait pas. Il a fallu
changer
« L’un des points de cette Conférence
est la démocratie, la sécurité et la paix. Mais il est passionnant de réviser
l’histoire, non seulement celle d’Amérique, mais encore du monde.
« Pour parler de la démocratie en
Bolivie par le passé, il faut dire qu’il n’y avait qu’une démocratie négociée.
Il n’y avait pas de parti qui pouvait gagner avec plus de la moitié des voix,
comme le dit
« …en Bolivie, de 1952 à 2005, il n’y
avait que des démocraties négociées, des partis qui remportaient les élections
avec 20 ou 30 p. 100 des voix.
« Le candidat d’un parti qui arrivait en
troisième pouvait devenir président, parce que ça dépendait des pactes et de la
répartition des ministères, et ce genre de pacte était aux mains de
l’ambassadeur étasunien. Nos compatriotes doivent se rappeler qu’en 2002, par
exemple, quand il ne fallait pas
remporter la moitié des voix, le parti vainqueur n’avait obtenu que 21 p. 100
des voix, et que l’ancien ambassadeur étasunien, Manuel Rocha, s’est efforcé de
faire négocier ces partis néolibéraux pour qu’ils puissent gouverner. Mais ces
gouvernements n’ont pas duré, n’ont pas supporté.
« Heureusement, grâce à la conscience du
peuple bolivien, nous avons surmonté ce genre de démocratie. Nous n’avons plus
une démocratie négociée, nous avons une démocratie légitime, répondant à la
pensée du peuple bolivien, aux sentiments du peuple bolivien qui a connu la
souffrance sous ce genre de gouvernement.
« …un programme pour rendre leur dignité
aux Boliviens, un programme qui cherche l’égalité des Boliviens, un programme
qui récupère les ressources naturelles, un programme qui fait des services de
base un droit humain…
« …quand certains de nos opposants –
comme vous en avez, vous, dans vos pays – nous accusent d’être un gouvernement
totalitaire, un gouvernement autoritaire, un gouvernement dictatorial, je me
dis : est-ce ma faute si ce programme de gouvernement proposé par un parti
recueille plus des deux tiers des voix dans les différentes structures de l’État
plurinational ? La seule mairie que je n’ai pas pu gagner, c’est celle de
Santa Cruz.
« Nous respectons ce maire, il a gagné,
mais je vous félicite, monsieur le
maire, pour les actions que vous avez engagées la semaine dernière afin de
combattre l’agiotage, la spéculation… mes félicitations, mes respects, monsieur
le maire.
« Certains nous accusent de pensée
unique. Il n’y a pas de pensée unique, juste un programme mis au point par les
différents secteurs sociaux à la tête des mouvements sociaux d’indigènes et
d’ouvriers, et qui est le seul à obtenir cet appui pour changer
« Mais que voyons-nous quand nous
parlons de démocratie ? Des conspirations, un coup d’État, des tentatives
de putsch en 2008. […] Et qui était la cheville ouvrière de ce coup
d’État ? L’ancien
ambassadeur des USA.
« J’ai révisé un peu d’histoire… Au
sujet du coup d’État de 1946 contre le lieutenant-colonel Gualberto Villaroel,
un président qui a dit : Je ne suis pas l’ennemi des riches, mais je suis
plutôt l’ami des pauvres. Et ce militaire patriote a été le premier président à
convoquer un Congrès indigène.
« Un autre président, Germán Bush, un
militaire, a dit : Je ne suis pas arrivé à la présidence pour servir les
capitalistes.
« Le premier président à avoir
nationalisé les ressources naturelles – je parle de 1937 ou 1938 – a été un
autre militaire, David Toro… qui a été assassiné en 1946, pendu dans le Palais.
« …l’offensive se concentrait sur le
Palacio Quemado, attaqué depuis la rue Illimani, depuis le carrefour de la rue Bolívar,
depuis la rue du Commerce, depuis la police, et, par-derrière, depuis l’édifice
Lasalle et depuis l’édifice Kersul, siège du consulat des USA.
« …le feu provenait aussi de l’édifice
Kersul, le consulat étasunien. Tout ceci pour liquider ce militaire patriote qui
avait réuni le premier Congrès indigène. Les
documents que j’ai révisés le prouvent.
« …l’histoire se répète. J’ai dû moi
aussi faire face à un ambassadeur, qui organisait, qui planifiait une action
antidémocratique pour en finir avec moi. Et je vois que ceci se répète dans le
monde entier.
« Mais un compagnon, un compatriote,
dans notre pays victime de tant de putschs militaire, que me dit-il ?
Voilà : "Président Evo, vous devez vous méfier de l’ambassade des
États-Unis. Il y a toujours eu des coups d’État en Amérique latine. Le seul
endroit où il n’y a pas eu de coups d’État, c’est aux États-Unis, parce qu’il
n’y a pas d’ambassade étasunienne."
« …plusieurs pays ont dû supporter des
tentatives de coups d’État : le Venezuela en 2002,
« …cette analyse interne doit entraîner
un débat profond des ministres de
« …nous avons le droit de proposer les
façons de garantir la démocratie dans chaque pays, mais sans coup d’État ni
tentatives de putsch.
« Nous voudrions que cette Conférence
des ministres de
« Mais quand nous parlons de paix, je me
demande aussi : comment la paix peut-elle régner s’il y a des bases militaires ?
Et je peux là aussi parler en connaissance de cause parce que j’ai été victime
de ces bases militaires étasuniennes sous prétexte de lutte contre le trafic de
drogues.
« Quand j’étais un bleu des forces
armées en 1978, les officiers et sous-officiers m’avaient appris à défendre la
patrie, et ils me disaient que les forces armées servaient à ça, à défendre la
patrie, et qu’elles ne pouvaient pas permettre la présence dans leurs rangs
d’un étranger en uniforme et armé.
« …quand je suis devenu dirigeant, je me
suis rendu compte personnellement que l’agence antidrogues,
« …si nous les peuples, nous luttons
pour notre dignité, pour notre souveraineté, ils ne pourront pas l’empêcher
malgré leurs bases militaires et leurs interventions armées. Si petits que nous
soyons, nous les pays dits sous-développés, dit en voie de développement, nous
avons de la dignité, nous avons notre souveraineté.
« Quand j’étais parlementaire, je me rappelle
qu’on a tenté de me faire voter l’immunité des fonctionnaires de l’ambassade
étasunienne. C’est quoi, l’immunité? Eh bien, que les fonctionnaires de
l’ambassade étasunienne, y compris ceux de
« …la paix est la fille légitime de
l’égalité, de la dignité, de la justice sociale. Sans dignité, sans égalité,
sans justice sociale, il est impossible de garantir la paix. Comment
pourrions-nous la garantir ? Les peuples se soulèvent parce qu’il y a une
injustice.
« …j’écoutais le secrétaire général des
Nations Unies qui parlait des doctrines. Nous connaissons des doctrines en
Bolivie, la doctrine anticommuniste, les putschs militaires, pour pouvoir
intervenir militairement dans les centres miniers, parce que les mouvements
sociaux, les centres miniers étaient de grands centres révolutionnaires pour
transformer
« Dans les années 50 et 60, on accusait
les dirigeants du secteur minier d’être des rouges, des communistes, ce qui
permettait de nous exiler, de nous bannir, de nous juger, de nous massacrer.
Cette époque est révolue. De nos jours, on ne peut nous accuser de rouges, de communistes, nous avons tous le droit de
penser différemment.
« Si la solution pour un pays, pour une
région, est le communisme, parfait. Pour d’autres, ce sera le socialisme, pour
un autre, le capitalisme, mais toujours en fonction de la décision démocratique
de chaque pays.
« Mais, depuis que nous avons gagné
cette lutte et que la doctrine anticommuniste ne suffit plus à faire taire les
peuples, à changer des présidents, à changer des gouvernements, alors on nous
invente une autre doctrine : la guerre contre la drogue.
« Bien entendu, notre obligation à tous
est de lutter contre les drogues […]
« …la lutte contre le trafic de drogues
ne peut être fondée sur des intérêts géopolitiques. On ne peut, sous prétexte
de lutte contre le trafic de drogues, sataniser les mouvements sociaux, les
criminaliser, on ne peut confondre feuille de coca et cocaïne, on ne peut
confondre le producteur de feuille de coca et le trafiquant de drogues, ou la
consommation légale de la feuille de coca avec la toxicomanie.
« Si la coca était nocive, pourquoi donc
ne l’ont-ils pas combattue depuis le siècle dernier ? Les Européens
étaient les premiers propriétaires fonciers à exploiter la feuille de coca. On
n’en faisait pas de la cocaïne.
« Les administrations étasuniennes distribuaient
avant des certificats de reconnaissance aux meilleurs producteurs de feuilles
de coca. Pourquoi ? Parce que ces producteurs de feuille de coca
fournissaient les mineurs d’étain pour qu’ils puissent continuer de travailler
et parce que cet étain, les USA l’emportait chez eux !
« …le monde le sait, vous-mêmes le
savez, la prétendue guerre contre la drogue a échoué. Il faut changer cette politique. Et
quelle est donc la nouvelle politique ? Par exemple, en finir avec le
secret bancaire. Ce gros ponte de la drogue, ce gros trafiquant de drogues,
vous croyez qu’il se ballade avec son argent dans la valise, qu’il prend
l’avion avec ? Non, son argent circule dans les banques. Alors, pourquoi
ne pas briser le secret bancaire pour en finir avec le trafic de drogues, pour
contrôler le gros trafiquant de drogues ?
« Parce que ce ne sont pas tous les pays
qui peuvent interdire l’entrée de la drogue chez eux avec des technologies
pareilles, des radars… Je sens qu’il peut exister une capacité de contrôle, et
que nous ne puissions pas contrôler.
Mais on ne peut imposer aux autres pays, sous prétexte de lutte contre le
trafic de drogues, des politiques de contrôle et surtout des politiques qui
visent à récupérer les ressources naturelles au profit des transnationales.
« …que disait par exemple l’ancien ambassadeur
étasunien, Manuel Rocha ? Ne votez pas pour Evo Morales. Evo Morales
est le Bin Laden des Andes et les planteurs de coca sont les talibans !
« Autrement dit, chers ministres de
“…et maintenant que les doctrines
anticommunistes, ou antiterroristes ne fonctionnent plus très bien, on nous
sort une nouvelle doctrine, que nous avons écoutée voilà quelques jours. Et je
veux saisir l’occasion d’en informer mon peuple à travers les médias.
« Le 17, certains Latino-américains se
sont réunis avec des législateurs des États-Unis au Congrès dans le cadre d’un
forum intitulé : "Danger dans les Andes, menaces à la démocratie, aux
droits de l’homme et à la sécurité interaméricaine".
« …la représentante Ileana Ros-Lehtinen,
par exemple, que dit-elle ? Eh bien, qu’elle a observé avec préoccupation, ces
dernières années, les efforts de plusieurs gouvernements de la région, comme
ceux d’Hugo Chávez au Venezuela, d’Evo Morales en Bolivie, de Daniel Ortega au
Nicaragua, de Rafael Correa en Equateur, pour consolider leur pouvoir coûte que
coûte, et que les gouvernements de l’ALBA, Chávez à leur tête, manipulent le
système démocratique de leurs pays pour servir leurs objectifs autocratiques.
« Je veux dire à cette représentante
qu’ici, nous n’avons pas gagné les élections comme aux USA, avec une différence
d’un ou deux pour cent, mais avec plus de 50 p. 100, ou plus de 60 p. 100, et
même plus de 80 p. 100 dans certaines régions. Ça, c’est la vraie démocratie !
« Pareil
pour Daniel Ortega. Que dit-on du cocalero Evo
Morales? Qu’il est en train de nouer une nouvelle alliance avec l’Iran et
« …sous ma direction,
« …sans partenaires démocratiques
stables, il ne peut y avoir de sécurité régionale. Les USA ne peuvent chercher
la sécurité pour eux tout seuls. Il est temps que l’Organisation des États
américains mette au rebut sa double morale, son deux poids deux mesures, et
fasse respecter par tous les États membres les principes et les obligations
fondamentales de
« Quant à l’autre représentant [Evo Morales parle de Connie Mack], j’ai ici toute son intervention, mais je
vais résumer ses idées essentielles. Voilà en gros ce qu’il dit :
Comme membre de ce Congrès, j’ai pu observer
ces six dernières années l’administration républicaine et l’administration
démocrate. Leur idée à toutes les deux au sujet d’Hugo Chávez est de ne pas
intervenir, de nous asseoir et d’attendre qu’il implose de lui-même, ou alors
que Chávez est fou. Je ne partage aucune de ces deux vues : je ne crois
pas qu’Hugo Chávez soit fou, et je ne crois pas que cette approche d’attendre
qu’il implose va fonctionner. Hugo Chávez est une menace pour la liberté et
pour la démocratie en Amérique latine et dans le monde. C’est ce qui m’inquiète
le plus. J’espère que quand nous deviendrons la majorité au Congrès et que je
serai président de la sous-commission, nous ferons justement ça : nous
charger de Chávez, autrement dit le vaincre politiquement ou le liquider
physiquement.
« Donc, ce législateur Connie Mack est
bel et bien un assassin avoué ou un conspirateur avoué contre notre compagnon,
notre frère, le président vénézuélien Hugo Chávez.
« Si quelque chose arrive à Hugo Chávez,
le seul responsable sera ce législateur étasunien, qui dit ça publiquement et
dont l’intervention est reproduite par les médias.
« Compagnon, frère secrétaire général de
l’OEA : vous devez nous expulser, nous, le Venezuela, l’Équateur et
« Les sanctions, ça veut sans doute dire
ça. Dites-moi comment nous pouvons garantir la sécurité et la paix des
Amériques quand vous entendez ces prises de position de certains législateurs
et de certains Latino-Américains ?
« Je suis allé chercher pour quelle
raison l’OEA avait expulsé Cuba en 1962 : parce qu’elle était léniniste,
marxiste et communiste. Maintenant, la nouvelle doctrine est une doctrine
contre l’ALBA. Comme c’est nous qui l’avons organisée… J’en profite pour saluer
Fidel, pour saluer Chávez, et d’autres présidents. Parce que notre doctrine à
nous, ceux de l’ALBA, c’est de forger un instrument d’intégration, de
solidarité, de solidarité sans conditions, une manière de partager au lieu de
rivaliser, des politiques de complémentarité et non de concurrence.
« … seuls de petits groupes tirent parti
de la concurrence, et non les majorités, qui attendent autre chose de leurs
présidents.
« Dans le cadre de ces politiques de
concurrence – et non de complémentarité – le capitalisme n’est même plus une
solution au capitalisme. Il suffit de
voir la crise financière.
« Avant, les doctrines venaient de
l’École de Panama, du Commandement Sud, où s’entraînaient nos militaires. Ils
ont dû fermer cette école à la suite des luttes de nos peuples. Maintenant, ce
n’est plus l’École des Amériques qu’elle s’appelle. Mais par quoi l’a-ton
remplacée ? Par des
opérations mixtes de forces spéciales.
« …j’admire certains officiers de nos
forces armées qui ont informé en détails au sujet de ces entraînements qui se font
par roulement annuel dans les différents pays latino-américains. Pourquoi ces
entraînements ? Pour former les officiers sur la manière de liquider ces
pays révolutionnaires, les pays qui font de profondes transformations
démocratiques, ou encore pour former exclusivement des francs-tireurs capables
de tuer des dirigeants.
« …j’avais vu avec une grande
indignation des vidéos de ces opérations mixtes de forces spéciales qui se font
par roulement dans chaque peuple. Bien entendu,
« …pour le mouvement indigène […], cette
planète ou Pachamama peut exister sans l’être humain, mais nous,
les êtres humains, nous ne pouvons pas vivre sans
« …le capitalisme n’est pas la propriété
privée. Parfois, on tente de nous tromper en disant que le président Evo remet
en cause le capitalisme et qu’il va nous prendre nos maisons, nos voitures. Non, la propriété privée est garantie en Bolivie.
« …la nouvelle Constitution garantit une
économie plurielle, autrement dit la propriété privée, la propriété communale,
la propriété publique, celle de tous les secteurs sociaux. Mais quand nous
parlons du capitalisme, nous parlons de ce développement irrationnel,
irresponsable, illimité.
« Nos compagnons ne trouvent déjà plus
d’eau dans l’Amazonie. Quand vous forez, vous constatez que l’eau se trouve de
plus en plus profond et qu’elle n’est pas abondante. Et justement, à cause du
réchauffement mondial, la sécheresse s’installe, et les familles doivent
abandonner l’endroit si vous ne leur garantissez pas d’eau. On appelle ça des
migrants climatiques, et ils sont maintenant des millions dans le monde.
« Et ce problème, nous n’allons pas
pouvoir le régler en faisant participer les forces armées, ou avec la
participation ou la coopération des ministres de
« …nous voudrions le régler ici sur le
moyen et le long termes, mais la meilleure solution pour en finir avec les
catastrophes naturelles, c’est d’en finir avec le capitalisme, en modifiant ces
politiques de surindustrialisation.
« Bien entendu, tous les pays veulent
s’industrialiser au profit de la vie, au profit de l’être humain. Mais nous ne
voulons pas d’une industrialisation qui liquide la vie, qui liquide les êtres
humains. Vous avez des doctrines qui proclament et prônent la guerre ;
certains peuples ou États vivent de la guerre. Il faut en finir. Et pour en
finir, il faut liquider ces grandes industries d’armements.
« …je sais que de nombreux ministres ont
un message de leur président, de leur gouvernement, de leur peuple. Mais soyons
responsables envers la vie, et soyons donc responsables envers la planète,
envers
« …si seulement l’Amérique latine
pouvait, à travers vous, ministres de
« Je tiens à saluer nos forces armées.
Je vais être franc : en 2005, en 2006, quand je suis arrivé à la
présidence, j’avais très peur parce que je ne savais pas si les forces armées
m’accompagneraient ou non.
« …des forces armées qui participent aux
travaux sociaux, aux changement
structurels, à la récupération des mines, qui appuient les politiques de
récupération des ressources naturelles, voilà les forces armées qu’aime le
peuple bolivien.
« Le peuple sent que ses forces armée
sont à lui. Nous avons maintenant, heureusement, deux structures importantes
dans l’État plurinational : les mouvements sociaux qui défendent les
ressources naturelles et les forces armées qui les défendent aussi. Quand les
forces armées ont vu le jour en 1810, elles étaient là pour défendre les
ressources naturelles, l’identité de nos peuples, leur souveraineté. Il est
vrai qu’à certaines étapes, les forces armées ont joué un mauvais rôle, mais
pas à cause de leurs commandants, mais à cause d’intérêts oligarchiques ou sans
rapport avec nos peuples, et elles ont fait beaucoup de mal.
« …les diktats politiques venant
d’en-haut et du dehors, du Fonds monétaire international et de
« Des profits, seuls 18 p. 100 allaient
aux Boliviens, et les 82 p. 100 restants étaient empochés par les sociétés
transnationales.
« Par le décret suprême du 1er
mai 2006, nous avons d’abord fait passer les ressources naturelles sous le
contrôle de l’État. Ensuite, comme nous sommes convaincus que l’investisseur a
le droit d’avoir des profits et d’amortir son placement, nous avons décidé,
après avoir consulté les spécialistes, qu’avec un taux de profit de 18 p. 100,
il pouvait récupérer son investissement et faire des bénéfices. Donc, depuis le
1er mai 2006, les entreprises qui investissent ont droit à 18 p.
100, et les 82 p. 100 restants vont au peuple bolivien. Voilà notre forme de
nationalisation, qui respecte l’investissement privé. »
Evo a conclu son allocution en donnant des chiffres
qui prouvent incontestablement les bons résultats économiques de la
révolution :
« Le Produit intérieur brut était en
2005 de 9 milliards de dollars ; il est en 2010 de 18,5 milliards.
« …à l’époque de
« …en 2005,
« …quand nous dépendions des
gouvernements étasuniens, nous ne pouvions même pas liquider
l’analphabétisme ; aujourd’hui, grâce à la coopération inconditionnelle,
surtout de Cuba, et du Venezuela, nous avons déclaré
« Que nous demande Cuba en échange de
cette coopération ? Rien. Ça
s’appelle solidarité, partager le peu qu’on a et non pas ce qu’on a de trop.
Ça, je l’ai appris du compagnon Fidel pour qui j’ai beaucoup
d’admiration. »
C’est uniquement par modestie qu’Evo n’a pas parlé
des avancées colossales du peuple bolivien en matière de santé. Rien qu’en
ophtalmologie, environ 500 000 Boliviens ont été opérés de la vue ;
les services de santé touchent tous les habitants, tandis qu’environ 5 000
spécialistes en Médecine générale intégrale sont en cours de formation et
recevront bientôt leur diplôme. Ce pays frère latino-américain a de quoi se
sentier fier.
Evo a conclu :
« …sans le Fonds monétaire
international, autrement dit sans personne qui nous impose des politiques
économiques de privatisation, de bradage, nous pouvons avancer encore plus en
matière de démocratie. Si nous ne dépendons pas des États-Unis, nous améliorons
notre démocratie en Amérique latine. Voilà le résultat de mes cinq années de
président.
« Je ne veux pas dire par là que
« …que les peuples aient le droit de
décider d’eux-mêmes de leur démocratie, de leur sécurité. Mais tant qu’on
continuera d’avoir des politiques interventionnistes au moindre prétexte… la
libération des peuples prendra du temps. De toute façon, tôt ou tard, les
peuples, comme nous pouvons le voir, continueront de se rebeller.
« …j’en suis convaincu, de la rébellion
à la révolution, de la révolution à la décolonisation… »
À peine quarante-huit heures après le discours d’Evo,
celui de Chávez frappait comme un éclair. Les lumières de la rébellion
illuminent les cieux de Notre Amérique.
Fidel Castro
Ruz
Le 24 novembre
2010
19 h 36