Réflexions du compañero Fidel
LA RÉBELLION RÉVOLUTIONNAIRE
EN ÉGYPTE
J’ai dit voilà quelques
jours que le sort de Moubarak était jeté et que même Obama
ne pouvait pas le sauver.
On sait ce qu’il se passe au
Moyen-Orient. Les nouvelles circulent à une vitesse étonnante. Les hommes
politiques, qui ont à peine le temps de lire les dépêches qui tombent heure
après heure, sont tous conscients de l’importance des événements.
Au terme de dix-huit jours
de rudes batailles, le peuple égyptien a atteint un objectif important :
renverser le principal allié des États-Unis au sein des États arabes. Moubarak,
non content d’opprimer et de saigner à blanc son propre peuple, était l’ennemi
des Palestiniens et le complice d’Israël qui est la sixième puissance nucléaire
de la planète et la partenaire du groupe belliqueux que constitue l’OTAN.
Les forces armées
égyptiennes avaient, sous la direction de Gamal Abdel
Nasser, expulsé un roi soumis et créé
Ce qui explique pourquoi
l’Égypte jouissait d’un prestige élevé
dans le Tiers-monde. Nasser était considéré comme l’un des leaders les plus éminents
du Mouvement des pays non alignés à la création duquel il avait participé aux
côtés d’autres dirigeants connus d’Asie, d’Afrique et d’Océanie qui luttaient
pour la libération nationale et pour l’indépendance politique des anciennes
colonies.
En 1978, l’Égypte d’Anouar el-Sadate et le Premier
ministre israélien, Menahem Begin, signèrent, avec la
médiation du président étasunien Jimmy Carter, les fameux Accords de Camp
David.
Les deux pays soutinrent
pendant douze jours des négociations secrètes, dures et complexes, mais sans
participation des Palestiniens à cause du refus catégorique d’Israël, et
signèrent, le 17 septembre 1978, deux accords importants : le premier
portant sur la paix entre eux ; le second en rapport avec la création,
dans la bande de Gaza et en Cisjordanie, d’un territoire autonome où, selon
l’idée d’el-Sadate qu’Israël connaissait et faisait
sienne, devait voir le jour l’État palestinien dont les Nations Unies avaient,
le 29 novembre 1947, décidé de l’existence, ainsi que de celle d’Israël, après
partition de
Par le premier accord,
Israël acceptait de rendre à l’Égypte, dans un délai d’un an, la péninsule du
Sinaï que ses troupes avaient occupée lors de la dernière guerre arabo-israélienne.
Par le second accord, les
deux parties s’engageaient à négocier la création d’un régime autonome
palestinien en Cisjordanie, un territoire de 5 640 kilomètres
carrés et de 2,1 millions d’habitants, et dans la bande de Gaza, de 360
kilomètres carrés et de 1,5 million d’habitants.
Les États arabes
s’indignèrent de cet accord, parce que, de leur point de vue, l’Égypte n’avait
pas défendu avec assez d’énergie et de fermeté la création d’un État
palestinien dont le droit vital à l’existence avait été au cœur des luttes
qu’eux-mêmes et l’héroïque peuple palestinien avaient livrées pendant des
décennies.
L’indignation fut telle que
nombre de ces États rompirent leurs relations avec l’Égypte. Voilà donc de
quelle manière
La population arabe de
Palestine est victime d’actions génocidaires ; on lui enlève ses terres ou
on assèche celles-ci dans les régions semi-désertiques,
on détruit ses logements à coups de bouteurs. Le million et demi de personnes
vivant dans la bande de Gaza fait l’objet d’attaques systématiques par des
projectiles explosifs, du phosphore blanc et des grenades à
fragmentation ; le territoire même connaît un blocus maritime et terrestre.
Pourquoi parle-t-on des Accords de Camp David sans mentionner
Les États-Unis fournissent
à Israël les armements les plus modernes
et perfectionnés à raison de plusieurs milliards de dollars annuels. Mais
l’Égypte, un pays arabe, est devenue à son tour le second plus gros
bénéficiaire d’armes étasuniennes ? Pour lutter contre qui ? Contre
un autre pays arabe ?
Contre le peuple égyptien ?
Quand la population
réclamait le respect de ses droits les plus élémentaires et la démission d’un
président dont la politique consistait à exploiter et à piller son propre
peuple, les forces répressives entraînées par les États-Unis n’ont pas hésité à
tirer, tuant des centaines de personnes et en blessant des milliers.
Quand le peuple égyptien
demandait des explications à son gouvernement, les réponses émanaient de hauts
fonctionnaires des services de renseignement étasuniens ou de l’administration
de Washington, sans le moindre respect pour les fonctionnaires égyptiens.
Les dirigeants et les
services secrets étasuniens ne savaient-ils rien par hasard des vols énormes du
gouvernement Moubarak ?
Avant que le peuple ne
commence à protester massivement sur la place Tahrir,
ni les fonctionnaires ni les services secrets étasuniens n’ont jamais dit mot
des privilèges et des vols éhontés se montant à des milliards de dollars.
On aurait tort de croire que
le mouvement populaire révolutionnaire en Égypte obéit théoriquement à une
réaction contre les violations de ses droits les plus élémentaires.
Les peuples ne défient pas la répression et la mort ni ne passent des nuits
entières à protester énergiquement pour des questions purement formelles :
ils le font quand leurs droits légaux et matériels sont sacrifiés sans pitié au
nom des exigences insatiables de politiciens corrompus et des milieux nationaux
et internationaux qui pillent leur pays.
La pauvreté touchait d’ores
et déjà la majorité d’un peuple combattif, jeune et
patriotique, blessé dans sa dignité, sa culture et ses croyances.
Comment pourrait-on
concilier la hausse imparable des cours des aliments et les dizaines de
milliards de dollars attribués au président Moubarak et aux secteurs
privilégiés du gouvernement et de la société ?
Il ne suffit plus qu’on
sache à combien se montaient ces sommes ; il faut exiger aussi leur retour
au pays.
Obama est touché par les
événements égyptiens ; il agit ou semble agir comme maître de la planète.
On dirait que l’Égypte est sa chasse privée. Il n’arrête pas de téléphoner aux dirigeants d’autres pays.
L’agence EFE informe par exemple:
« …il s’est entretenu avec le Premier ministre britannique, David
Cameron, avec le roi Abdallah II de Jordanie, et avec le Premier ministre turc,
l’islamiste modéré Recep Tayyip Erdoğan.
« …le dirigeant étasunien a soupesé
"le changement historique" qu’ont provoqué les Égyptiens et a
réaffirmé son admiration devant leurs efforts… »
La principale agence de presse étasunienne AP fait
part de raisonnements dignes d’intérêt :
« Les États-Unis
demandent au Moyen-Orient des dirigeants de tendance occidentale, amicaux
envers Israël et disposés à coopérer à la lutte contre l’extrémisme islamique,
mais défendant les droits humains.
« …après
la chute de deux alliés de Washington en Égypte et en Tunisie à la suite de
soulèvements populaires qui, selon des experts, se propageront dans la région Barack Obama a posé une série de
conditions idéales mais impossibles à concrétiser.
« Il
n’existe aucune perspective que ce rêve se réalise, encore moins à court terme.
Ce qui se doit en partie au fait que, ces quarante dernières années, les
États-Unis ont sacrifié les nobles idéaux des droits humains, qu’ils prônent
tant, sur l’autel de la stabilité, de la continuité et du pétrole dans une des
régions les plus instables au monde.
« "L’Égypte
ne sera plus la même", a dit Obama vendredi,
après s’être félicité du départ d’Hosni Moubarak.
« Par
leurs protestations pacifiques, a-t-il dit, les Égyptiens "ont transformé
leur pays et le monde".
« Bien
que plusieurs gouvernements arabes soient nerveux, les élites en place en
Égypte et en Tunisie n’ont pas donné de signes qu’elles sont prêtes à céder
leur pouvoir ni leur vaste influence économique.
« L’administration
Obama a insisté sur le fait qu’il ne pouvait s’agir
d’un simple changement de "personnalités". Elle a fixé cette attitude
depuis que le président tunisien Zine el-Abidine Ben Ali s’est
enfui en janvier dernier, un jour après que la secrétaire d’État Hillary Rodham Clinton eut averti les gouvernements arabes, dans un
discours à Qatar, que, sans une réforme, les fondations de leurs pays
"s’enfonceraient dans le sable". »
Les
gens ne se montrent pas très dociles sur la place Tahrir.
Europa
Press informe :
“Selon la
chaîne britannique BBC, des milliers de manifestants ont rejoint la place Tahrir, épicentre des mobilisations qui ont entraîné la
démission du président Hosni Moubarak, afin de renforcer ceux qui continuent
d’y camper malgré les tentatives de la police militaire de les déloger.
« D’après
le correspondant de
« Le
"noyau dur"… est installé à l’un des coins de la place. […] il a
décidé d’y rester […] pour garantir le respect de toutes ses
réclamations. »
Indépendamment
de ce qu’il se passera en Égypte, l’un des problèmes les plus graves auxquels
se heurte l’impérialisme actuellement est le déficit de céréales que j’ai
analysé dans mes Réflexions du 19 janvier.
Les
USA utilisent une part importante de leur maïs et un taux élevé de leur soja à
la production de biocarburants. De son côté, l’Europe allouent des millions
d’hectares à ce même objectif.
Par
ailleurs, par suite des changements climatiques dont les pays développés et
riches sont responsables pour l’essentiel, on assiste à un déficit croissant
d’eau potable et d’aliments incompatible avec une population qui se chiffrera,
aux rythmes de croissance actuels, à neuf milliards d’habitants d’ici à trente
ans, une situation dont l’Organisation des Nations Unies et les gouvernements
les plus influents de la planète se gardent bien, après les réunions décevantes
de Copenhague et de Cancún,
d’informer et d’avertir le monde.
Nous
soutenons le peuple égyptien et sa lutte courageuse pour ses droits politiques
et la justice sociale.
Nous
ne sommes pas contre le peuple israélien ; nous sommes contre le génocide
dont est victime le peuple palestinien et pour son droit à un État indépendant.
Nous
sommes, non pour la guerre, mais pour la paix entre tous les peuples.
Fidel Castro Ruz
Le 13 février 2011
21 h
14